Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde - Vaccin anti-Covid : convaincre plutôt qu’imposer

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Le succès de la lutte contre le virus dépendra du degré d’accessibilité et d’acceptabilité de vaccins autour desquels subsistent encore de nombreuses incertitudes.

Publié le 21/11/2020

Les récentes annonces sur l’efficacité potentielle d’un vaccin contre le Covid-19 ont suscité à travers le monde un immense élan d’optimisme. Alors que les vagues de contamination rythment la vie de nombreux pays en les obligeant à des mesures de restriction plus ou moins dures, la perspective d’une solution immunitaire contre la maladie constitue « une lueur d’espoir dans un tunnel », comme le résume Jean-François Delfraissy dans un entretien au Monde.

Le président du conseil scientifique a raison de faire rimer espérance avec prudence. Car la bataille vaccinale est loin d’être gagnée. Derrière un optimisme majoritaire se cache un mouvement de défiance qu’il serait risqué de sous-estimer et auquel il convient de se confronter dès à présent pour réussir cette phase cruciale de la lutte contre la pandémie.

Si la course au vaccin a permis d’obtenir des résultats en un temps record, elle a aussi conduit à une surenchère de la part des Etats et des laboratoires pharmaceutiques. Les priorités politiques des uns et les intérêts financiers des autres entretiennent une suspicion qui fait perdre de vue le fait que ce vaccin doit être considéré comme un « bien public mondial ». De son degré d’accessibilité et d’acceptabilité dépend le succès de notre lutte contre le virus.

A ce stade, beaucoup d’interrogations restent en suspens. D’abord, la vitesse inédite à laquelle les candidats vaccins ont été mis au point a pour contrepartie le manque de recul sur d’éventuels effets indésirables. Ensuite se posent des questions sur la durée de l’immunité et le degré d’efficacité en fonction de l’âge et des comorbidités. Enfin demeurent encore beaucoup d’incertitudes sur l’organisation de la logistique et la façon de sélectionner les populations prioritaires.

Sur tous ces sujets, les autorités sanitaires devront faire preuve de pédagogie, de transparence et d’humilité sur l’avancée des connaissances. Malgré les incertitudes, elles doivent convaincre sans relâche que les bénéfices du vaccin restent largement supérieurs aux risques potentiels, tout en acceptant d’éventuelles remises en cause.

Une forte défiance en France
La France aborde cette séquence avec un handicap supplémentaire. Il s’agit de l’un des pays où la défiance vis-à-vis du vaccin est la plus forte. Ainsi, plus de quatre Français sur dix disent qu’ils n’accepteraient pas de se faire vacciner contre le coronavirus, selon une récente étude de la Fondation Jean Jaurès, corroborée par un sondage réalisé par Ipsos.

Réduire ce scepticisme à du complotisme serait une faute. La défiance vis-à-vis des vaccins n’est pas nouvelle, mais elle s’est accélérée au moment des polémiques sur l’opportunité de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 en 2009 et la révélation de possibles conflits d’intérêts. A l’époque, les médecins généralistes n’avaient pas été associés à la démarche. Il ne faut pas reproduire cette erreur. Le solide capital confiance dont ils bénéficient est un levier sur lequel il faut s’appuyer pour inciter la population à se faire vacciner.

Le gouvernement doit surtout éviter tout passage en force, en se gardant de rendre la vaccination obligatoire. Sur un plan pratique, il n’en aura pas les moyens. Les quantités disponibles ne permettront pas de vacciner tout le monde en même temps. Sur le plan psychologique, ce serait le meilleur moyen de conforter les mouvements antivaccins. Plutôt que d’imposer, il faut convaincre, informer, associer aux décisions. C’est le seul moyen de stopper le poison du complotisme, contre lequel il n’existe pas de vaccin.

Le Monde