Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : TRIBUNE : Covid-19 : « Si l’état d’urgence sanitaire est clairement passé, est-il raisonnable de tourner définitivement la page ? »

Juin 2023, par infosecusanté

Le Monde.fr : TRIBUNE : Covid-19 : « Si l’état d’urgence sanitaire est clairement passé, est-il raisonnable de tourner définitivement la page ? »

Dans une tribune adressée au « Monde », des médecins spécialistes de santé publique rappellent que, si l’état d’urgence sanitaire est passé, le Covid-19 continue d’ôter la vie aux personnes les plus fragiles. Ils plaident pour renforcer notre système de soins et poursuivre les investissements dans l’innovation.

Publié le 16 juin 2023 à

Le Covid-19 aura montré combien notre monde reste vulnérable et fragile. Pour éviter une catastrophe sanitaire et économique mondiale, liée à l’irruption d’un agent infectieux, des négociations portant sur de nouveaux instruments juridiques internationaux ont pris place, fin mai, au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à Genève, en marge de l’Assemblée mondiale de la santé.

Le SARS-CoV-2 a émergé en Chine, fin 2019, et aura infecté en quelques mois presque toute la population de la planète, parfois à plusieurs reprises, et causé directement ou indirectement plus de 20 millions de décès en trois ans. Le monde a été à l’arrêt pendant plusieurs semaines au printemps 2020, mais, en moins d’un an, une douzaine de vaccins développés par la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont permis de changer le visage de la pandémie.

Ces vaccins se sont montrés d’une très grande efficacité pour réduire les formes graves de la maladie, la mortalité, tout en évitant de nouvelles saturations des systèmes de santé. Et pourtant, ces vaccins n’ont pas arrêté la circulation du virus qui ne cesse de se modifier, contournant l’immunité conférée par le vaccin et les infections antérieures, à l’origine de nouvelles vagues de réinfection. Durant la seule année 2022, l’Europe a enregistré plus de 450 000 décès, dont près de 40 000 rapportés en France, qui totalisait, fin mai 2023, plus de 160 000 décès associés au Covid-19 depuis le début de la pandémie.

Tourner définitivement la page ?
La phase d’urgence étant passée, plus aucun pays au monde ne connaît de confinements, de quarantaines ou de passe sanitaires, et les derniers pays lèvent désormais leurs contrôles aux frontières. Aujourd’hui, ce sont essentiellement les personnes très âgées et les personnes immunodéprimées qui développent des complications en lien avec le Covid-19, et l’on ignore encore le rythme nécessaire des injections de rappel dans la population pour qu’elle reste protégée contre ses formes graves. Par ailleurs, le SARS-CoV-2, qui a la particularité de circuler tout au long de l’année, peut également entraîner, dans environ 10 % des cas, des Covid longs, ces formes prolongées parfois handicapantes et contre lesquelles la médecine reste très démunie.

Ainsi, si l’état d’urgence sanitaire est clairement passé, est-il raisonnable pour autant de tourner définitivement la page vis-à-vis d’une maladie qui continue à ôter trois fois plus de vies que la grippe saisonnière ? Peut-on se satisfaire d’une phase postpandémique qui continuerait à menacer un pourcentage élevé de la population, en en fragilisant certains et en en conduisant d’autres à un absentéisme élevé à l’école ou au travail ?

Aucun pays, riche ou pauvre, n’a été épargné par la violence de cette pandémie. Si l’Union européenne n’a pas particulièrement brillé dans la qualité de sa réponse, elle a su, bon an mal an, se coordonner pour la distribution des vaccins, et la qualité de son modèle social s’est montré un déterminant majeur dans la résolution de la crise. Aujourd’hui, la vie reprend son cours presque comme avant, sauf pour tous ceux laissés sur le bord du chemin sans grande attention, qui s’ajoutent désormais aux victimes saisonnières de la grippe ou du virus respiratoire syncytial, responsable notamment de la bronchiolite.

Renforcer le système de santé
Nous soutenons que les gouvernements pourraient mieux faire en Europe. Il ne s’agit pas de réinstituer de nouvelles restrictions. Mais nous portons ce plaidoyer pour améliorer l’information destinée aux personnes fragiles (très âgées ou souffrant d’immunodépression), pour que les tests de dépistage et les traitements précoces leur soient accessibles, et pour que la recherche médicale continue, afin d’optimiser les traitements antiviraux qui leur sont destinés.

Nous sommes également convaincus qu’il est urgent d’améliorer la qualité de l’air intérieur, car le SARS-CoV-2, tout comme le virus de la grippe et de nombreux autres agents pathogènes respiratoires, se transmet par la voie aérosol, essentiellement dans des lieux clos, bondés et mal ventilés.

Chaque jour de nouvelles grilles de mots croisés, Sudoku et mots trouvés.
Jouer
L’OMS nous a récemment enjoint de ne pas baisser la garde en matière de surveillance épidémiologique. Un système de surveillance continue reposant sur l’analyse des eaux usées, couvrant l’ensemble des territoires européens, permettrait de monitorer avec précision la circulation de nombreux virus et de détecter l’émergence de nouveaux variants. L’OMS recommande aussi le renforcement de nos systèmes de santé. Il ne s’agit pas de se préparer à une pandémie en créant de nouvelles lignes Maginot, mais de soutenir les systèmes de santé existants en moyens humains et matériels, en renforçant nos investissements en matière de prévention, en facilitant l’accès aux tests de dépistage et aux traitements pour les plus fragiles, afin d’améliorer durablement la santé de la population et la résilience des hôpitaux dace aux chocs causés par de nouvelles crises sanitaires.

Se préparer aujourd’hui à des pandémies, qu’elles soient la conséquence du dérèglement climatique qui nous menace, des changements globaux ou de toute autre origine, c’est d’abord chercher à maintenir et à renforcer notre système de santé, à le fonder davantage sur l’équité, la prévention, avec du personnel qualifié et motivé, et à l’appuyer sur la recherche continue d’innovations durables et accessibles à toutes et à tous.

Antoine Flahault, épidémiologiste, directeur de l’Institut de santé globale, université de Genève et hôpitaux universitaires de Genève, Suisse ; Alexandra Calmy, infectiologue, directrice de l’unité du VIH/Sida, hôpitaux universitaires de Genève, université de Genève, Suisse ; Michel Kazatchkine, immunologiste, Centre de santé globale, Institut des hautes études internationales et du développement, Genève, Suisse.