Le droit à la santé et à la vie

JIM - Dangerosité des LBD 40 : un neurochirurgien monte au front

Février 2019, par Info santé sécu social

Besancon, le vendredi 1er février 2019 –

Mercredi, le Conseil d’État examinait plusieurs recours destinés à obtenir la suspension immédiate des lanceurs de balles de défense (LBD), utilisés par les forces de l’ordre. Devant les conseillers d’état, Pascale Léglise, représentante du ministère de l’Intérieur a indiqué que cette arme « non-létale » ou « sub-létale » a été employée à 9 228 reprises lors de manifestations de "Gilets jaunes", depuis le 17 novembre.

Selon diverses estimations, on recenserait au moins 90 blessés graves par ces armes, dont 17 énucléations, mais aussi des amputations d’extrémité de membres, des fracas faciaux ainsi que des traumatismes cérébraux.
« Un parpaing de 25 lâché sur un visage d’une hauteur d’un mètre »
Dans ce contexte, le Professeur Laurent Thines, neurochirurgien et chef de service au CHRU de Besançon lance une pétition « en tant que soignant » qui vise à alerter « sur la dangerosité extrême de ces armes » et à réclamer « un moratoire » sur leur utilisation. Il rappelle que la vitesse du projectile atteint 90m/sec (324 km/h) et que sa force d’impact est de 200 joules, ce qui pour être plus parlant, équivaut, selon le Pr Thines à un « parpaing de 25 lâché sur un visage d’une hauteur de un mètre ». Par ailleurs, pour documenter les affirmations concernant les conséquences de ces armes, il rappelle les conclusions d’une méta-analyse publiée en 2017 dans le British Medical Journal qui rapportait une série internationale de 1984 cas de traumatismes graves, dont 53 décès (1).

Dans le texte de sa pétition, il explique sa prise de conscience : « j’ai été particulièrement choqué par les photos prises et les lésions observées chez les personnes blessées lors des mouvements de manifestation. Beaucoup, très jeunes (potentiellement nos enfants), ont été mutilés alors qu’ils ne représentaient aucune menace pour les forces de l’ordre. Le cas de la jeune Fiorina [dont il a produit la photographie NDLR], étudiante picarde de 20 ans touchée à l’œil par un projectile de LBD4O, le 8 décembre 2018 en est un des plus tristes exemples ».

Aux journalistes de France Inter, il a précisé, que, bien que Besançon n’ait pas eu à connaître ce type de blessures, il a pu « consulter les images des scanners anonymisés de certains patients. On retrouve à la fois des lésions externes, des plaies du cuir chevelu, des contusions ou, chez certains patients, la perte d’un œil et des lésions internes, du même type que celles que l’on trouve sur des scènes de guerre ou sur des accidents graves de la route ».

La pétition a à ce jour recueilli la signature de 80 000 personnes* mais de son côté le Conseil d’État a rejeté ce matin les requêtes demandant la suspension de l’usage de ces armes…

Frédéric Haroche

RÉFÉRENCES
1.Haar RJ, Iacopino V, Ranadive N, et al. Death, injury and disability from kinetic impact projectiles in crowd-control settings : a systematic review. BMJ Open 2017 ;7:e018154. doi:10.1136/ bmjopen-2017-018154)
* https://www.change.org/p/les-soignants-français-pour-un-moratoire-sur-l-utilisation-des-armes-sub-létales