Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Huff-post - Comment le vaccin contre la grippe peut aider à lutter contre le Covid-19

Septembre 2020, par Info santé sécu social

La question d’une vaccination "massive" se pose mais, pour l’heure, il faut insister sur ses bienfaits pour les populations à risque.

Par Marine Le Breton

Avec le Covid-19, le vaccin contre la grippe est-il plus utile cette année ?
Fièvre, toux, maux de tête, nez qui coule... Ces symptômes, nous les connaissons désormais par cœur comme étant ceux du Covid-19. Mais ils peuvent aussi être la manifestation, entre autres, d’une bonne grippe. L’un des problèmes qui va donc se poser cet hiver quand nous serons en pleine épidémie grippale sera de distinguer les malades du coronavirus de ceux de la grippe.

C’est pourquoi de plus en plus de médecins soutiennent l’idée selon laquelle il faut inciter à la vaccination contre la grippe, cette année plus encore que d’habitude.

L’idée est simple : plus les Français (cela vaut aussi dans les autres pays) sont protégés contre la grippe, moins le système de santé aura à lutter contre deux épidémies en même temps. De fait, les services hospitaliers, déjà saturés, pourraient plus se concentrer sur les malades du Covid, et les tests PCR serviraient moins à distinguer le coronavirus d’une grippe.

Ainsi, selon Le Monde, la Haute Autorité de Santé (HAS) devrait lancer mi-octobre une campagne pour encourager, plus que d’habitude, les Français à se faire vacciner contre la grippe.

Distinguer la grippe du Covid
“La grippe se situe exactement sur le même terrain que le Covid. C’est pourquoi il faut inciter les populations qui doivent normalement être vaccinées, à se faire vacciner”, affirme auprès du HuffPost Brigitte Autran, chercheuse au Centre d’Immunologie et de Maladies Infectieuses (CNRS/Sorbonne Université/ Inserm) et membre du comité des vaccinations au ministère de la Santé. Ces populations, ce sont les personnels de santé, les sujets âgés, ainsi que toutes les personnes dites à risque.

Sylvie Behillil, biologiste médicale au sein du Centre National de Référence des virus des infections respiratoires, contactée par Le HuffPost, est aussi de cet avis. “D’un point de vue clinique, il n’y a pas de différence entre le Covid et la grippe. Toutes deux présentent des signes respiratoires comme une toux, des céphalées, de la fièvre. Si la grippe circule, le vaccin pourra aider dans les diagnostics. Face à une personne vaccinée, on pourra écarter la grippe plus facilement”, explique-t-elle.

Mais pour d’autres spécialistes, il faut chercher à vacciner au-delà de ces populations. Pour Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), contacté par Capital, il faudrait ainsi appeler à la vaccination “le plus grand nombre de Français”. “Clairement, si un patient présente des symptômes qui sont communs aux deux pathologies, mais que son carnet de santé indique qu’il s’est fait vacciner contre la grippe, les doutes et hésitations entre la Covid et la grippe seraient considérablement réduits”, poursuit-il pour expliquer en quoi le vaccin contre la grippe pourrait considérablement faciliter le travail des soignants cet hiver.

Désengorger les hôpitaux
Stanley Plotkin, virologue américain, va en ce sens. “Vu la possibilité qu’une infection par la grippe soit confondue avec une infection par le Covid-19, il est préférable de réduire la grippe afin que les hôpitaux ne soient pas remplis par deux maladies”, souligne-t-il auprès du Figaro.

Éviter de cumuler grippe et coronavirus et désengorger les hôpitaux et plus généralement tous les services de santé sont donc deux arguments en faveur d’une vaccination massive de la population contre la grippe.

Pour autant, faut-il que l’on se précipite tous chez le médecin pour se faire vacciner contre la grippe à partir du mois d’octobre ? “Il n’existe à ce jour aucune preuve de l’efficacité du vaccin contre la grippe s’il était fait sur toute une population, et donc aucune raison valable d’inciter à une vaccination de masse”, tempère Brigitte Autran.

Elle s’explique : “dans son immense majorité, la grippe n’est pas grave chez l’enfant et l’adulte relativement jeune. À moins d’avoir des facteurs de risque, elle ne présente pas de caractère de gravité les menant à l’hôpital. A priori, il n’existe donc pas de raison de développer une grippe menant en réanimation si l’on a 30 ans”, indique-t-elle.

Reste que, même si l’on n’est pas considéré à titre personnel comme une personne à risque, se faire vacciner contre la grippe pourrait être cette année plus que les autres un geste profondément altruiste. “Oui, c’est un geste altruiste, utile à la population. Évidemment, on peut se faire vacciner, quel que soit son âge. Mais de là à faire de la généralisation du vaccin une recommandation de santé publique, il manque des évidences scientifiques”, ajoute Brigitte Autran.

Problème de faisabilité
La question pourrait se poser plus sérieusement pour une population spécifique : les enfants. Mais il ne s’agit là que de théorie, car il est trop tard pour l’envisager cette année. Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, les enfants sont en effets visés par les campagnes de vaccination contre la grippe. Pourquoi ? “On sait qu’un enfant qui a la grippe contamine plein d’adultes. S’ils étaient vaccinés, l’épidémie serait en effet moins importante”, avance Sylvie Behillil. “On a vraiment la preuve que les enfants infectés sont des agents transmetteurs. Mais, c’est une question politique, et de longue haleine. Or, on approche déjà de la saison vaccinale”, ajoute Brigitte Autran.

L’un des arguments allant quoi qu’il en soit à l’encontre de la vaccination à grande échelle est tout simplement celui de sa faisabilité. “Un vaccin est composé de substances actives d’origine biologiques, ce n’est pas un simple médicament, il faudrait concentrer toutes les forces de production pour en avoir suffisamment pour tout le monde”, souligne Brigitte Autran. Ce qui sera difficilement possible étant donné qu’elles seront plutôt concentrées sur la conception d’un vaccin contre le coronavirus. “Tous les producteurs vont faire le maximum, mais je pense que la demande sera supérieure à ce que nous pouvons fournir”, souligne à ce sujet Vincent Hingot, directeur des affaires industrielles de Sanofi Pasteur, contacté par Le Monde.

Ainsi, l’accent devrait être réellement mis sur une vaccination pour toutes les personnes susceptibles de développer des formes graves du coronavirus, et de la grippe. “On a aujourd’hui un vaccin qui fonctionne, plus ou moins bien selon les saisons, mais qui fonctionne. Alors si l’on est à risque, pourquoi ne pas se faire vacciner ?” s’interroge Sylvie Behillil.

Reste que, avec le port du masque et le respect des mesures barrière, c’est peut-être une “bonne” surprise qui nous attend en ce qui concerne l’épidémie grippale. “Tout le monde ou presque porte un masque, les gestes barrières sont devenus une habitude, tout le monde est censé se laver les mains, nettoyer son bureau, garder une distance de sécurité”, souligne la spécialiste. “On a pris des habitudes qui font que la transmission des virus va être limitée. Donc les virus, comme celui de la gastro-entérite, mais aussi ceux qui sont respiratoires, comme la grippe, circuleront peut-être moins cet hiver.” Pour Brigitte Autran, c’est en tout cas “la seule chose que nous pouvons espérer : que le port du masque réduise la transmission de la grippe en même temps que celle du Covid”.