Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Près de 50 millions de Français primovaccinés à la fin de l’été : le pari gagné d’Emmanuel Macron

Août 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Près de 50 millions de Français primovaccinés à la fin de l’été : le pari gagné d’Emmanuel Macron

L’objectif fixé par le premier ministre, Jean Castex, le 21 juillet, sera atteint – sans doute début septembre. A huit mois de l’élection présidentielle, l’Elysée souffle, Matignon jubile.

Par Claire Gatinois

Publié le 30/08/2021

On disait les Français réfractaires, révoltés et inquiets. Les voici disciplinés et vaccinés. Il ne reste qu’une poignée de jours, de fait, pour que l’objectif de 50 millions de Français primovaccinés contre le Covid-19, fixé par le premier ministre, Jean Castex, le 21 juillet, soit atteint. Mais si ce n’est au 31 août, comme l’escomptait l’exécutif, ce sera début septembre, « autour de la rentrée », assure-t-on au sein de l’exécutif. Une victoire.

A huit mois de l’élection présidentielle, l’Elysée souffle, Matignon jubile. « On nous a assez critiqués ces derniers mois pour se féliciter aujourd’hui ! », explique une source proche du premier ministre, qui voit dans ces 50 millions l’illustration du « courage d’une politique ». Derrière l’Espagne, la France est devenue l’un des pays où la couverture vaccinale est la plus importante au monde, devant le Royaume-Uni, les Etats-Unis et même Israël, longtemps cité en exemple.

Sans que l’exécutif prétende à l’immunité collective, ces 50 millions de primovaccinés représentent de l’ordre de 85 % de la population des plus de 12 ans partiellement immunisée (75 % des Français). Assez pour affronter plus sereinement la quatrième vague du virus dopé par le variant Delta. A priori sans confinement ni couvre-feu en métropole, donc. Si les masques restent obligatoires et les règles de distanciation physique recommandées, la rentrée des classes et des universités se fera presque normalement.

Les restaurants, commerces et lieux culturels ne devraient pas, sauf coup de théâtre, fermer leurs portes, alors que les personnes travaillant dans les lieux soumis au passe sanitaire ont, à partir de lundi 30 août, l’obligation de présenter eux aussi ce fameux sésame. Dit autrement, le Covid-19 ne brisera pas la reprise qui se profile. Une aubaine dont la situation alarmante aux Antilles, en Guyane et en Polynésie française, où les écoles ont parfois dû rester fermées et les couvre-feux rétablis, permet de prendre toute la mesure.

Une parole « écoutée et entendue »
Le chemin fut long. Au gouvernement, tous se souviennent qu’il y a neuf mois à peine l’opposition raillait le démarrage poussif et chaotique de la campagne vaccinale. Les doses manquaient et les Français se méfiaient de ce vaccin arrivé si vite. Etait-il efficace ? Quels seraient ses effets secondaires ? Une étude Ipsos menée fin décembre 2020 pour le Forum économique mondial auprès de quinze pays révélait que seuls 40 % des Français étaient prêts à se faire vacciner, faisant du pays le « champion du monde » des pays rétifs au vaccin. A la même époque, quand près de 200 000 Allemands avaient déjà reçu leur première injection, seule Mauricette, une septuagénaire de Seine-Saint-Denis, et quelques centaines de résidents d’Ehpad étaient vaccinés. Un « Eurovision de la vaccination » devenu une source d’humiliation de plus pour les Français, déjà dépités par l’absence d’un vaccin 100 % français.

Puis les doses sont arrivées et le chef de l’Etat a parlé au cœur de l’été. La vaccination patine alors que se profile la quatrième vague quand, le 12 juillet, Emmanuel Macron prend la parole. « Nous sommes une grande nation. Une nation de sciences, celle des Lumières, de Louis Pasteur. Alors, quand la science nous offre les moyens de nous protéger, nous devons les utiliser avec confiance dans la raison et dans le progrès », explique-t-il, en annonçant la mise en place du passe sanitaire. Une mesure qui obligera les Français à faire preuve de leur vaccination ou d’un test PCR négatif – payant à compter de mi-octobre – avant d’aller boire un verre en terrasse, de se rendre au cinéma ou de prendre le train.

