PLFSS 2020

Le Monde.fr : Sécurité sociale : le retour à l’équilibre repoussé en 2023

Septembre 2019, par infosecusanté

Le Monde.fr : Sécurité sociale : le retour à l’équilibre repoussé en 2023

Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse devrait s’élever à 5,4 milliards d’euros en 2019, selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté lundi.

Par François Béguin et Raphaëlle Besse Desmoulières •

Publié le 30 septembre 2019

Ce ne sera finalement pas pour cette fois. Ni pour la prochaine. Le gouvernement avait annoncé il y a tout juste un an que les comptes de la Sécurité sociale repasseraient dans le vert en 2019, pour la première fois depuis 2002 : le retour à l’équilibre est désormais prévu pour 2023. Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui verse les cotisations retraite des chômeurs et le minimum vieillesse, devrait s’élever à 5,4 milliards d’euros en 2019 et à 5,1 milliards d’euros en 2020, selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) présenté lundi 30 septembre. Soit un niveau comparable à celui trouvé par l’exécutif à son arrivée aux manettes en 2017.

Le mouvement des « gilets jaunes » est passé par là. L’annulation de la hausse de la CSG pour les petites pensions, la prime exceptionnelle exonérée de cotisations sociales versée par les entreprises – reconduite en 2020 – ou encore la suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires avancée au 1er janvier pèsent fortement sur les comptes de la Sécu. L’Etat a par ailleurs été optimiste dans ses prévisions de croissance et de masse salariale : ces dernières n’ont pas augmenté comme espéré, réduisant d’autant les recettes attendues.

Dès janvier, Agnès Buzyn, la ministre des solidarités et de la santé, avait reconnu que le retour à l’équilibre serait « compromis » en 2019. Un pronostic confirmé en juin par la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), qui projetait un déficit compris entre 1,7 milliard et 4,4 milliards d’euros si l’exécutif décidait de faire porter à la Sécu encore convalescente le plus gros du financement de la facture du mouvement social.

« Un choix politique »

Ce sera bien le cas. Le gouvernement a de nouveau choisi de déroger au principe instauré par la loi Veil de 1994 prévoyant que toute mesure d’exonération, partielle ou totale, de cotisations donne lieu à « compensation intégrale » par le budget de l’Etat. En juin, la CCSS avait chiffré la perte pour la Sécu à 2,7 milliards d’euros pour 2019 après la crise des « gilets jaunes ». Le rapporteur général LRM de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Olivier Véran, tient à relativiser. Il explique avoir pesé de tout son poids en amont de l’élaboration du budget « pour que l’Etat compense à la Sécu les mesures d’urgence ». « Ça reste un jeu d’écriture entre l’Etat et la Sécu, souligne le député de l’Isère. Maintenant, l’essentiel, c’est de garantir les moyens indispensables pour l’hôpital et un financement ambitieux pour la dépendance. »
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Le socialiste Christian Eckert, lui, ne décolère pas. « C’est un choix politique plus que symbolique, dénonce l’ancien secrétaire d’Etat au budget pendant le quinquennat Hollande. C’est anormal pour ne pas dire scandaleux : comme si le gouvernement voulait faire la preuve que le système n’est pas viable ! »

Dans le détail, en 2019 et 2020, seules les branches accidents du travail et famille devraient rester dans le vert. La branche maladie devrait replonger, avec un déficit prévisionnel de 3 milliards d’euros en 2019 et en 2020 contre 700 millions en 2018. Parmi les dépenses nouvelles, 300 millions d’euros pour financer la mise en place du « reste à charge zéro » pour les lunettes et les prothèses dentaires et auditives, 10 millions d’euros pour proposer un forfait « transport et hébergement » aux quelque 60 000 femmes enceintes habitant à plus de 45 minutes d’une maternité ou encore 10 millions d’euros pour financer un « parcours d’accompagnement vers l’après-cancer ».

Les hôpitaux devraient rester sous pression. Le niveau de l’Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam), fixé à + 2,3 % pour 2020 (soit 4,6 milliards de dépenses supplémentaires), contre + 2,5 % en 2019, devrait être jugé insuffisant par un monde hospitalier épuisé par des années de rigueur budgétaire. « Un Ondam à 2,3 % est peut-être nécessaire pour atteindre les objectifs de finances publiques mais il est peu probable que les hôpitaux publics et la qualité des soins puissent, sans dommage, le supporter », estime ainsi Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR) et spécialiste des questions sociales, dans la revue Les Tribunes de la santé (2019).

« Des mesurettes »

Pour répondre à la grève des paramédicaux des urgences, qui revendiquent 264 services mobilisés six mois après le début du mouvement, Agnès Buzyn a dégagé 150 millions d’euros en 2020. Une somme qui « ne contraindra pas les autres dépenses » et « ne pèsera pas sur les tarifs hospitaliers en 2020 », a-t-elle assuré à l’agence d’information médicale APMnews le 10 septembre, en réponse à ceux qui dénonçaient une réforme à Ondam constant.

Reste que ces millions, destinés à alléger le nombre de patients se rendant directement aux urgences, ne financeront ni réouvertures massives de lits, ni embauche de soignants, ni revalorisations salariales. « Les mesures annoncées par la ministre dans son “pacte de refondation des urgences”, c’est bien mais il n’y a rien de très neuf, elle gratte les fonds de tiroirs avec des mesurettes, juge sous le couvert d’anonymat le directeur d’un groupement hospitalier de territoire. Ça se tend de plus en plus à l’hôpital et pour la première fois, je pressens qu’il ne faut pas grand-chose pour que ça pète. »

Autre dossier en souffrance : celui de la dépendance. En attendant un projet de loi promis pour décembre, le gouvernement prévoit d’ores et déjà de dégager plus de 500 millions d’euros pour financer des mesures comme la rénovation d’Ehpad ou un congé rémunéré pour les aidants.

La branche vieillesse très touchée

Reste que c’est la branche vieillesse qui est la plus touchée. Légèrement excédentaire en 2018, elle chute lourdement cette année pour atteindre - 2,1 milliards d’euros. Si on y ajoute les 2,3 milliards d’euros de déficit du FSV, c’est 4,4 milliards d’euros à trouver. Au ministère de l’action et des comptes publics, on explique notamment cette forte dégradation par des « prestations vieillesse plus dynamiques qu’anticipé ». Sans omettre également que c’est elle qui supporte « l’essentiel » du choix du gouvernement de ne pas compenser les exonérations de cotisations sociales.

En 2020, la situation de cette branche devrait encore se détériorer, d’autant qu’il faudra également financer la revalorisation des petites pensions sur l’inflation. Selon les prévisions du gouvernement, son déficit devrait se creuser pour se situer à 2,7 milliards d’euros tandis que celui du FSV devrait, lui, se rétablir très légèrement pour atteindre - 1,4 milliard d’euros.

De quoi relancer le débat sur d’éventuelles mesures d’économies sur les retraites, alors qu’Emmanuel Macron entend remettre les comptes à l’équilibre avant 2025 et l’entrée en vigueur du nouveau système universel. Si l’exécutif avait écarté en juillet cette idée dans le PLFSS 2020, il n’y avait pas renoncé pour autant. Il pourrait les inclure dans le projet de loi de la réforme systémique, qui devrait être dévoilé avant les municipales de mars pour être voté d’ici à l’été. Un choix qui pourrait s’avérer risqué alors que des manifestations contre ce vaste projet ont déjà ponctué le mois de septembre et que plusieurs syndicats de la RATP appellent à une « grève illimitée » à partir du 5 décembre.

François Béguin et Raphaëlle Besse Desmoulières