Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Coronavirus : face à l’épidémie, l’Italie tout entière est à l’arrêt

Mars 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Coronavirus : face à l’épidémie, l’Italie tout entière est à l’arrêt

Le pays se prépare à une sorte de confinement général. Le gouvernement a décrété la fermeture des écoles et des universités au moins jusqu’au 15 mars et l’annulation des spectacles et événements sportifs.

Par Jérôme Gautheret•

Publié le 05/03/2020

La place Navone déserte, la fontaine de Trevi accessible même en plein après-midi, des files interminables de taxis patientant à l’arrêt devant les principaux lieux touristiques de Rome, attendant d’hypothétiques touristes qui semblent s’être évanouis en un clin d’œil… depuis douze jours, alors même que la progression de l’épidémie de Covid-19 continue à s’étendre dans le nord de l’Italie, Rome, à peine touchée, a des airs de ville fantôme. On s’y déplace avec fluidité, même aux heures de pointe, ce qui serait d’ordinaire inconcevable. Et hors de la capitale, entre les grandes villes, circulent des trains déserts imprégnés d’une forte odeur de désinfectant.

L’Italie est à l’arrêt. Et l’aggravation du bilan humain de la crise sanitaire ne laisse que peu de place à l’optimisme pour les prochains jours. Selon les chiffres officiels dévoilés mercredi 4 mars, en fin d’après-midi, l’épidémie a désormais touché plus de 3 000 personnes, et la barre symbolique des 100 décès a été franchie, avec un total de 107 victimes, soit vingt-huit de plus que la veille – tandis que 276 malades étaient déclarés guéris.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement italien a rendu public, dans l’après-midi du 4 mars, un arsenal de nouvelles mesures afin de contenir la progression de la maladie. La plus spectaculaire est l’arrêt immédiat, « par mesure de précaution », des cours de toutes les écoles et universités, sur l’ensemble du territoire et au moins jusqu’au 15 mars. Le décret a été signé en fin de soirée par le président du conseil, Giuseppe Conte.

D’après plusieurs indiscrétions répercutées ces dernières heures dans la presse italienne, cette mesure a été prise par la ministre de l’éducation nationale, Lucia Azzolina (Mouvement 5 étoiles, M5S, antisystème), en accord avec son collègue de la santé, Roberto Speranza (Articolo Uno, issu d’une dissidence du Parti démocrate), et la commission scientifique réunie autour de la présidence du conseil, et en dépit de l’opposition du collège des experts mandatés par la protection civile, dubitatifs quant à l’efficacité d’une mesure qui risque d’avoir des conséquences très lourdes pour les familles.

Restrictions très sévères

Dans la foulée de cette annonce, les équipes des ministères de l’économie et de la famille informaient de leur volonté d’aider le mieux possible les Italiens confrontés à des problèmes de garde d’enfants durant les dix prochains jours. Selon la vice-ministre de l’économie, Laura Castelli (M5S), le gouvernement travaille à un texte « qui donnerait la possibilité, pour un des deux parents, de s’absenter du travail, en cas de fermeture des écoles, pour garder un enfant mineur ».

Cette mesure radicale, qui aura des conséquences pour l’ensemble des familles italiennes, mais aussi sur toute la vie économique, s’accompagne de restrictions très sévères concernant tous les rassemblements prévus dans les prochains jours.
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Ainsi, selon le décret signé par Giuseppe Conte, « les manifestations, les spectacles et les événements de toute nature, y compris cinématographiques et théâtraux, se déroulant dans n’importe quel lieu public ou privé, et comportant un afflux de personnes tel qu’il ne soit plus possible de respecter le principe d’une distance interpersonnelle d’au moins un mètre » sont également suspendues.

Dans cette logique, l’ensemble des événements sportifs des prochains jours se déroulant sur le territoire italien devront se tenir à huis clos jusqu’au 3 avril – à commencer par les prochains matchs de Serie A et ceux des différentes coupes d’Europe de football. Le cas des grandes courses cyclistes de printemps, à commencer par Milan-San Remo, n’a pas encore été tranché.

Par ailleurs, si l’idée de conseiller aux plus de 75 ans (ainsi qu’aux plus de 65 ans ayant des problèmes de santé) de rester chez eux ne figure pas dans le décret, elle était dans l’air durant les derniers jours, et nul doute qu’elle a fait suffisamment de bruit pour être entendue.

Contexte sanitaire très sombre

Ainsi donc, c’est à une sorte de confinement général que se prépare le pays, y compris dans le Sud, pour l’heure relativement épargné par la contagion. Il faut dire que le rythme de propagation de la maladie invitait à prendre des mesures radicales. En Vénétie, la progression semble relativement contenue, avec 360 cas constatés et six morts. De fait, le foyer épidémique observé autour de la petite commune de Vo Euganeo, près de Padoue, était peu peuplé (3 000 habitants) et relativement facile à isoler.

Il en va autrement, en revanche, de la situation en Lombardie (1 820 cas, 73 morts) et dans la province de Plaisance, voisine de la « zone rouge » ayant pour centre la ville de Codogno, qui concentre la majeure partie des 544 cas observés en Emilie-Romagne. Là-bas, c’est l’ensemble du système de santé local, pourtant jugé d’ordinaire exemplaire, qui semble au bord de l’effondrement. En Lombardie, 10 % des malades diagnostiqués font partie du corps médical, tandis qu’un élargissement de la « zone rouge » à la province de Bergame, dans les prochains jours, reste envisagé.

Dans ce contexte sanitaire très sombre, et alors que les trois principales régions touchées (Lombardie, Emilie-Romagne et Vénétie) sont également les trois plus importants centres productifs du pays, le gouvernement a multiplié les signaux en direction de ses partenaires internationaux, en alertant sur le risque d’une violente récession dans le pays, qui nécessitera des mesures exceptionnelles, et donc de nouvelles dépenses.

Peu après la signature du décret instituant le nouveau régime de lutte contre l’épidémie, le président du Conseil, Giuseppe Conte, a diffusé un message aux Italiens sur sa page Facebook, dans lequel il a appelé l’Europe à « se mettre derrière nous et à soutenir cet effort qui est le nôtre ». « Nous demanderons à l’Union européenne toute la souplesse budgétaire qui sera nécessaire pour soutenir nos familles, nos entreprises », a-t-il poursuivi, avant d’annoncer un plan extraordinaire de grands travaux d’infrastructures, sur le modèle de l’actuel chantier de reconstruction du pont Morandi de Gènes.

Le ministre du développement économique, Stefano Patuanelli, devra coordonner le lancement de ce chantier à distance : il a dû se placer en quarantaine, après avoir rencontré longuement, il y a quelques jours, l’assesseur (adjoint) au développement durable de la région Lombardie, Alessandro Mattinzoli, qui a depuis été diagnostiqué positif au test du coronavirus.