Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Huff-post - Déconfinement : la deuxième vague sérieusement envisagée par les chercheurs

Mai 2020, par Info santé sécu social

La possibilité d’une reprise de l’épidémie de coronavirus, déjà visible dans d’autres pays, fait partie des scénarios probables calculés par les scientifiques.

Par Grégory Rozières

SCIENCE - Après huit longues semaines, les Français ont enfin le droit de sortir de chez eux sans attestation. Mais si le déconfinement est bien là depuis le 11 mai, le coronavirus Sars-Cov2, lui, n’a pas disparu pour autant. Face au risque d’une deuxième vague, le gouvernement a donc mis en place des mesures strictes et variées pour empêcher l’épidémie de Covid-19 de redémarrer.

Mais seront-elles efficaces ? La Corée du Sud et la Chine semblent avoir réussi à contrôler la propagation du coronavirus depuis des semaines. Notamment grâce aux diverses mesures prônées par le gouvernement : distanciation sociale, masques généralisés, ainsi que le dépistage, l’isolation et le traçage des personnes infectées et de leurs contacts. Mais l’apparition ces derniers jours de dizaines de cas dans ces deux pays pose question.

Chez nos voisins allemands, où le déconfinement a commencé il y a quelques jours avec des mesures similaires, le taux de reproduction du coronavirus est en hausse. Selon les derniers chiffres officiels, il est repassé au-dessus de la barre des 1, rappelle la radio Deutsche Welle. Ce qui veut dire qu’une personne infectée en contamine plus d’une et, donc, que l’épidémie augmente. Alors qu’elle diminuait encore il y a quelques jours, comme en France.

Il n’est pas dit que l’épidémie explose à nouveau dans ces trois pays. Et il est impossible de prédire avec certitude l’évolution de la situation en France. Mais les chercheurs tentent, via des modélisations mathématiques, d’imaginer les scénarios futurs. Ces modèles doivent donc être pris avec beaucoup de pincettes. Mais ce qui est sûr, c’est que leurs estimations sont loin d’être optimistes.

Convergence des résultats
Deux études récentes, notamment, ont tenté d’esquisser des scénarios pour l’après-confinement. La première, dévoilée le 5 mai et réalisée par l’AP-HP, estime que les diverses mesures permettraient, si elles sont parfaitement appliquées, d’aplatir la courbe de l’épidémie, en diminuant la mortalité dans les semaines à venir de 20% à 60%, en fonction de l’importance et du respect des mesures. Mais une deuxième vague submergeant les hôpitaux ne serait pas évitée à l’automne, à moins de mettre en place une protection plus spécifique des cas à risque (notamment les personnes âgées).

Dans les mesures évoquées, il y a notamment le dépistage et l’isolement de toute personne symptomatique ainsi que le traçage systématique de ses contacts, le maintien des distanciations sociales et le port du masque généralisé. Les chercheurs ont pris comme hypothèse une ouverture globale des écoles.

La seconde, mise en ligne le 6 mai par l’Inserm, analyse plus spécifiquement l’Île-de-France et l’impact de l’ouverture des écoles, justement. Selon les simulations des auteurs, pour que la capacité hospitalière ne soit pas dépassée, il faudrait que le télétravail reste majoritaire, que les personnes âgées réduisent leurs contacts, que les commerces n’ouvrent qu’à 50% et qu’au moins la moitié des personnes infectées soient testées et isolées. Et cela ne serait possible que si les collèges et écoles primaires ne rouvrent pas d’ici l’été, ou alors plus tardivement et avec des effectifs réduits.

Évidemment, ces modèles ne sont pas des prédictions. Ils servent à faire des simulations en se basant sur diverses hypothèses pour imaginer l’évolution de l’épidémie. “Chaque modèle a ses inconvénients, mais quand il y a convergence sur une question identique avec des moyens différents, on peut considérer que c’est une aide à la décision et à la réflexion importante, qui doit amener à beaucoup de prudence”, estime Éric Daudé, géographe et directeur de recherche au CNRS interrogé par Le HuffPost.

Il y a ainsi énormément d’inconnues à prendre en compte dans ces modélisations. C’est pour cela qu’il ne faut pas prendre ces études comme des boules de cristal. “Dans le modèle réalisé par l’AP-HP, il y a 160 paramètres différents”, rappelle Éric Daudé. Les chercheurs ont créé un programme dans lequel ils simulent les interactions sociales en fonction de différentes valeurs : nombre d’enfants par classe, de collègues sur un lieu de travail, etc.

Hypothèses pessimistes ou optimistes ?
Premier point préoccupant : “Ces deux modèles aboutissent à des conclusions pessimistes”, affirme le chercheur, alors même que certaines hypothèses de base sont particulièrement prudentes.

“Il y a ici un détail intéressant qui concerne la fréquence des contacts entre amis”, note-t-il. Les chercheurs ont pris comme hypothèse environ une réunion par semaine avec des amis. “Ce paramètre très faible est une pure supposition et, pourtant, leurs résultats sont pessimistes. Or, si on suppose que ces contacts augmentent, les risques aussi, d’autant qu’on peut se demander si les règles de distanciation sociale seront autant respectées dans le cadre d’un apéritif entre amis”, s’interroge Éric Daudé. Le fait d’arriver à tester tout cas symptomatique et ses contacts est lui aussi très optimiste.

Il serait donc possible que les modèles soient en deçà du risque réel. Mais l’inverse est également envisageable. Les travaux de l’Inserm par exemple n’ont pas pris en compte l’hypothèse du port du masque généralisé et ceux de l’AP-HP ont tablé sur une reprise globale des cours. “Dans les deux études, la saisonnalité de la maladie n’a pas été prise en compte”, note le chercheur. “On ne sait pas quel impact l’été peut avoir sur le virus, mais également sur le comportement des populations”.

Mais même si l’été diminue l’importance de l’épidémie, les chances que le coronavirus disparaisse sont minces. Comme le rappelleL’Express, des chercheurs américains ont imaginé trois scénarios à long terme, avec un retour de l’épidémie plus ou moins important à l’automne ou à l’hiver. Dans le premier, des vagues similaires à ce que le monde a vécu reviendront régulièrement dans les deux ans à venir, en faiblissant lentement. Dans le second, une vague géante aura lieu à l’hiver, comme lors de la grippe pandémique de 1918. Dans le troisième, le coronavirus continuera de circuler, mais à une échelle moindre.

Ces modèles ne sont pas, une fois encore, des boules de cristal, mais ils nous mettent tous en garde : si la vague actuelle de Covid-19 semble derrière nous, le coronavirus est loin d’avoir disparu et il va falloir adapter notre vie en conséquence dans les mois à venir.