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Le Monde.fr : Edouard Philippe reste déterminé sur les retraites et tente de rassurer

Septembre 2019, par infosecusanté

Edouard Philippe reste déterminé sur les retraites et tente de rassurer

Le Monde.fr

Jeudi, le premier ministre a dit comprendre les « inquiétudes » tout en assurant que la réforme serait votée avant l’été 2020.

Par Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières •

Publié le 13/09/2019

Il est urgent de ne pas se précipiter. Tel est le principal message qu’Edouard Philippe a martelé, jeudi 12 septembre, dans un discours sur la réforme des retraites, prononcé devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE). A six reprises, le premier ministre a affirmé qu’il était prêt à « donner » et à « prendre tout le temps nécessaire » pour mettre en place le système universel promis par Emmanuel Macron.

Un leitmotiv qu’il a répété le soir même au journal télévisé de TF1. A la veille d’une grève massive des agents de la RATP, bien décidés à défendre leur régime spécial, M. Philippe a donc tenté de rassurer et de montrer que l’exécutif ne souhaitait pas passer en force sur un sujet hautement inflammable.
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Si le chef du gouvernement a tout son temps, c’est parce qu’« il ne faut pas en perdre », a-t-il ajouté, à la fin de son intervention. En d’autres termes, tout ceux qui imaginent que le pouvoir en place hésite à lancer ce chantier titanesque ont tort, dans l’esprit de M. Philippe : « Notre détermination [est] entière. » L’ancien maire du Havre a d’ailleurs fixé un échéancier : le projet de loi refondant entièrement le dispositif sera voté « d’ici à la fin de la session parlementaire de l’été prochain ».

Quatre thèmes décortiqués

Voilà pour le calendrier. Quant à la méthode, elle sera en ligne avec la doctrine de l’acte II du quinquennat : « Plus d’écoute, plus de dialogue » avec les partenaires sociaux et la population. D’ici « à la fin de l’année », une consultation citoyenne sera organisée sur le modèle du grand débat, avec des réunions publiques et une plate-forme Internet.

Parallèlement, Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé du projet, va recevoir, dès la semaine prochaine, les partenaires sociaux pour une deuxième phase de concertation, la première – menée pendant dix-huit mois – ayant débouché sur des propositions qu’il a remises en juillet. Celles-ci serviront de base aux discussions à venir. « Jusqu’au début du mois de décembre », quatre thèmes seront décortiqués, dont les règles d’ouverture des droits et le retour à l’équilibre financier du système, en 2025. Autant de thématiques susceptibles de provoquer des remous.

M. Philippe, lui, veut croire qu’un débat « serein » peut avoir lieu, même sur la délicate question de l’âge de départ à la retraite ou de la durée de cotisation, source de divergences – y compris au plus haut sommet de l’Etat. Pour mettre fin aux « interrogations », voire aux « soupçons » qui règnent sur la situation financière du dispositif, le Conseil d’orientation des retraites va être saisi afin de réaliser des projections pour « la prochaine décennie ». Une initiative un peu étonnante dans la mesure où cette instance s’est livrée à un exercice similaire, à l’occasion de son dernier rapport annuel diffusé en juin.

Un autre cycle de discussions va s’ouvrir avec « les catégories professionnelles qui sont impactées par la réforme ». Une formule un peu nébuleuse qui recouvre des franges diverses d’actifs : salariés affiliés à des régimes spéciaux (RATP, SNCF…), travailleurs indépendants, professions libérales, fonctionnaires relevant des catégories dites « actives » qui peuvent partir plus tôt à la retraite (agents hospitaliers, etc.). Pour tous ces groupes sociaux, assujettis à des normes singulières, un état des lieux sera dressé.

Le but est de déterminer comment ces différents régimes rejoindront « la maison commune » du futur système universel, chacun d’entre eux devant « dessiner son propre chemin de convergence », comme l’a indiqué M. Philippe. « Tant que ce chemin ne sera pas tracé, a-t-il complété, le nouveau système ne leur sera pas appliqué. » Ce principe sera inscrit dans le projet de loi, a assuré le premier ministre. Une façon d’apaiser les publics concernés, dont certains (avocats, médecins, kinésithérapeutes…) ont prévu de défiler, le 16 septembre, afin de dénoncer la réforme – pour des motifs qui varient selon les cas.

« Il faudra que les masques tombent »

« Je ne sous-estime pas l’ampleur des bouleversements [que ce projet] implique, encore moins les inquiétudes qu’il suscite », a admis M. Philippe. C’est pourquoi il a tenu à apporter un certain nombre de « garanties » sur le futur système universel, que ce soit la prise en compte de la pénibilité et la dangerosité de certains métiers, ainsi que la conversion à « 100 % » des droits acquis avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles.

Chez les partenaires sociaux, les réactions au discours de M. Philippe sont contrastées. « Je n’ai rien entendu de déterminant », commente Philippe Pihet (FO). Un avis partagé par Régis Mezzasalma (CGT) : « Tout cela reste un peu flou. » Serge Lavagna (CFE-CGC) déplore, lui, des « propos un peu lénifiants » : « A un moment, il faudra que les masques tombent. »

« On n’a rien appris de particulier par rapport à nos échanges de la semaine dernière, à Matignon », renchérit Pascale Coton (CFTC). Seule la CFDT, par la voix de Frédéric Sève, se montre un peu plus positive. Le secrétaire national de la centrale cédétiste considère que le premier ministre a livré un « énoncé de méthode visant à rassurer les salariés des régimes spéciaux, ce qui est plutôt bien ». « Maintenant, ça reste à écrire », observe-t-il.

« La discussion reste assez ouverte »

La tonalité est plus favorable, du côté du patronat. « Le calendrier, tel qu’il a été défini, nous convient », a confié Philippe Martin, le numéro deux du Medef, face à plusieurs journalistes, à la sortie du CESE. Disparaît ainsi « la crainte de voir l’examen de la réforme reportée sine die », a-t-il poursuivi. Il s’est dit « quand même un peu interrogatif quant aux échéances évoquées » par M. Philippe, car elles lui « paraissent extrêmement lointaines », s’agissant – par exemple – de l’absorption des régimes spéciaux dans le système universel.

De son côté, Eric Chevée (CPME) apprécie le fait que « la discussion reste assez ouverte ». « Pour nous, le chef du gouvernement a coché presque toutes les cases », se félicite Alain Griset, président de l’Union des entreprises de proximité (artisans, commerçants, professions libérales).