Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Quotidien du médecin - Une course effrénée aux vaccins contre le SARS-CoV-2

Avril 2020, par Info santé sécu social

Un développement en un temps record

Publié le 21/04/2020

Plus d’une dizaine de programmes ont été lancés à un rythme accéléré

Plus d’une dizaine de programmes de développement de vaccins contre la maladie Covid-19 ont d’ores et déjà été lancés à un rythme accéléré. La Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), cet organisme international créé en 2017 à la suite de l’épidémie d’Ebola, en soutient huit parmi les plus prometteurs d’acteurs privés ou académiques présentés à la suite d’un appel à projets lancé en janvier dernier. Selon le Dr Seth Berkley, PDG du partenariat mondial public-privé pour l’immunisation GAVI Alliance, « les vaccins qui passeront avec succès les essais cliniques devraient être disponibles dans 18 mois », compte tenu des premières donnés disponibles.

Premiers essais chez l’homme

La recherche avance à marche forcée : depuis le 16 mars dernier, un essai clinique de phase I se déroule à Seattle, l’un des clusters les plus actifs de circulation du virus des États-Unis. Mené par les Instituts nationaux de la santé américains (NIH), il s’agit d’un vaccin à ARN qui a été administré à 45 adultes volontaires en bonne santé âgés entre 18 et 55 ans. Ces participants seront suivis pendant six semaines, afin d’évaluer la sécurité de différentes doses (25, 100 et 250 microgrammes), administrées en deux injections intramusculaires espacées de 28 jours. La biotech allemande Curevac devrait quant à elle commencer son premier essai chez l’homme au début de l’été, tandis que le projet porté en collaboration par l’Institut Pasteur, l’entreprise Themis et l’université de Pittsburgh doit inclure ses premiers volontaires humains en septembre.

En attendant les premières données chez l’homme, des résultats chez l’animal commencent déjà à s’accumuler. Les chercheurs de l’école universitaire de médecine de Pittsburgh ont ainsi communiqué des résultats prometteurs chez la souris, avec le PittCoVacc dans un article paru dans « EBioMedicine » (1).

« Nous avions déjà une certaine expérience du SARSC-CoV responsable de l’épidémie de 2003 et du MERS-CoV qui a émergé en 2014 », explique le Pr Andrea Gambotto qui a codirigé ces travaux. Deux semaines après l’application du patch vaccinal, les souris produisaient d’importantes quantités d’immunoglobuline anti SARS-CoV-2. Les animaux n’ont pas été suivis sur une longue période, mais les auteurs soulignent que des souris vaccinées contre le MERS-CoV avec cette même technologie étaient protégées pendant au moins un an. Les premiers tests chez l’homme nécessiteront « au moins un an », précisent toutefois les auteurs.

Attention à l’effet facilitateur

Si les technologies employées pour les différents candidats vaccins sont variées (cf notre article « la liste des candidats s’allonge »), la cible des immunoglobulines produites par leur biais reste la même : la protéine Spike qui se lie au récepteur ACE2 des cellules humaines, permettant l’entrée du virus dans ces dernières. « Ce n’est pas une surprise, explique le Dr Berkley. C’est le troisième coronavirus à se répandre dans la population humaine en 20 ans. À chaque fois, on a observé que la protéine Spike s’attache à des récepteurs des cellules épithéliales pulmonaires. »

« L’antigène majeur est la protéine S de la spicule, poursuit Frédéric Tanguy, responsable du laboratoire d’innovation dédié aux vaccins à l’Institut Pasteur. Elle est assemblée en trimère : trois tiges reliées entre elles qui se terminent par 3 " fleurs ". Les stratégies actuelles reposent sur la reconnaissance de l’extrémité florale, spécifique du SARS-CoV-2. Une autre stratégie consiste à ne toucher que la tige de la spicule. De tels anticorps pourraient cibler tous les coronavirus, mais c’est une approche que l’on envisagera si la première échoue. »

La cible est donc bien connue, mais Frédéric Tanguy recommande la prudence. « Il existe un risque d’immunopathogenèse, prévient-il. On a vu avec le premier vaccin contre la rougeole ou ceux plus récents contre le sida ou la dengue, qu’un anticorps qui ne recouvre pas complètement la tête de la protéine va faciliter l’infection au lieu de la prévenir. Le CEPI, dans son appel d’offres, a d’ailleurs demandé d’apporter la preuve que ce n’est pas le cas dans un modèle animal. » Les anticorps disposent en effet d’un domaine constant qui se lie au récepteur Fc gamma des macrophages.Si la protéine Spike est toujours en partie libre, alors l’anticorps va faciliter l’entrée virale dans les macrophages.

La question de l’immunité

Une autre question importante : combien de temps durera la protection conférée par ces vaccins ? Et quel schéma vaccinal adopter ? « On ne l’explique pas encore très bien, mais il semble que l’infection par le coronavirus ne provoque pas une immunité à vie, avance le Dr Berkley. Il est possible que les vaccins ne protègent que pour une période donnée, et qu’il faudra donc se revacciner régulièrement. Ou alors il faudra un schéma vaccinal à plusieurs doses. »

Dans son appel à projets, le CEPI considère que l’urgence de la situation dispense pour l’instant de chercher un vaccin procurant une immunité à vie. Il est seulement exigé que la réponse soit mesurable à l’horizon de 15 jours après une dose unique. « Le seul moyen d’obtenir une immunité à vie est le recours à un vaccin vivant atténué », estime Frédéric Tanguy.

Damien Coulomb