Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Huff-post - Covid-19 : avant de vacciner tout le monde, 5 mystères à résoudre

Décembre 2020, par Info santé sécu social

La Haute autorité de la santé propose une campagne de vaccination en 5 étapes, qui prendra de longs mois. Du temps nécessaire pour vérifier certaines données.

Par Grégory Rozières

SCIENCE - À l’instar du plan de déconfinement, il y aura plusieurs étapes pour le plan de vaccination contre le coronavirus. C’est en tout cas ce qu’a recommandé la Haute autorité de santé (HAS) ce lundi 30 novembre. Dans son rapport de 58 pages qui devrait servir de base à la stratégie gouvernementale, elle dévoile cinq phases progressives afin de proposer le vaccin en priorité aux plus vulnérables vis-à-vis du Covid-19, puis d’élargir petit à petit, en fonction de la disponibilité des doses des laboratoires (qui ne devrait pas excéder quelques millions de doses au début de la campagne). Mais pas uniquement.

Car la HAS explique bien que ce scénario “très optimiste” se base sur une situation rêvée : que les différents vaccins actuellement testés dans des essais cliniques de grande échelle (phase 3) soient finalisés et que les résultats soient positifs. Il existe en effet encore beaucoup d’inconnues dans l’équation, malgré les annonces enthousiastes de Pfizer, Moderna ou AstraZeneca.

D’abord, il faut que les résultats de ces essais soient publiés et analysés, ce qui devrait se faire dans quelques semaines. Mais ce ne sera pas la fin de l’étude scientifique de l’effet de ces vaccins. “Quand la vaccination sera mise en place, on va avoir bien entendu un suivi de pharmacovigilance, mais également d’efficacité. Tout cela est extrêmement important et ces informations vont nous être apportées quand on va commencer à utiliser les vaccins”, explique Daniel Floret, vice-président de la commission technique des vaccinations de la HAS.

Car les essais cliniques actuels, s’ils permettent de s’assurer que la balance bénéfice-risque est bonne, ne suffiront pas. Il y a des éléments que ces essais ne peuvent pas analyser et qui seront suivis lors des premières vagues de vaccination. De nouveaux essais plus spécifiques seront également lancés. Voici justement les zones d’ombres qui existent encore et sur lesquelles le début de la vaccination et les campagnes à venir devraient apporter des réponses, avant de vacciner l’ensemble de la population.

1. Le vaccin est-il sûr pour tout le monde ?
Si les résultats préliminaires des essais de phase 3 se confirment, les vaccins autorisés seront considérés comme “sûrs”. Mais il est possible de passer à côté d’effets très rares, car touchant une très faible proportion de personnes, ou bien seulement une partie bien spécifique de la population. “Seuls les essais de grande ampleur permettront d’étudier l’efficacité vaccinale sur les formes graves” sur certaines populations spécifiques, précise le rapport de la HAS.

Sur les personnes très âgées en Ehpad, “elles sont peu étudiées dans les essais actuels, mais il ne faut pas exagérer les risques de la vaccination”, estime Élisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations de la HAS. “On peut difficilement donner une réponse globale à ce stade, mais on peut penser au contraire que ces personnes seront protégées”, précise-t-elle.

En clair : le risque de décès pour une personne âgée contractant le Covid-19, notamment en Ehpad, est bien plus élevé que le faible risque d’un possible effet secondaire non prévu.

2. Faut-il vacciner les personnes déjà contaminées ?
Le rôle d’un vaccin est de faire croire à notre organisme qu’un virus nous attaque pour qu’il se défende (notamment avec la création d’anticorps) et crée une résistance pour ne plus être infecté à l’avenir. Alors la question se pose : faut-il vacciner les personnes qui ont déjà été touchées par la maladie Covid-19 et sont peut-être immunisées ?

“Les personnes protégées le sont, mais pas de la même manière selon la forme de maladie, et on ne sait pas combien de temps elles sont protégées”, explique Élisabeth Bouvet. En effet, on est encore dans le flou sur la question de l’immunité : combien de temps nos anticorps nous protègent-ils ? Est-ce qu’on en développe même après une forme de Covid asymptomatique ?

Surtout, il peut y avoir un risque caché. Il a en effet été démontré que certains virus sont capables d’infecter un organisme en utilisant justement la partie constante de l’anticorps, qui facilite donc la contamination. L’exemple le plus connu est celui de la dengue, où une deuxième infection a plus de risque d’entraîner des formes graves. Des études similaires ont été réalisées sur le Sars et le Mers, deux autres coronavirus dangereux pour l’être humain.

