Les retraites

Le Monde.fr : La Cour des comptes met en garde l’exécutif sur la réforme des retraites

Octobre 2019, par infosecusanté

Le Monde.fr : La Cour des comptes met en garde l’exécutif sur la réforme des retraites

La prise en charge des seniors, touchés par la réforme de 2010 « et qui se trouvent exclus du marché du travail », représente un coût d’« environ 1,5 milliard par an », d’après la haute juridiction.

Par Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières Publié aujourd’hui à 11h35,

La Cour des comptes a décidé de peser de tout son poids dans le débat sur la réforme des retraites. Après avoir passé au crible les régimes spéciaux en juillet et les dispositifs permettant un départ anticipé il y a quelques jours, elle apporte une nouvelle contribution – cette fois-ci sur « les fins de carrière ». Une thématique que la haute juridiction aborde dans un référé, c’est-à-dire une communication de quelques pages, transmis à Edouard Philippe le 23 juillet et rendu public jeudi 10 octobre. Alors que l’exécutif distille, depuis plusieurs mois, l’idée selon laquelle il faudra travailler plus longtemps, le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, lance une mise en garde au sujet du devenir des seniors sur le marché de l’emploi.

Sur cette problématique, la situation s’avère très contrastée, avec – à la fois – des signes d’amélioration et la persistance de gros points noirs. La part des individus de 55 à 64 ans qui travaillent a, certes, « nettement progressé », passant de 36,4 % en 2003 à 52,3 % au premier trimestre 2019, comme le rappelle la Cour. Mais ce ratio est inférieur à la moyenne de l’Union européenne (59,1 %). Un écart qui s’explique par « la faiblesse du taux d’emploi » des 60-64 ans (32,2 %, soit presque treize points en moins par rapport à l’UE). Ces données reflètent un « retrait précoce du monde du travail ».

D’ailleurs, le nombre de chômeurs de plus de 50 ans « a été multiplié par deux depuis 2008 ». Le sort des seniors à la recherche d’une activité « s’est dégradé » en une douzaine d’années, leur « ancrage dans le chômage étant de plus en plus marqué » car ils « éprouvent de grandes difficultés à retrouver » un poste. Les entreprises ont une grande part de responsabilité, en raison de leurs « réticences à recruter des salariés âgés ». Elles « n’ont pas pleinement répercuté (…) sur la gestion de leurs effectifs » le fait que l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé de 60 à 62 ans par la loi Woerth de 2010.

« Exclus du marché du travail »
Résultat : parmi les 60-64 ans, ils sont de plus en plus nombreux à bénéficier de l’assurance-chômage, de l’allocation de solidarité spécifique (versée aux demandeurs d’emploi en fin de droit) ou d’un autre minimum social. La prise en charge des seniors, touchés par la réforme de 2010 « et qui se trouvent exclus du marché du travail », représente un coût d’« environ 1,5 milliard par an », d’après la haute juridiction. Au passage, elle s’inquiète de la « trappe à pauvreté » qui se referme sur les seniors.

Pourtant, les gouvernements successifs ont pris de « nombreuses initiatives » durant les deux décennies écoulées pour résoudre le problème. Mais le bilan « se révèle décevant » et « la mobilisation est restée très faible (…) dans les dernières années », déplore M. Migaud. L’État est montré du doigt, ainsi que Pôle emploi. L’opérateur public « n’a pas défini au niveau national d’actions spécifiques au profit des demandeurs d’emploi » âgés, regrette le premier président de la Cour : « Ils ne sont pas plus nombreux [que les autres tranches d’âge] en accompagnement renforcé (…) et ont également moins accès aux prestations » proposées par ce service public. Un tel « délaissement » doit cesser « à la veille d’une nouvelle réforme des retraites », insiste-t-il, en formulant plusieurs recommandations (expérimenter une aide à l’employeur pour les CDD seniors, inscrire l’emploi des salariés âgés comme un volet obligatoire de négociation dans les entreprises, etc.).

Le 12 septembre, le premier ministre avait appelé sur ce sujet à « un nouveau souffle » qui nécessite « très clairement (…) la mobilisation des employeurs ».
Sollicité par Le Monde, Matignon indique qu’une réponse sera très prochainement adressée à la Cour des comptes. Lors de son discours devant le Conseil économique, social et environnemental, le 12 septembre, le premier ministre avait appelé sur ce sujet à « un nouveau souffle » qui nécessite « très clairement (…) la mobilisation des employeurs ». De son côté, Misoo Yoon, directrice générale adjointe de Pôle emploi, explique que l’opérateur ne raisonne pas par « catégories administratives ou par tranches d’âge ». « Notre offre de services est construite en fonction des besoins identifiés pour chaque demandeur d’emploi, ajoute-t-elle. D’un senior à un autre, la problématique peut ne pas être la même ; dans certains cas, il faudra agir sur la mobilité de la personne, dans d’autres, envisager une action de formation. »

Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières