Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Comment évaluer les nouveaux vaccins contre la Covid-19 ?

Septembre 2021, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 28 septembre 2021

Les laboratoires Sanofi ont annoncé ce matin qu’ils renonçaient à lancer un essai de phase 3 pour évaluer leur vaccin à ARN messager contre la Covid, en dépit de bons résultats de phase 1-2. « Il n’y a pas de besoin de santé publique d’avoir un autre vaccin à ARN messager » a expliqué le vice-président de la branche vaccins du laboratoire.

Un obstacle éthique indéniable
Derrière cette déclaration, on devine le poids que représentent les quatre vaccins « occidentaux » aujourd’hui sur le marché et plus certainement les produits de Pfizer/BioNTech et de Moderna, pour la concurrence. Pourtant, les besoins en nouveaux vaccins demeurent : pour répondre à une demande internationale qui reste encore en grande partie insatisfaite et pour faire face aux éventuelles mutations de SARS-CoV-2. Le hic c’est que non contents de représenter une concurrence majeure, les vaccins déjà existant complexifient l’évaluation des nouveaux produits. Il apparaît en effet discutable éthiquement de réaliser des essais contre placebo, alors que sont disponibles des vaccins efficaces. « On ne peut pas faire courir à un volontaire qui aurait reçu le placebo le risque de faire une forme grave alors qu’il existe des vaccins pour le protéger. Tant qu’il n’y avait pas de vaccins approuvés et disponibles localement, ce n’était pas un problème. Mais, aujourd’hui, ce n’est plus tenable. Aucun comité d’éthique ne peut accepter ça », explique dans Le Monde, Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et présidente du comité scientifique sur les vaccins Covid-19.

Difficile comparaison
Ainsi, les uns après les autres, les pays occidentaux ferment leurs portes à la possibilité de mener des essais contre placebo. Pour conduire ces travaux, les laboratoires doivent donc se tourner vers l’Afrique et l’Asie. Mais là aussi, les réticences commencent à s’exprimer, comme au Pakistan, qui comme le rappelle le Monde a récemment indiqué qu’il refusait que sa population continue à servir de « cobaye ».

On le sait, d’autres méthodes existent pour évaluer des produits quand d’autres qui préexistent sont efficaces : les études de supériorité ou de non-infériorité, ou encore la comparaison des paramètres immunologiques (qui ont le désavantage d’être indirects mais qui peuvent être préférés car nécessitant un nombre moins important de participants). Dans les deux cas, ce qui fait cependant défaut, c’est la disponibilité des vaccins de référence et notamment ceux à ARNm (l’Agence européenne du médicament, même si elle ne s’est pas encore prononcée sur le sujet devrait en effet par exemple probablement conditionner les tests comparatifs à l’utilisation de vaccin ARNm). Les fabricants, et cela n’est guère difficile à concevoir, rechigneraient à voir leurs doses ainsi utilisées et les gouvernements ne se montrent guère plus enclins à se séparer de leurs vaccins dans ce but. Ainsi, dans la revue Nature, la présidente de la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), Melanie Saville se désole : « Les scientifiques doivent développer la prochaine génération de vaccins Covid-19 dès maintenant, si le monde veut relever le défi des variants du SARS-CoV-2 et réduire l’iniquité vaccinale en augmentant l’offre mondiale. Cela ne peut se faire que si des vaccins Covid-19 de comparaison – ceux qui ont déjà été approuvés – sont disponibles pour soutenir les essais cliniques. Or, il est presque impossible de se procurer ces vaccins de comparaison ; les gouvernements, les développeurs et les fabricants doivent trouver une solution pour débloquer l’approvisionnement. »

Heureusement, dans certains cas, le déblocage a lieu. Ainsi, la France n’a-t-elle pas hésité à doter le centre Cochin-Pasteur de centaines de doses de Pfizer et Moderna… ce qui devrait permettre à l’institution d’évaluer notamment l’autre vaccin des laboratoires Sanofi (reposant sur l’utilisation de protéines recombinantes) dans le cadre d’une stratégie de booster.

Léa Crébat