Branche allocation familiale de la Sécurité sociale

Le Monde - Les bugs informatiques à la CAF exaspèrent agents et allocataires

Décembre 2021, par Info santé sécu social

La réforme du calcul des allocations logement des usagers, entrée en vigueur en janvier, a nécessité un très lourd chantier informatique et causé des difficultés chroniques.

Par Isabelle Rey-Lefebvre
Publié le 07/12/2121

« Lorsqu’on arrive à rétablir une prestation, on crie victoire », raconte un travailleur social expérimenté qui, depuis quelques mois, bataille avec la baisse brutale, parfois la suppression sans préavis ni raison, des allocations logement des usagers. Une réforme du calcul de ces allocations, versées à 6 millions de ménages, est entrée en vigueur le 1er janvier après deux ans de retard, et a instauré leur contemporanéisation, c’est-à-dire la prise en compte des revenus des allocataires du dernier trimestre, non pas de deux ans auparavant. Simple sur le papier, elle a nécessité un très lourd chantier informatique, avec l’instauration d’un nouveau système – tout en maintenant l’ancien – et l’interconnexion avec de multiples bases de données, celles des employeurs versant les salaires, des caisses de retraite, de l’assurance-chômage ou maladie…

« L’objectif est de simplifier la vie des usagers, qu’ils n’aient plus à déclarer leurs revenus, puisque nous allons chercher l’information directement à la source, et d’être plus réactifs dès qu’ils varient », selon Nicolas Grivel, nommé directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), le 2 novembre. Son prédécesseur, Vincent Mazauric, avait été appelé en 2018 pour mettre en place la réforme et s’était félicité d’avoir obtenu un budget conséquent, de 555 millions d’euros, pour la mener. Mais les retards à répétition ont irrité les ministres successifs du logement, une des raisons de son départ accéléré vers le Conseil d’Etat.

Stress insupportable

« Le vrai motif de la réforme était de faire des économies, mais en racontant une belle histoire, comme nous l’avait demandé le ministre du logement d’alors, Julien Denormandie », rapporte un ancien cadre de la CNAF. Les économies sont là, de 1,2 milliard d’euros par an, notamment réalisées sur les allocations versées aux jeunes qui, à peine entrés dans la vie active, les voient baisser brutalement.

En outre, depuis bientôt un an, les bugs informatiques se multiplient, comme s’en plaignent plusieurs directeurs de CAF dont nous avons pu consulter le courrier adressé à la direction, courant août. Ils y dénoncent des difficultés chroniques, entraînant, pour les allocataires, des indus systématiques et injustifiés, et pour les agents, un stress et une tension insupportables. Trouver une solution à ces erreurs absorbe souvent la moitié du temps consacré à l’accueil du public et épuise les salariés. « Le service informatique interne de la CNAF a, ces dernières années, été allégé au profit d’intervenants extérieurs qui ne connaissent pas les subtilités de la réglementation des aides sociales », diagnostique l’ancien cadre. « Bien sûr, nous faisons appel à des expertises extérieures mais nous n’avons pas externalisé notre informatique et conservons un grand savoir-faire interne, rectifie Nicolas Grivel. Nous avons d’ailleurs déjà divisé par dix le nombre d’anomalies, passé de 2 % à 0,2 % des dossiers, et la CNAF a toujours servi les aides en temps et en heure. »

Isabelle Rey-Lefebvre