Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde - Coronavirus et immunité : des premières pistes et beaucoup d’inconnues

Avril 2020, par Info santé sécu social

La question de l’immunité contre le coronavirus va devenir centrale dans la gestion de la crise sanitaire du Covid-19. Sur cet aspect, les premières réponses des chercheurs se précisent mais prendront du temps à confirmer.

Par Gary Dagorn

Les personnes guéries du Covid-19 sont-elles susceptibles d’être réinfectées par le virus ? C’est une question majeure à laquelle font face les gouvernements des pays confinés dans la gestion de la crise sanitaire.

Or, sur cet aspect, les réponses de la recherche scientifique restent, pour le moment, balbutiantes, tant la réaction de l’organisme à ce nouveau virus, inconnu il y a cinq mois, est peu documentée. Les chercheurs disposent, malgré tout, de quelques éléments de réponse.

Une fois guéri, est-on immunisé contre le virus ?
Il est trop tôt pour le dire. Normalement, une fois qu’une infection a été repoussée par le système immunitaire, celui-ci garde la mémoire des virus ou bactéries rencontrés, mais cette mémoire immunitaire dépend de nombreux éléments, comme le pathogène rencontré ou la gravité de l’infection. Mais, concernant le SARS-CoV-2, les données manquent. En l’absence de preuve, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reste volontairement prudente sur cet aspect et a rappelé, le 24 avril, que « jusqu’à maintenant aucune étude n’a évalué si la présence d’anticorps anti-SARS-CoV-2 conférait une immunité en cas de réinfection du virus chez les humains ».

Cela dit, aucun cas de réinfection dans les semaines ou les mois suivant la première exposition au virus ne semble avoir été recensé. Et de nombreux travaux ont montré que l’organisme produisait des anticorps spécifiques pour combattre l’infection. Il est donc très peu probable qu’une réinfection soit possible à cette échelle de temps.

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Combien de temps durerait cette immunité ?

Là aussi, il est bien trop tôt pour répondre à cette question. Car, pour étudier la stabilité des anticorps produits contre le SARS-CoV-2, il faut précisément… du temps. Tout l’enjeu sera d’observer l’évolution de la quantité d’anticorps dans les années qui suivent l’infection chez les personnes guéries ayant eu des symptômes. Et de surveiller d’éventuels cas de réinfection chez des gens ayant déjà contracté la maladie.

Il existe cependant des données et des observations sur la façon dont le système immunitaire réagit au SARS-CoV-2. Une des premières études, publiée le 21 mars dans le Journal of Infection, a montré que l’intégralité des 34 patients suivis avait produit des anticorps au bout de la troisième semaine d’infection. Ceux-ci sont restés à une concentration haute jusqu’à sept semaines après les symptômes.

Une des dernières études en date, publiée par une équipe de biologistes chinois le 19 avril, a mis en évidence l’apparition d’anticorps ciblant le virus dès le quatrième jour après l’apparition des symptômes chez une partie des patients, avec des niveaux stables à J + 30.

Des données cohérentes avec les résultats obtenus par trois chercheurs chinois parus dans Nature le 29 avril sur la plus grande cohorte existante, qui montrent que 100 % des 285 patients suivis ont développé des anticorps neutralisants dix-sept à dix-neuf jours après la manifestation des symptômes, la médiane étant de treize jours.

Une autre étude portant sur trois patients français publiée par une équipe internationale le 9 avril montre que le niveau d’anticorps est devenu détectable entre treize et vingt et un jours après l’apparition des symptômes.

Toutes ces études montrent aussi que le niveau d’anticorps est positivement corrélé à la gravité des symptômes : plus on est malade, plus notre organisme fabrique d’anticorps. Les personnes asymptomatiques ou peu symptomatiques développent ainsi très peu d’anticorps contre le virus et leur immunisation est plus incertaine que celle des personnes ayant eu des symptômes nets du Covid-19.

Mais ces publications portent sur un nombre encore très limité de patients et il faudra attendre des recherches plus poussées pour mieux observer la stabilité de ces anticorps.

Combien de temps est-on immunisé contre des virus comparables ?

