Assistance Publique des Hopitaux de Paris (AP-HP)

Le Parisien - Hôpital : face à la pénurie de personnel, l’opération séduction de l’AP-HP

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Pour stopper l’hémorragie, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a mis les bouchées doubles. Résultat, depuis août, l’AP-HP a recruté 1371 infirmiers et aides-soignants.

Par Daniel Rosenweg
Le 21 septembre 2020 à 07h05

Le vent aurait-il tourné ?
Lorsque la première vague de la pandémie de Covid est arrivée en France, les établissements de santé, publics comme privés, souffraient d’un manque de bras criant : 25 à 30 % de postes vacants chez les médecins, 5 à 15 % des postes d’infirmiers non pourvus… L’hémorragie semblait inexorable tant la crise sociale et la crise sanitaire ont flétri l’attractivité de ces métiers en mettant en lumière leurs difficultés.

Depuis, le Ségur de la Santé est passé par là, avec son lot d’amélioration des rémunérations à l’hôpital public et dans les Ehpad : 8 milliards d’euros de revalorisation. L’occasion pour les établissements de santé de repartir à la chasse aux candidats. A l’image de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui, depuis plusieurs mois déjà, a déroulé le tapis rouge aux infirmières et aides-soignantes, mais aussi aux manipulateurs radio, kinés…

Une opération séduction qui a porté ses fruits. « Avant le Covid, sur 18 500 postes d’infirmières budgétés, 950 étaient vacants, explique Pierre-Emmanuel Lecerf, directeur général adjoint de l’AP-HP, plus grand centre hospitalier universitaire d’Europe avec ses 39 établissements en Ile-de-France. Aujourd’hui, il n’en manque plus que 450. Depuis le mois d’août, nous avons engrangé 1 371 acceptations d’embauches. Et ça n’est pas terminé. Fait rare, poursuit-il, 250 de ces nouvelles recrues ne sortent pas des écoles. » L’an dernier, l’AP-HP n’avait réussi à séduire que 55 de ces professionnels déjà expérimentés. Bas salaire et conditions de travail en région parisienne en dissuadaient plus d’un.

180 euros net en plus pour les infirmières
« Les mesures prises à l’occasion du Ségur de la santé ont pesé », admet Pierre-Emmanuel Lecerf. Les infirmiers ont ainsi obtenu une revalorisation de leur salaire de 180 euros net par mois et les aides-soignants sont montés d’un échelon. « On embauche aujourd’hui les infirmières à 2000 euros brut par mois, les aides-soignantes à 1 750 euros brut », avant la revalorisation des grilles promise pour 2021. Le ministère de la Santé a aussi mis sur la table une enveloppe d’1 milliard d’euros pour financer des accords locaux. « Par exemple, pour revaloriser les heures supplémentaires payées aujourd’hui au tarif normal, ou pour financer la future prime d’engagement collectif de 1200 euros par an, versée si les objectifs définis pour un service sont atteints. »

Pour enrayer la fuite des effectifs et compenser les nombreux départs en retraite, l’AP-HP a sorti le grand jeu, multipliant les forums de recrutements, les campagnes d’affichage, améliorant aussi les conditions de travail et de formation pour rendre les postes vacants plus attractifs… L’AP-HP a par exemple augmenté cette année de 57 % le nombre de places réservées aux aides-soignants dans ses Instituts de formation aux soins infirmiers, dont la capacité, au passage, a été portée de 1800 par an à 2400, et bientôt 2 600.

Une aide à l’installation de 1000 euros
Pour attirer à Paris les précieux personnels soignants, le groupe hospitalier a mis en place une cellule chargée de recontacter les 10 000 volontaires venus de province au plus fort de la crise pour prêter main-forte. Objectif : les convaincre de s’engager à l’AP-HP. Eh bien, 250 ont accepté ! Pour achever de convaincre, une aide à l’installation de 1 000 euros est proposée, certains logements leur sont réservés, ainsi que certaines des 3500 places de crèches. Enfin, la prise en charge d’une personne à domicile pour garder les enfants du personnel contraints au confinement parce que leur classe a fermé est actée. « C’est pour nous un moyen d’éviter l’absentéisme de personnels précieux », glisse le directeur qui reste vigilant.

Et pour cause. Tout n’est pas encore rose. Il manque toujours, malgré les embauches, 500 postes d’infirmiers, des dizaines de manipulateurs radio, de régulateurs médicaux, de kinés… Parmi les 18 500 infirmiers en poste, le nombre de départs, en retraite ou pour convenance personnelle, se compte par centaines chaque année. S’y ajoutent les arrêts pour congés maternité, les absences pour cause de formation… Un véritable casse-tête. Malgré tout, glisse le directeur général adjoint, « la situation est meilleure que lors de la première vague de Covid ».

A l’échelle de la France, 100 000 postes sont vacants dans les établissements de santé, dont 34 000 d’infirmiers et 24 000 d’aides-soignants. La concurrence est donc rude en cette rentrée, alors que sortent des instituts de formation en soins infirmiers environ 26 000 diplômés. Conscient des difficultés, le gouvernement vient de supprimer les quotas sur la formation en alternance des infirmiers et aides-soignants.