Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : « Certains préfèrent arrêter d’être volontaires pour éviter la vaccination »

Août 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : « Certains préfèrent arrêter d’être volontaires pour éviter la vaccination »

l’obligation vaccinale suscite craintes et incompréhensions chez les sapeurs-pompiers
Comme les soignants, les soldats du feu devront être totalement vaccinés contre le Covid-19 à partir du 16 octobre. Mais une partie de la profession monte au créneau pour dénoncer une mesure liberticide et précipitée.

Par Jérémy Hernando

Publié le 20/08/2021

« Nous ne sommes pas opposés au vaccin, mais à l’obligation vaccinale », résume Noël Auray, délégué CGT des SDIS (service départemental d’incendie et de secours), les services de l’Etat qui gèrent la majeure partie des sapeurs-pompiers français.

Depuis l’annonce par Emmanuel Macron de la vaccination obligatoire pour les soignants, qui concerne également les 253 000 sapeurs-pompiers de France, une partie de la profession fait entendre son opposition.

Partout dans le pays, de petits cortèges de sapeurs-pompiers rejoignent les manifestations hebdomadaires contre le passe sanitaire. Walter Galot, adjudant-chef au SDIS des Alpes-Maritimes, en fait partie. En octobre 2020, il avait contracté le Covid-19 lors d’une intervention. Puis, à nouveau, en mars, cette fois de manière asymptomatique. « J’ai fait un test sérologique en juillet, et j’ai encore suffisamment d’anticorps. Quel est l’intérêt de ce vaccin pour moi ? », s’interroge-t-il, tout en précisant qu’il n’est pas opposé à une vaccination « plus tard ». « On n’est pas sur des hordes de personnes qui sont vent debout contre la vaccination », nuance Rémy Chabbouh, secrétaire national du syndicat SUD-SDIS, lui-même sapeur-pompier à Lyon.

« Sur la totalité des sapeurs-pompiers en France, on est à 60 % d’effectifs vaccinés totalement », précise Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), qui regroupe la quasi-totalité des sapeurs-pompiers du pays. Un taux qui serait en réalité plus élevé, en raison de la part très importante de volontaires dans l’effectif national (79 %). Comme ils occupent une activité professionnelle par ailleurs, il est plus difficile de recenser leur couverture vaccinale.

Xavier Boy, président de la Fédération autonome des sapeurs pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés (FA SPP-PATS), constate cependant que « très peu de volontaires sont vaccinés ; c’est un des principaux points de blocage ». « Certains préfèrent arrêter d’être volontaires pour éviter la vaccination », abonde Noël Auray.

Caractère « punitif »
Avec l’obligation, « il y a une discrimination liée à la vaccination qui va jusqu’à une atteinte au droit du travail », dénonce Rémy Chabbouh. Les sapeurs-pompiers n’ont pour l’instant qu’à présenter un test négatif au Covid-19 pour aller travailler. Mais les mesures coercitives vont s’intensifier ces prochaines semaines.

A partir du 15 septembre, ils devront avoir reçu au moins une dose de vaccin et présenter un test négatif. Dès le 16 octobre, leur parcours vaccinal devra être complet pour qu’ils puissent travailler. Ceux qui ne se plieront pas aux règles pourront être suspendus – ils ne toucheront plus leur salaire, dans ce cas. Il sera cependant possible de prendre ces jours de suspension sur leurs congés, pour ne pas être pénalisés financièrement. La suspension pourra durer deux mois. Les sapeurs-pompiers volontaires pourront quant à eux se mettre en suspension de leur engagement.

Autorisations de mise sur le marché données à la hâte, concurrence malsaine entre les laboratoires pharmaceutiques, volonté d’attendre le vaccin de Sanofi, qui n’utilise pas une technologie à ARN messager… Si nombre de pompiers déjà vaccinés critiquent l’obligation vaccinale pour son caractère « punitif » et son atteinte aux libertés, à l’instar de Rémy Chabbouh, la méfiance de certains pompiers envers les vaccins contre le Covid-19 trouve les mêmes racines que dans une partie de la population française.

Le peu de temps laissé au personnel pour se vacciner – la loi est entrée en vigueur le 9 août – est aussi pointé du doigt par les représentants syndicaux. « Avant la parution de la loi, plus de 50 % des sapeurs-pompiers étaient vaccinés. Avec un peu de temps, on aurait obtenu une couverture satisfaisante », assure Xavier Boy, du FA SPP-PATS.

L’Assemblée des départements de France, qui regroupe les présidents de 102 collectivités, plaide pour une « phase de transition d’un mois » afin d’assurer l’objectif de vaccination chez les pompiers. « Au lieu d’attiser les peurs, il faut laisser le temps de faire de la pédagogie », renchérit Grégory Allione, qui défend également l’idée d’une période transitoire.

« Délai trop court »
Le président de la FNSPF rappelle que, dans le cadre de leur profession, les sapeurs-pompiers sont déjà soumis à deux vaccins obligatoires : le BCG, qui sert à combattre la tuberculose, et le vaccin contre l’hépatite B. Ce dernier, obligatoire depuis 2005, avait déjà suscité des craintes dans la profession, car il était soupçonné de favoriser la survenue de la sclérose en plaques. Un lien de causalité inexistant, comme l’ont prouvé plusieurs études. Mais, comme le rappelle Grégory Allione, « la différence, à l’époque, c’est qu’on a eu un délai de cinq ans pour expliquer. Or, aujourd’hui, le délai est beaucoup plus court. Ça nécessite de l’accompagnement ».

Une question revient systématiquement, lorsqu’on interroge les différents représentants syndicaux de la profession : « Pourquoi les forces de police ne sont-elles pas soumises à cette obligation ? » Alors que les gendarmes doivent désormais se faire vacciner, les policiers ne sont pas concernés par l’obligation vaccinale, bien qu’ils soient sur « le même théâtre d’opérations », interpelle Rémy Chabbouh, du syndicat SUD-SDIS. Grégory Allione, président de la FNSPF, tient cependant à rappeler que, « le plus souvent, les forces de police sont là pour nous protéger. Ceux qui sont au plus près des victimes, avec nous, ce sont les soignants, qui ont aussi l’obligation vaccinale ».

L’opposition d’une partie des sapeurs-pompiers à cette obligation traduit, plus largement, un mal-être de la profession face à une communication gouvernementale confuse depuis le début de la crise sanitaire. « Tout et son contraire a été dit », concède Grégory Allione, qui rappelle néanmoins le caractère inédit de cette crise sanitaire : « On en apprend tous les jours sur cette maladie. » Mais pour Xavier Boy, fort de vingt ans d’expérience dans le métier, « le contexte de mauvaise communication de la part des politiques a créé un déficit de confiance, même envers le plus grand scientifique du monde. Le mal est fait. »