Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Les limites du modèle de santé américain face à la propagation du coronavirus

Mars 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Les limites du modèle de santé américain face à la propagation du coronavirus

Pour les 27,5 millions d’Américains sans assurance, le coût des examens et des soins est prohibitif.

Par Stéphanie Le Bars

Publié le 05/03/2020

L’épidémie de coronavirus aux Etats-Unis a, à la date du 5 mars, fait onze morts et, selon des chiffres officiels, touché plus de 150 personnes, mais elle provoque déjà des débats inédits. Comment assurer un accès aux soins à tous les Américains, quel que soit leur niveau de protection sociale ? Face aux menaces de propagation du virus, même les partisans les plus convaincus d’un système de santé individualisé et privé semblent découvrir les limites du modèle américain.

Ainsi de Ted Yoho, élu républicain de Floride et l’un des plus ardents contempteurs de l’Obamacare, le système d’assurance-santé mis en place par les démocrates il y a dix ans pour garantir une protection au plus grand nombre, qui préconise désormais de tester et de traiter gratuitement les quelque 27,5 millions d’Américains sans assurance. « Vous pouvez y voir une médecine subventionnée, mais face à une épidémie, quelles sont les autres options ? », s’est-il interrogé.

Pour l’heure, l’administration Trump a évoqué un possible recours aux fonds d’urgence débloqués en cas de catastrophes naturelles, ce qui permettrait de payer directement les hôpitaux et les professionnels de santé. Mais aucune décision n’a été prise. Aussi la déclaration du vice-président, Mike Pence, chargé par Donald Trump de superviser la gestion de cette crise sanitaire, assurant, mardi, que « tous les Américains qui le souhaitent peuvent se faire tester », a-t-elle laissé sceptiques les experts.

Factures faramineuses

Mercredi, la Chambre des représentants a adopté un texte débloquant une aide d’urgence de 8,3 milliards de dollars pour soutenir les Etats dans leur lutte contre la pandémie et financer les recherches sur un vaccin. Le Sénat devait l’adopter jeudi, avant de le présenter pour signature au président. Le gouverneur (démocrate) de New York a d’ores et déjà demandé aux assureurs privés et au dispositif public Medicaid, la couverture santé des plus pauvres, de prendre en charge les soins liés à l’épidémie. « La question du coût ne peut pas être un frein pour accéder au test sur le coronavirus », a-t-il défendu. D’autres Etats pourraient suivre son exemple.

En attendant, les personnes non (ou mal) assurées potentiellement touchées par le virus ont deux options : retarder leur prise en charge en espérant que la maladie recule ou, si leur état se dégrade, se rendre aux urgences d’un hôpital, sans connaître le montant de la facture qui leur sera ensuite adressée. Même assurés, nombre d’Américains sont traditionnellement enclins à reporter les soins faute d’assurance ad hoc.

Selon un sondage de Gallup, paru en décembre 2019, un tiers d’entre eux disent avoir reporté un examen médical dans les douze derniers mois en raison du coût et un sur quatre l’a fait dans le cas d’une pathologie grave. Cette pratique est d’autant plus problématique dans le cas du coronavirus, dont l’éradication suppose un accès rapide aux soins et à la prévention pour limiter les contaminations.

Dans ce contexte, la presse américaine fait déjà état de cas de factures faramineuses envoyées à des patients pris en charge à l’hôpital. En Floride, un homme de retour de Chine, ayant des symptômes de la grippe, est allé se faire tester à l’hôpital dans un esprit de « responsabilité », a-t-il déclaré au Miami Herald. Après plusieurs examens, la contamination au coronavirus a été écartée, mais il a reçu une facture de 3 270 dollars, ramenée à 1 400 après la prise en charge de son assurance.

Car si les Centers for Disease Control and Prevention, qui sont pour l’heure les seuls habilités à réaliser les tests, ne font pas payer leurs prestations, les hôpitaux, eux, facturent aux patients qu’ils accueillent les examens ou les soins complémentaires. Ainsi, un père de famille et sa fille rentrés de Wuhan, en Chine, placés en quarantaine, ont reçu une facture de près de 4 000 dollars pour leurs passages, obligatoires, à l’hôpital.

Télétravail

Au-delà des obstacles financiers, un autre élément pourrait favoriser la dissémination du virus dans le pays. Environ 25 % des salariés américains n’ont pas droit au congé maladie payé. Même souffrants, beaucoup n’ont donc d’autre choix que de se rendre au travail et d’emprunter les transports en commun. Dans le secteur des services, notamment la restauration et la prise en charge des enfants, la proportion de salariés couverts est encore plus faible : seuls 58 % d’entre eux bénéficient d’un congé maladie payé.

Dans ce contexte incertain, plusieurs grandes banques américaines ont testé le télétravail pour des centaines de salariés, au cas où la propagation du virus exigerait des mesures de confinement. Vendredi 6 mars, à titre expérimental, il a aussi été demandé à tous les employés de la NASA de travailler de chez eux.