Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Un chiffre de contaminations au Covid-19 « maîtrisé » à l’école : Jean-Michel Blanquer, encore loin du compte

Novembre 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Un chiffre de contaminations au Covid-19 « maîtrisé » à l’école : Jean-Michel Blanquer, encore loin du compte

Le ministre de l’éducation tente de rassurer sur les élèves testés positifs. Ce qu’il ne dit pas, c’est que la méthode de collecte de ces chiffres a ses limites.

Par Les Décodeurs

Publié le 17/11/2020

Le nombre d’élèves positifs au Covid-19 est « un chiffre maîtrisé », a tenté de tempérer Jean-Michel Blanquer, vendredi 6 novembre, sur RTL, face aux inquiétudes soulevées par le corps enseignant. Selon le ministre de l’éducation nationale lors de la semaine écoulée alors qu’il s’exprimait, « on est à 3 528 élèves qui ont été testés positifs », cela « rapporté à 12 millions d’élèves ». Un chiffre qui semble stable dans le temps depuis la rentrée, et qui permet au ministre de conclure que la situation sanitaire ne se dégrade quasiment pas dans les écoles du pays.

Ce que ne dit pas M. Blanquer, c’est que la méthode de collecte de ces chiffres a ses limites, et ne traduit pas réellement la situation sanitaire dans les salles de classe, qui, sans surprise, s’est détériorée en même temps que celle du reste du pays.

Les chiffres du ministère reposent sur du déclaratif
Communiqués chaque vendredi par le ministère de l’éducation nationale, ces chiffres hebdomadaires, qui portent sur les sept derniers jours (du jeudi au jeudi), font état du nombre d’établissements et de classes fermées là où la situation sanitaire l’exigeait, ainsi que du nombre d’élèves et de personnels testés positifs au SARS-CoV-2. Mais, secret médical oblige, la recension du nombre d’élèves atteints du Covid-19 repose principalement sur la volonté des parents de déclarer leur enfant comme cas positif.

« L’éducation nationale n’a pas le droit d’avoir des informations de santé d’élèves, par essence confidentielles »

Les données communiquées par le ministère sont en effet remontées par les rectorats, lesquels sont informés par les établissements, qui ont deux moyens de savoir si un élève est positif : soit par les parents, soit par les agences régionales de santé. Or, la première voie dépend grandement de la volonté des parents de communiquer l’information. Contacté par Libération, le cabinet de Jean-Michel Blanquer explique : « Nous n’avons pas les moyens de les vérifier. D’autant que l’éducation nationale n’a pas le droit d’avoir des informations de santé d’élèves, par essence confidentielles, si elles ne sont pas données par les parents (représentants légaux), ou un certificat du médecin qui l’indiquerait, ou l’ARS. »

En conséquence, les données du ministère sont très partielles et rendent peu compte de la dégradation de la situation dans les établissements scolaires que l’on observe depuis plusieurs semaines. Entre mi-septembre et mi-octobre, les nombres issus de la base de données Sidep de Santé publique France (SPF, qui recense les tests pratiqués et leurs résultats) ont comptabilisé entre 2,5 et 3 fois plus de cas positifs dans les 0-19 ans que le ministère n’a recensé de cas parmi les élèves.

Pluie de critiques sur l’opacité des nombres
Le timing choisi par Jean-Michel Blanquer pour mettre en avant la stabilité du nombre de cas recensés par son administration au moment même où le décalage avec la situation a semblé s’agrandir a ainsi donné lieu à de nombreuses critiques. Depuis, les nombres communiqués vendredi 13 novembre ont fait état de presque quatre fois plus de cas recensés que la semaine d’avant, avec 12 487 cas. Une telle différence d’une semaine sur l’autre peut en partie s’expliquer par le délai entre la date du prélèvement, l’annonce du résultat aux familles et leur communication aux établissements. Mais même avec de tels décalages temporels, les nombres du ministère sont encore très loin de ceux de SPF.

Le ministère s’est défendu en soulignant que ses données n’ont pas le même périmètre que celles de Santé publique France : « Nous avons 12 millions d’élèves alors que les chiffres de Santé publique France portent sur 16 millions de jeunes », a-t-il ainsi précisé au Figaro. Tous les 0-19 ans testés positifs et recensés dans la base Sidep ne sont, effectivement, pas tous scolarisés dans le primaire ou le secondaire. On compte, en France, en 2020, environ 15,39 millions de personnes âgées de 19 ans ou moins, dont 12,35 millions sont sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale. Mais la différence tient en majorité aux enfants pas encore scolarisés en maternelle (environ 2 millions en 2020).

Ajouté au fait que les tests PCR sont déconseillés pour les moins de 6 ans (car ils sont plus sujets aux infections virales et nettement moins contagieux), un tel argument ne permet pas d’expliquer l’écart entre les données. Reste alors la « contribution » des étudiants âgés de 18 ans à 19 ans, qu’il est difficile d’estimer, mais qui peut expliquer une partie du décalage.

Au-delà de ce simple écart de nombres, le problème principal porte sur la méthode. Loin d’exposer la faiblesse méthodologique de leur collecte pour mieux en comprendre la portée, le ministre, ainsi que plusieurs recteurs, ont préféré utiliser ces chiffres pour souligner la maîtrise de la situation, alors même que ceux-ci ne reflètent pas la dynamique actuelle réelle de l’épidémie, y compris chez les plus jeunes.