“Des études sont en cours pour savoir s’il y aurait un problème à vacciner quelqu’un qui a déjà fait une infection”, précise Élisabeth Bouvet. Mais ici, il n’y a pas de preuve du risque. Donc pas question de, par principe, priver une personne âgée de vaccin car elle a fait une forme asymptomatique de Covid-19 quelques mois plus tôt. Encore une fois, il faudra juger de la balance bénéfice-risque. “Ces questions sont en train d’être disséquées et nous proposerons une réponse claire avant l’arrivée de la phase 1″ du plan de couverture vaccinale, précise-t-elle.

La HAS précise dans son rapport que si les premiers essais excluaient les personnes ayant déjà été contaminées par le coronavirus, “des analyses secondaires portant sur l’ensemble des sujets, quel que soit leur statut infectieux vis-à-vis du Sars-Cov-2 sont cependant prévues dans certains essais”.

3. Qui vacciner avec quel vaccin ?
Actuellement, les laboratoires ont communiqué des données partielles et peu détaillées sur leurs essais cliniques de phase 3. Mais une fois le détail obtenu, il sera possible pour la HAS et l’Agence européenne des médicaments de vérifier l’efficacité et le risque de chaque vaccin en fonction de la population ciblée.

“S’il s’avère que les vaccins ARN par exemple sont plus efficaces que les vaccins inactivés chez les personnes âgées, on dira qu’il faut plutôt les utiliser sur les personnes âgées”, détaille Daniel Floret. “Si dans les essais de phase 3 et le suivi on voit qu’il y a des effets indésirables dans telle catégorie de population, cela sera également pris en compte”, ajoute-t-il.

4. Les mineurs pourront-ils être vaccinés ?

La HAS s’attend à ce que les premiers vaccins ne soient pas autorisés pour les moins de 18 ans, ce qui serait logique : “les essais cliniques qui ont été mis en place en premier ciblaient les personnes les plus affectées”, précise Daniel Floret. Et donc pas les plus jeunes, qui sont connus pour développer peu de formes graves de Covid-19.

Pour autant, leur rôle dans la transmission fait débat. Et on sait également que les adolescents sont aussi susceptibles d’avoir et de transmettre le coronavirus. Ils ont juste peu de risque de développer une forme grave. Si on veut donc éradiquer l’épidémie avec un vaccin, il faudra vacciner les plus jeunes.

Justement, “les différents laboratoires qui développent des vaccins ont l’intention dans un deuxième temps d’introduire des enfants qui pourraient bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché dans un deuxième temps”, affirme Daniel Floret. Pfizer a par exemple commencé à tester sur quelques jeunes son vaccin depuis fin octobre. Reste à savoir si vacciner les plus jeunes a un quelconque intérêt.

5. Le vaccin peut-il éradiquer le coronavirus ?
Les deux phases finales de la HAS prévoient de vacciner l’ensemble de la population majeure. L’objectif ici n’est plus d’empêcher des formes graves, mais d’éradiquer le coronavirus. C’est le but ultime d’un vaccin : que suffisamment de personnes soient immunisées pour que le virus ne puisse plus se propager et disparaisse.

Mais pour cela, il faut que le vaccin n’entrave pas simplement la maladie. Il faut qu’il empêche totalement de l’attraper, et donc de possiblement propager le coronavirus. Or, aujourd’hui, on ne sait pas si les vaccins testés ont un effet sur la transmission. Ce que les chercheurs regardent dans les essais cliniques pour l’instant, c’est la survenue de symptômes importants.

“La maladie Covid touche le poumon, sauf que le virus rentre par les voies aériennes supérieures. Donc un vaccin bloquant la maladie, l’empêchant au niveau du poumon, ne la bloque pas forcément au niveau des voies aériennes supérieures”, détaille Daniel Floret. En clair, même avec le vaccin, ce scénario est possible : vous pouvez avoir l’impression d’avoir un simple rhume alors que vous avec contracté le coronavirus et risquez donc de contaminer quelqu’un d’autre.

Pour l’instant, on est totalement dans le flou sur ce point. Ces données seront disponibles plus tardivement, quand les laboratoires analyseront plus en détail les cobayes des essais cliniques de phase 3. “S’il s’avère que certains vaccins ont un effet pour bloquer la transmission du virus, ceux-ci seront recommandés de manière préférentielle pour les personnes les plus à même de transmettre la maladie”, rappelle Daniel Floret.

Mais, même dans le meilleur des cas, cette question ne se posera pas avant des mois, quand nous disposerons de suffisamment de doses pour ne pas seulement vacciner les populations vulnérables. D’ici là, espérons que la science aura éclairci ces mystères qui entourent encore les vaccins.