Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde - Covid-19 : « Refuser de prendre en compte les inégalités sociales face à la maladie est suicidaire »

Avril 2020, par Info santé sécu social

TRIBUNE
Collectif

Les trois médecins Jean-Luc Dumas, Michel Naiditch et Pierre Lombrail – qui s’expriment à titre strictement personnel – plaident dans une tribune au « Monde » pour l’adoption de mesures d’accompagnement économique et social de la population française qui doivent être prises de manière urgente et dans la durée.

Il y a plus de trente ans déjà, Jonathan Mann [médecin américain de santé publique de l’OMS (1947-1998)] écrivait un texte fondateur pour la santé publique à l’occasion du congrès de la Société française de santé publique. Il y dénonçait la « socioparésie » de la santé publique, autrement dit son incapacité à prendre en compte la question sociale dans ses stratégies.

Nous en sommes toujours là et c’est très inquiétant quant à notre capacité collective de réagir efficacement et équitablement face à la pandémie. Le propos se limite à la situation française, mais la situation mondiale est encore plus caricaturale : refuser de prendre en compte les inégalités sociales face à la maladie est suicidaire, pour la santé de la population comme pour l’économie du pays et du monde.

Impréparation majeure
Les autorités sanitaires, héritières d’une impréparation majeure, font ce qu’elles peuvent et reconnaissons qu’elles ont réussi à « aplatir la courbe » et à éviter globalement le débordement des capacités de réanimation au prix de prouesses humaines et logistiques qu’il faut saluer. Mais la présentation qui est faite quotidiennement de la situation n’aide pas à comprendre ce qui est réellement en jeu, en dehors d’un manque de moyens abyssal. Les morts égrenées, les hospitalisations comptabilisées sont anomiques, dépourvues de toute épaisseur sociale.

L’épidémie frappe d’abord les « premiers de corvée » dans des territoires de « défavorisation sociale »

Pourtant, à l’exception notable et tragique du secteur du soin, où les médecins ont payé un lourd tribut aux côtés des autres professionnels de santé moins qualifiés, ouvrons les yeux : cette maladie ne frappe pas n’importe qui, n’importe où, et la stratification sociale et territoriale des cas est manifeste. Elle frappe d’abord les « premiers de corvée » dans des territoires de « défavorisation sociale ».

Dès lors, ce n’est pas seulement avec des mesures barrières individuelles qu’il sera possible de combattre un phénomène qui obéit à des déterminants sociaux (mal-logement, etc.) et économiques (paupérisation accélérée, etc.) aussi massifs. Des mesures d’accompagnement économique et social s’imposent de manière urgente et dans la durée.