Les retraites

Libération - CFDT : « Plein de choses ne vont pas dans la réforme, Berger a fini par le voir »

Décembre 2019, par Info santé sécu social

Par Amandine Cailhol, 17 décembre 2019

Favorable au système à points, le syndicat réformiste a manifesté avec son propre mot d’ordre, l’abandon de l’âge pivot.

CFDT : « Plein de choses ne vont pas dans la réforme, Berger a fini par le voir »
Chacun dans son coin. Mardi à Paris, les militants CFDT se sont donné rendez-vous sur un bout de la place de la République avec la CFTC et l’Unsa, à 14 h 30, pour tenter d’infléchir la réforme des retraites. A l’écart des autres syndicats, dont la CGT et FO, qui réclament le retrait du projet. C’est leur première grande mobilisation interprofessionnelle depuis près de dix ans.

« Pas grave, dit Géraldine en brandissant son drapeau orange. C’est la grosse teuf. La grève party de la CFDT. » La fonctionnaire, syndiquée depuis trois ans, fait là sa première manif. Avant, dit-elle, la confédération n’avait jamais appelé à se mobiliser. Elle reprend son chant : « Oui à la réforme mais dans le respect du dialogue social. CFDT, CGT, FO, FSU, tous ensemble. » Elle explique être « pour un front unitaire ». Et d’ajouter : « C’est mon avis, pas celui de Laurent Berger. » Le secrétaire général de la centrale a passé une tête à République en début d’après-midi. Ou plutôt, a pris un bain de foule. Entre journalistes et militants groupies, difficile de circuler. Lors d’un point presse, il a redit son opposition à « l’âge d’équilibre ». Mais aussi la nécessité d’aller vers plus de « justice sociale », ce qui passe, selon lui, par un régime par points. Et d’ajouter : « La CFDT est cohérente. Nous sommes dans le rapport de force depuis le début des concertations. » Puis, après un « bravo » à ses troupes, il s’est éclipsé.

Myriam, retraitée venue dénoncer « l’absurdité » de l’âge pivot, a « toute confiance » en lui : « Ce n’est pas un apparatchik, il a la capacité de négocier de manière libre et indépendante. » Même discours de Xavier, délégué syndical dans les télécoms : « On est globalement en phase avec le projet du gouvernement, assure-t-il. A condition de ne pas mélanger mesures [d’équilibre financier] et systémiques. » Vers 15 heures, les militants à casquettes orange n’ont pas bougé. Certains tentent un pas de danse. « Ça fait un peu boum ! » sourit Mylène Jacquot, à la tête de la CFDT fonction publique. « Il y a du monde, se réjouit-elle. Preuve que l’on est représentatif. »

D’autres décrivent une ambiance moins festive, expliquant avoir été visés par des pétards et un pot de peinture. « Le 5 décembre, on a manifesté avec la CGT et, dans le cortège, on nous félicitait. Là c’est plus tendu », note Marylène, membre du Symnes, syndicat CFDT de métallos franciliens qui n’a pas attendu l’appel confédéral pour battre le pavé. Elle trouve que « plein de choses ne vont pas dans la réforme. Berger a fini par le voir aussi ». Elle est plutôt favorable à un système par points pour « plus de justice ». Son voisin, du même syndicat, trouve en revanche que le « système actuel fonctionne très bien ». Ensemble, ils évoquent les « fonds de pension qui vont récupérer l’argent des retraites par capitalisation », les seniors au chômage et les gens « cassés par le travail ». « Etre maçon à 64 ans, ce n’est pas possible ! » ajoute l’homme qui conclut : « Laurent Berger se fait avoir à chaque réforme. » Un peu plus loin, un groupe est bien remonté. Tous conseillers prud’homaux CFDT dans le Val-d’Oise, ils gardent « en travers de la gorge » la réforme de 2017 qui a imposé un barème des indemnités en cas de licenciement abusif. A l’époque, la CFDT n’était pas dans la rue.

Vers 16 heures, le défilé s’élance, la CFDT est en queue de cortège. Mais eux partent vers l’avant. « On va avec la CGT », s’amuse l’un d’eux. Les répliques fusent : « Les points, c’est une arnaque, c’est une certitude. On ne sait pas du tout comment ils seront calculés », dit l’un. « Retrait de la réforme, retrait du gouvernement ! » enchaîne un autre. « On nous dit que la porte est ouverte mais c’est pour mieux nous la refermer à la gueule », lance un troisième. Peu avant 18 heures, la CFDT finit par atteindre, seule, la place de la Bastille. Les « frondeurs » sont arrivés bien avant.