Amerique du Nord

Médiapart - En pleine pandémie, Trump sort les Etats-Unis de l’OMS

Juillet 2020, par Info santé sécu social

8 juillet 2020 Par Khedidja Zerouali

Alors que la propagation du virus bat son plein aux États-Unis, le président américain accuse l’Organisation mondiale de la santé de ne pas avoir été à la hauteur et de favoriser la Chine.

Alors que les États-Unis continuent de battre des records de contaminations au coronavirus, avec trois millions de cas mercredi, Donald Trump a officiellement lancé la procédure de retrait de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour la seule journée de mardi, l’université Johns-Hopkins comptabilisait 60 000 nouveaux cas de malades du Covid-19. Le même jour, l’administration Trump actait le divorce avec l’agence sanitaire onusienne. Des officiels américains ont précisé que le retrait ne serait effectif que dans un an, le 6 juillet 2021.
Depuis plusieurs mois, Donald Trump critiquait l’action de l’OMS. Le 7 avril, le président américain dénonçait la gestion de la pandémie par l’OMS et estimait que l’organisation s’était montrée trop favorable à Pékin.

Dès avril, il assenait les premières menaces. « Nous allons suspendre le versement des sommes destinées à l’OMS », avait-il déclaré, lors de son point de presse quotidien depuis la Maison Blanche. C’est désormais chose faite et pour l’OMS, cette perte est considérable. Les États-Unis contribuaient à hauteur de plus de 500 millions de dollars par an.
Toujours le 7 avril, le président des États-Unis lançait, dans un fracas propre à sa communication, toutes sortes d’anathèmes à l’égard de l’OMS : « Ils reçoivent des sommes énormes de la part des États-Unis », avait-il insisté avant de répéter : « Ils ont eu tort sur beaucoup de choses. »

Une semaine plus tard, le 14 avril, Donald Trump mettait ses menaces à exécution en suspendant la contribution américaine à l’OMS. Une décision qui avait fortement perturbé la communauté internationale. « Cette décision va affaiblir les capacités de l’OMS et miner la coopération internationale contre l’épidémie », avait alors regretté un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, qui avait ensuite exhorté les États-Unis à « assumer sérieusement leurs responsabilités et obligations ».
La Russie avait dénoncé, elle aussi, « l’approche très égoïste » de Washington. « Un tel coup porté à cette organisation au moment où elle est, à bien des égards, observée par la communauté internationale est une démarche qui mérite d’être dénoncée et condamnée », avait commenté le vice-ministre russe des affaires étrangères Sergueï Riabkov auprès de l’agence de presse publique Tass. La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a même estimé que la décision du président américain montre que les États-Unis ont toujours besoin « d’accuser quelqu’un ».

Donald Trump, lui, n’en démordait pas. Il estimait que « si l’OMS avait fait son travail et envoyé des experts médicaux en Chine pour étudier objectivement la situation sur le terrain, l’épidémie aurait pu être contenue à sa source avec très peu de morts ». Un argument que le président n’a cessé de répéter alors que lui-même a nié complètement la gravité de la situation américaine.

En février, il affirmait que le risque de contamination aux États-Unis était « très faible » et qu’il n’y avait « pas de raison de paniquer ». Contraint depuis de revoir sa copie en raison de l’ampleur de la contamination, Donald Trump continue pourtant à minimiser la réalité de la propagation du virus.

Lundi 6 juillet, le directeur de l’Institut américain des maladies infectieuses, Anthony Fauci, alertait sur la recrudescence du nombre de cas : « La situation actuelle n’est vraiment pas bonne… Nous sommes encore en plein dans la première vague. » Le locataire de la Maison Blanche a balayé les chiffres et l’expertise du scientifique d’un simple revers de la main alors même qu’Anthony Fauci faisait partie de la cellule de crise de la Maison Blanche sur le coronavirus.

« Je pense que nous sommes en bonne position. Je ne suis pas d’accord avec lui », a répondu Donald Trump à l’animatrice Greta Van Susteren dans son émission « Full Court Press ». « Nous avons fait du bon travail. Je pense que d’ici deux, trois, quatre semaines, nous serons dans une excellente position », a-t-il même ajouté alors que les États-Unis ont désormais franchi la barre des 130 000 morts du Covid-19, devenant le pays le plus touché au monde.

Cette annonce de retrait a fait bondir l’opposition démocrate et les experts du pays. Pour la fédération américaine des scientifiques, cette décision « ne fera que nuire à la lutte mondiale contre le Covid-19 ». L’ancien vice-président et candidat démocrate Joe Biden a promis que s’il était élu, il annulerait cette décision dès son premier jour de poste. « Les Américains sont plus en sécurité quand l’Amérique s’engage pour renforcer la santé mondiale », a-t-il ajouté sur Twitter.
Si cette annonce exaspère, c’est aussi parce que ce n’est pas la première du genre et qu’elle s’inscrit dans un rejet plus global du multilatéralisme.

Systématiquement, le président américain estime que les organisations et traités internationaux desservent les intérêts des États-Unis et qu’il faut, par conséquent, s’en détacher. Ainsi, sous la mandature Trump, les États-Unis se sont retirés, entre autres, de l’accord de Paris sur le climat, du traité « Ciel Ouvert » qui permettait de vérifier les mouvements militaires, d’un traité sur les armes nucléaires conclu avec la Russie, après avoir coupé les financements à l’Unesco.

Avec toujours cette même rhétorique portée par le locataire de la Maison Blanche selon laquelle le multilatéralisme et les accords internationaux seraient, par essence, défavorables aux États-Unis.