Le financement de la Sécurité sociale

L’opinion - Fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG : Ayrault persiste et signe

Août 2016, par Info santé sécu social

Raphaël Legendre - 27 Août 2015

L’ancien premier ministre n’a pas réussi à sauver sa peau avec la « remise à plat » avortée du système fiscal. Il revient à la charge en taclant le gouvernement

Les faits — Jean-Marc Ayrault et le député Pierre-Alain Muet cosignent un ouvrage publié à la Fondation Jean Jaurès sur la réforme fiscale. Intitulé « Pour un impôt juste, prélevé à la source », il plébiscite le prélèvement à la source, promis par François Hollande pour le 1er janvier 2018, mais comme préambule à une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Cette promesse du candidat Hollande, abandonnée depuis, est une vieille lune de la gauche. Jean-Marc Ayrault relance le débat politique alors que s’ouvre ce vendredi l’université d’été du PS.

Voilà qui ne manquera pas d’animer les allées de l’université d’été du PS ce week-end à la Rochelle. Un mois après l’adoption par le bureau national du PS d’un rapport du député frondeur Jean-Marc Germain préconisant une réorientation d’une partie du Pacte de responsabilité vers les ménages et la mise en place d’une CSG progressive jusqu’à 2 smic, Jean-Marc Ayrault et le député Pierre-Alain Muet, ancien conseiller économique de Lionel Jospin à Matignon, ont remis une pièce dans le juke box en publiant jeudi un essai sur la réforme fiscale intitulé « Pour un impôt juste, prélevé à la source » (Fondation Jean Jaurès).

Dans cet ouvrage, les deux députés reviennent à la charge sur la fusion de l’impôt sur le revenu (IR) avec la CSG, n’oubliant pas de tacler au passage l’action du gouvernement. « S’agissant de l’impôt sur le revenu, aucune réforme d’envergure ne s’est réalisée en une ou deux années », constatent les deux auteurs. De quoi rallumer le débat au sein de la majorité, à quelques semaines de l’examen du projet de loi de finances.

« Une erreur profonde, regrette le député vallsiste Christophe Caresche. Il n’y a pas grand chose à redistribuer. Nous ferions mieux de nous concentrer sur l’emploi et la réforme du marché du travail. La politique du carnet de chèque, plus personne n’y croît ». « C’est une réforme qui ne se fera pas du jour au lendemain. L’idée est plutôt d’amorcer un changement », répond de son côté Pierre-Alain Muet.

« Impôt citoyen progressif ». Techniquement, de nombreux obstacles s’opposent à une mise en place rapide d’un grand « impôt citoyen progressif » fusionnant la CSG, une flat tax individualisée engobant tous les revenus, et l’impôt sur le revenu, progressif, conjugalisé et mité par de nombreuses niches fiscales. « Il faudrait d’abord changer la loi », rappelle l’économiste Alain Trannoy, spécialiste des questions de fiscalité.

En 2000, le Conseil constitutionnel a censuré la tentative du gouvernement Jospin de mettre en place une CSG progressive, pour rupture de l’égalité devant l’impôt. Or, pour modifier la Constitution, le gouvernement doit convoquer le Parlement en congrès et faire adopter le changement au trois cinquième. Peu de chances que cela arrive avant la fin du quinquennat.

Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet contournent l’obstacle. Les deux députés proposent que la partie individualisée de la future « prime d’activité », qui fusionnera le 1er janvier 2016 la prime pour l’emploi et le revenu de solidarité active (RSA), soit « versée sous forme d’une réduction automatique et dégressive de CSG jusqu’à 1,3 smic ». « Cela se traduirait par une amélioration du pouvoir d’achat lisible sur la feuille de paie », indiquent les deux députés.

« Le problème, c’est que nous avons tablé sur le fait que seul la moitié des ménages y ayant droit demanderont la prime d’activité, souligne le député socialiste Dominique Lefebvre. Une baisse généralisée de la CSG de tous les salariés jusqu’à 1,3 smic coûterait beaucoup plus cher ». La ministre des Affaires sociales Marisol Touraine y est d’ailleurs formellement opposée.

Deuxième obstacle, « il faudra rassurer les syndicats sur la sanctuarisation du financement de la Sécurité sociale », ajoute Alain Trannoy. Un financement « certes un peu plus compliqué avec une CSG devenue progressive », reconnaissent Ayrault et Muet. « Mais il y aura toujours la possibilité de voter une fraction de l’impôt global pour l’affecter à la Sécurité sociale », souligne ce dernier.

Conjugalisation. Enfin, « il faut annoncer ce vers quoi nous nous dirigeons, prévient Alain Trannoy. Est-ce qu’on transforme l’impôt sur le revenu en CSG, ce qui signifie la disparition du quotient familial, du quotient conjugal et la mise en place d’un impôt totalement individuel ? Ou est-ce qu’à l’inverse, on transforme la CSG en impôt sur le revenu, en conjugalisant totalement l’impôt ? »

« La question la conjugalisation de la CSG est la plus compliquée à résoudre », reconnaît Pierre-Alain Muet. Pour les deux auteurs, « la fusion conduirait à individualiser à terme l’IR et à tenir compte de la famille par des crédits d’impôt ou des abattements » par enfant. « Mais tant qu’on ne disposera pas d’une vision claire sur ces choix importants de société, le chemin de la réforme ne sera pas balisé », estime Alain Trannoy.

Reste la questions des transferts massifs qu’entraînerait une fusion de l’IR et de la CSG. Dans un rapport de 2013, Bercy indiquait qu’à rendement constant, la réforme augmenterait l’impôt de près de 10 millions de foyers fiscaux. « Ce que nous proposons avec la prime d’activité est complètement neutre. Un rapprochement plus poussé de l’IR et de la CSG ne pourrait se faire dans un deuxième temps que dans le cadre d’une baisse d’impôt », explique Alain Muet. Or, les marges de manœuvre sont pour l’instant inexistantes. Le grand impôt unifié et progressif n’est pas prêt de voir le jour.