Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Vaccination Covid en France : vers une étrange défaite ? [Tribune]

Janvier 2021, par Info santé sécu social

S’il est des moments où l’on ne peut se contenter d’être uniquement un commentateur. Celui-ci en est un.

Sidérés, comme un grand nombre de confrères, par les débuts misérables de la vaccination Covid dans notre pays nous nous devons de prendre la plume pour dénoncer ce qui pourrait augurer d’un nouveau fiasco qu’il faut tout faire pour éviter.

Quelles sont les données en notre possession en ce 31 décembre 2020 au matin pour le vaccin Pfizer ?

Quand le Royaume-Uni et Israël ont atteint environ 800 000 vaccinés (après il faut le dire un début anticipé par rapport à l’Europe continentale, le 8 décembre pour le Royaume-Uni par exemple), l’Allemagne 80 000, le Portugal 20 000, la France plafonne à 332 avec seulement quelques dizaines d’EHPAD concernés bien qu’elle ait reçu, à la même date, la même dotation de vaccins par habitants que ses partenaires européens !

Pour justifier ce gap inquiétant (et il faut bien le dire humiliant), nos autorités politiques et sanitaires, nous martèlent, comme à des enfants impatients, qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation (sic) et que ces chiffres sont conformes aux plans établis.

En dehors de ce remake du Lièvre et la tortue, le gouvernement nous explique que cette lenteur est voulue et qu’elle se justifie par des précautions éthiques et médicales que nous serions donc les seuls à respecter : consentement éclairé des candidats à la vaccination avec délai de rétractation de 5 jours (comme pour un achat à crédit !) et consultation médicale préalable. En occultant le fait que le consentement est requis pour tout acte médical, que consultation et vaccination peuvent bien sûr être réalisées dans le même temps (comme c’est le cas par exemple pour la prévention de la grippe saisonnière pour des millions de nos concitoyens chaque année) et que ces précautions inusitées ne peuvent avoir comme effet que de renforcer la méfiance de la population (si l’on me laisse 5 jours pour réfléchir c’est bien que ce vaccin est dangereux !). De plus, même si le choix d’un consentement éclairé était la véritable explication de ce retard, il faudrait justifier le nombre ridicule d’Ehpad impliqués la première semaine car rien n’interdisait de demander simultanément leur consentement au million de personnes concernées.

Comment comprendre ce début de campagne qui n’en est pas une, qui n’est appuyée par aucune communication gouvernementale et surtout par aucun enthousiasme des responsables sanitaires ?

Comme on ne peut imaginer que cette lenteur soit due à un doute sur la sécurité d’un vaccin que l’on vient pourtant d’autoriser et que des millions de personnes ont reçu sans dommage immédiat dans le monde, la seule explication rationnelle est celle d’une impréparation logistique de l’administration française (temporaire ?) face à l’accélération non anticipée du processus européen d’autorisation du vaccin, avancé, on se le rappelle, d’une semaine.

Comme les masques jugés inutiles (voire dangereux !) jusqu’au moment où l’on a pu en disposer en nombre suffisant, comme les tests considérés comme superfétatoires au printemps avant que l’on ne les pratique larga manu, gratuitement et sans ordonnance, vacciner le plus rapidement possible comme cela est recommandé par nos partenaires européens sera considéré comme une attitude brouillonne jusqu’au jour où notre administration sera enfin prête à respecter son propre plan de montée en puissance.

Espérons-le, le plus vite possible. Mais, croyons que le pire n’est pas sûr et que dès la semaine prochaine, le gouvernement révisera sa stratégie vaccinale. Car chaque jour qui passe sans immunisation collective nous coutera des centaines de morts et des centaines de millions d’euros.

Dr Anastasia Roublev