Ce seul rappel à l’ordre assorti d’une sanction explicite à l’« art de vivre à la française » provoquera la ruée de millions de Français sur Doctolib pour prendre rendez-vous pour leur première injection. Spectaculaire. « C’est le grand paradoxe de notre pays. On nous dit qu’il y a un désintérêt des citoyens pour la politique mais quand l’enjeu est important, la parole est écoutée et entendue. C’est presque rassurant », observe Sacha Houlié, député de la Vienne pour le parti présidentiel La République en marche (LRM).

« On s’adresse à la majorité silencieuse »
Les manifestations contre le passe sanitaire ou le vaccin qui ont ponctué l’été et se prolongent en cette rentrée n’auront pas fait varier la posture présidentielle. Après avoir un temps redouté la force des antivax, l’exécutif a désormais pris le parti de les affronter. Ainsi, le 17 août, en marge d’un déplacement à Bormes-les-Mimosas (Var), Emmanuel Macron fustigeait ceux qui revendiquent une « liberté égoïste ». Le 26 août, le ministre de la santé, Olivier Véran, insistait lui sur les « fake news » entourant les vaccins, en concluant : « La peur du virus, oui, la peur du vaccin, non. »

« On s’adresse à la majorité silencieuse », décrypte Stanislas Guerini, patron de LRM, revendiquant envers la minorité un discours de « fermeté ». Une attitude payante jusqu’ici, la progression de la vaccination marginalisant un peu plus les opposants dont les cortèges, émaillés de dérives extrémistes, faiblissent. Samedi 28 août, ils étaient 160 000 à avoir protesté, selon les données du ministère de l’intérieur, contre 237 000 le 7 août.

Le chiffre de 50 millions, qui suit les autres objectifs fixés pour la mi-mai (20 millions) et la mi-juin (30 millions), dégage ainsi l’horizon d’Emmanuel Macron. « On ne regarde plus le film mais la photo. Le fiasco des masques passe au second plan. La France, tortue de la vaccination, est maintenant le lièvre, et Emmanuel Macron peut être vu comme celui qui remplit ses promesses », pense Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’institut de sondage IFOP. Mais si la confiance des Français envers la gestion de la crise sanitaire progresse, c’est un acquis très « meuble », souligne l’analyste.

« Le droit de parler d’autre chose »
Qu’un nouveau variant résistant au vaccin surgisse ou que de nouvelles contraintes soient nécessaires et le bénéfice politique partira en fumée. A Matignon, comme à l’Elysée, on n’ignore pas que la lutte contre le Covid-19 est loin d’être terminée. Déjà, on pointe les divergences inquiétantes au sein de la population vaccinée, selon les âges et la géographie. Les 12-17 ans ne sont, par exemple, que 60 % à avoir reçu au moins une dose. Surtout, près de 15 % de la population des 80 ans et plus ne sont pas encore vaccinés, alors qu’ils sont les plus à risque.

Pour ces derniers « résistants », le gouvernement déploie notamment un dispositif pour proposer la vaccination au plus près des personnes qui n’y ont pas accès. « On vient de franchir le million de Français vaccinés via nos opérations d’“aller vers” (…), qu’on fait avec des associations, des collectivités locales, pour aller chercher des personnes qui ne peuvent pas, pour différentes raisons, se déplacer jusqu’à la vaccination », s’est félicité le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, invité dimanche 29 août du « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ».

Mais, à la fin, ce crédit politique lié à crise sanitaire, qui rend quasi muette l’opposition, apparaît pour les citoyens comme une sorte de minimum syndical, où toute réussite semble normale et toute faute, impardonnable. « Gérer la crise est une condition nécessaire mais pas suffisante pour se projeter dans la présidentielle », estime Stanislas Guerini. « Le crédit qu’on nous donne grâce à la gestion de la crise, c’est le droit de parler d’autre chose », abonde le parlementaire Sacha Houlié. Un droit qu’Emmanuel Macron entend d’ores et déjà faire valoir.

Claire Gatinois