La durée de l’immunisation dépend beaucoup de la bactérie ou du virus concernés. Elle est par exemple très longue pour la rougeole (quasiment toute la vie), mais plus courte pour la coqueluche (de l’ordre de sept ans). La plupart des anticorps fabriqués contre chaque souche du virus de la grippe ont une très longue durée de vie, mais comme ils ne sont efficaces que contre une souche en particulier, ils deviennent inutiles rapidement puisque le virus mute à chaque saison.

SARS-CoV-2 étant le septième coronavirus connu à infecter des humains, il est possible de le comparer aux autres coronavirus humains (HCoV). Quatre d’entre eux circulent assez largement, notamment en hiver, et provoquent environ 15 % des rhumes humains : 229E et OC43, découverts dans les années 1960, ainsi que NL63 et HKU1, identifiés plus récemment en 2004 et 2005.

Pour le HCoV-229E, une étude de 1990 montre que la réinfection peut intervenir un an après l’infection précédente. Six des neufs patients réexposés au virus après un an ont été réinfectés, mais aucun n’a développé de symptômes, signe d’une meilleure réponse immunitaire que lors de la première infection. Les données concernant les trois autres coronavirus humains responsables de rhumes mettent en évidence des durées d’immunisation d’un à deux ans, ce qui explique les pics épidémiques réguliers que l’on observe avec ces virus.

La réponse immunitaire au SARS-CoV-1, le coronavirus qui causa en 2002-2003 la pandémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et proche cousin du virus actuel, a, elle aussi, fait l’objet de travaux. Une étude ayant suivi 98 patients atteints du SRAS montre que l’immunisation post-infection dure environ deux ans, après quoi le niveau d’anticorps n’est plus détectable dans l’organisme. La plus grande cohorte étudiée (176 patients) a pu montrer que la plupart des patients suivis ont maintenu des niveaux suffisants d’anticorps pendant deux ans en moyenne, le déclin s’opérant la troisième année. Les chercheurs en ont conclu qu’une réinfection par le SARS-CoV-1 était possible trois ans après la première.

Peut-on être porteur sain et développer la maladie plus tard ?
Si l’on peut être asymptomatique, c’est-à-dire être infecté sans développer aucun symptôme, on ne peut être « porteur sain » d’un virus, car, contrairement à la bactérie, il ne persiste pas en dehors d’une cellule.

Un virus a besoin d’un hôte pour « survivre » et se multiplier. Ne possédant pas, par lui-même, les moyens de se répliquer, un virus doit donc infecter des cellules, sans quoi il disparaît. Et lorsqu’il se réplique il le fait en détournant complètement la machinerie de la cellule infectée, qui finit par mourir.

L’infection par un virus ne peut donc pas résulter d’un portage sain, ce que l’on rencontre pour des infections bactériennes où la bactérie reste présente de façon pérenne dans l’organisme, sans provoquer ni dégât ni réponse immunitaire.

Une exception existe : la latence virale. Une telle latence se retrouve lorsque le virus pénètre dans la cellule mais ne se réplique pas. Son matériel génétique « baigne » alors librement dans le cytoplasme, l’intérieur de la cellule. Souvent, à ce moment de l’infection, la réponse immunitaire a détruit la plupart des virus présents dans l’organisme. Plus tard, le virus peut être « réactivé » par un stimulus extérieur et l’infection virale reprend alors, sans que la personne hôte n’ait été infectée de l’extérieur de l’organisme.

C’est ce qui se passe, par exemple, avec le zona, une éruption cutanée due au même virus que la varicelle (le herpèsvirus humain 3, ou HHV-3) ; celui-ci reste dormant dans les ganglions nerveux jusqu’à ce qu’il soit réactivé, il remonte alors les fibres nerveuses et affecte les cellules de l’épiderme.

La directrice des centres de contrôle et de prévention sud-coréens, Jeong Eun-kyeong, a déclaré, le 8 avril, qu’une telle réactivation était possible pour le SARS-CoV-2, après que 51 patients ont été testés positifs à nouveau, après guérison. Mais ces cas restent cliniquement très peu documentés et la communauté scientifique est restée relativement sceptique sur cet aspect, attendant d’avoir davantage de données. Car il est désormais bien compris et observé que le génome du virus peut persister plusieurs semaines dans les muqueuses du nez chez des personnes guéries, ce qui peut suffire à expliquer pourquoi les tests ont retourné un résultat positif. L’OMS a, de son côté, lancé une enquête. En attendant d’autres publications, il n’est pas aujourd’hui établi que le virus puisse être réactivé.