Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Le gouvernement refuse aux entreprises un dépistage généralisé du Covid-19

Mai 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Le gouvernement refuse aux entreprises un dépistage généralisé du Covid-19

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a répété que cette pratique était interdite et qu’elle devait être réalisée par des professionnels formés. Veolia s’est engagé dans cette voie. Le Crédit mutuel a décidé de suspendre une opération identique qu’il s’apprêtait à lancer.

Par Jean-Michel Bezat

Publié le 05/05/2020

Il y a les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Testez, testez, testez ! » Et puis le « protocole national de déconfinement » publié, dimanche 3 mai, par le ministère du travail et censé accompagner les entreprises dans la relance de leurs activités. Ce document indique notamment qu’elles ne sont pas autorisées à mener des campagnes de dépistage généralisées du coronavirus chez leurs salariés, une voie dans laquelle se sont pourtant engagés le géant des services à l’environnement Veolia et Le Crédit mutuel, qui a décidé de suspendre son initiative.

La ministre du travail l’a redit, lundi, sur Franceinfo. « Il est interdit de faire des campagnes généralisées de dépistage en entreprise », a déclaré Muriel Penicaud, expliquant qu’« à l’heure actuelle, seuls les tests virologiques RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngés [étaient] fiables pour confirmer le diagnostic de Covid-19 ». Elle estime que « ces prélèvements sur prescription médicale sont douloureux, complexes logistiquement [équipements de protection, parcours des données du patient] et doivent être réalisés par des professionnels formés ». Elle conclut qu’« à ce stade, aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage ».

Veolia est le premier groupe à avoir annoncé son plan, le 23 avril : dépister ses 50 000 salariés en France, sur la base du volontariat

La Haute autorité de santé (HAS) a également émis des doutes, au moins sur la pertinence du test sérologique sur les personnes « non confinées » depuis le 16 mars. « Le seul intérêt de ces tests dans cette population serait d’apprécier le niveau d’immunité vis-à-vis du virus, indique-t-elle. Toutefois, compte tenu des données actuellement disponibles (notamment en termes de prévalence du COVID-19 au sein de ces groupes et de caractère protecteur des anticorps), il n’est pas encore possible de statuer sur la pertinence de l’utilisation des tests sérologiques ». Elle ne le « recommande » pas pour tester massivement dans les entreprises.

C’est la « stupéfaction » chez Veolia, premier groupe à avoir annoncé son plan, le 23 avril : dépister ses 50 000 salariés en France, sur la base du volontariat. Un programme qui s’inscrit dans un ensemble de mesures, pour un coût de 15 millions d’euros. « Nous voulons rassurer nos salariés, créer les conditions de la confiance », confiait au Monde Antoine Frérot, PDG de Veolia, lors de l’annonce de cette initiative. A commencer par les 20 000 personnes ayant continué de travailler sur le terrain au plus fort de l’épidémie, comme les éboueurs, en contact avec les usagers, les ordures ménagères ou les déchets hospitaliers.

Des pouvoirs publics qui « disent tout et son contraire »
Ces dix derniers jours, des milliers de ses salariés ont déjà passé les deux tests, le RT-PCR pour savoir s’ils sont infectés, et un test sérologique (recherche d’anticorps) pour savoir s’ils l’ont été. Pour Veolia, ces deux tests sont effectués par l’un des plus gros laboratoires d’analyses médicales, Biogroup. Et la quasi-totalité des salariés a demandé à être testée, affirme un dirigeant du groupe, qui propose aussi à ses employés de tester leur famille. Son porte-parole juge que tous les arguments avancés par la ministre du travail sont « faux », agacé par des pouvoirs publics qui, selon lui, « disent tout et son contraire sur l’utilité des tests ».

La nécessité d’une prescription médicale invoquée par Mme Pénicaud ? Elle n’est pas nécessaire dans le cas de tests. Le salarié peut choisir de se faire tester dans l’entreprise ou au laboratoire. Le respect du secret ? Seul le salarié est destinataire des résultats, avec son médecin traitant et/ou le médecin du travail s’il le souhaite. Ce dernier est soumis au secret médical. Il peut prescrire ces tests, et délivrer un arrêt de travail en cas de résultat positif, en vertu d’une des ordonnances sur l’état d’urgence sanitaire du 2 avril.

« Cette recommandation du gouvernement me laisse sans voix, réagit Jérôme Amar, directeur du territoire Paris-Seine chez Veolia recyclage et déchets. Qu’est-ce que cela coûte à l’Etat ? Rien ! Nous assurons un service public, le ramassage des ordures et des déchets, mais mon premier travail, c’est d’assurer la sécurité de mes collaborateurs. Tous sont sur le terrain depuis le premier jour de confinement, même s’ils étaient inquiets. Quand vous avez 100 personnes à la prise de service, au dépôt, la contamination est facile. Mais dès le début, nous avons fourni des masques et du gel, limité la présence des “rippeurs” en cabine ». Les tests vont se poursuivre cette semaine dans son secteur.

De grands groupes ont approché Veolia et envisagent de procéder aussi à des dépistages : la recommandation du gouvernement ne vaut pas interdiction, selon eux ; et leurs salariés souhaitent bénéficier de tests.