Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - CheckNews Covid-19 : les vaccins sont-ils inefficaces contre les variants sud-africain et brésilien ?

Mars 2021, par Info santé sécu social

Les conclusions d’une dizaine d’études scientifiques suggèrent que l’efficacité des vaccins diminue face aux variants brésilien et sud-africain. Certains vaccins semblent être plus « robustes » que d’autres.

A Los Angeles, le 11 mars.
par Florian Gouthière
publié le 31 mars 2021

Les anticorps développés par les personnes vaccinées peuvent-ils neutraliser efficacement les récentes mutations du Sars-Cov-2 ? Ces derniers mois, de nombreux essais ont été réalisés en laboratoire pour estimer l’affinité des anticorps de personnes vaccinées avec les protéines des variants les plus virulents. Leurs résultats suggèrent que les vaccins offrent une protection moindre face aux variants sud-africain et brésilien (qui demeurent très minoritaires en France, autour de 5 % des cas).

Comment anticiper une perte d’efficacité d’un vaccin ?
Lorsque la neutralisation par les anticorps issus de la vaccination est comparable entre une souche « historique » et un variant, on estime que le vaccin offrira une protection similaire dans les deux cas. Des taux inférieurs suggèrent, à l’inverse, un risque « d’échappement immunitaire » – autrement dit une baisse d’efficacité du vaccin.

L’extrapolation n’est toutefois pas automatique. Parce que de nombreuses parties du virus peuvent être reconnues par différents anticorps, une perte de neutralisation sur les parties mutées n’est pas nécessairement synonyme d’inefficacité totale du vaccin. Ce d’autant plus lorsque les expérimentations sont réalisées sur des « pseudovirus » (modèles de laboratoires modifiés pour exprimer les protéines que l’on cherche à tester), et non sur des virus complets. En outre, les mécanismes immunitaires stimulés par la vaccination s’étendent au-delà de la simple production d’anticorps (notamment la production de lymphocytes T), et ne sont pas tous évalués en laboratoire.

Une efficacité « diminuée » pour les vaccins à ARNm
A ce jour, une petite dizaine d’études ont évalué le niveau de neutralisation de ces variants par les sérums de personnes vaccinées. Il est à noter que l’essentiel de ces travaux n’a été que prépublié (présenté sans relecture critique par des équipes indépendantes).

Le vaccin développé par Pfizer a été le sujet d’une dizaine d’études, aux résultats contrastés. Selon deux articles présentés dans le New England Journal of Medecine et Nature – basés sur des échantillons prélevés respectivement chez 15 et 20 volontaires – la neutralisation du variant sud-africain, bien que « diminuée », resterait « robuste » (le premier article estime même que le niveau de neutralisation pour le variant brésilien était « globalement équivalent » à celui des souches historiques).

Mais la plupart des autres publications et prépublications apparaissent bien moins optimistes. Selon les sources, le taux de neutralisation serait divisé de 3,5 et 14 pour ces mutations spécifiques, selon des travaux allemands, français, suisses, britanniques‚ israéliens et étas-uniens (hôpitaux et universités du Massachusetts, de l’école de médecine de Mount Sinaï ou de l’université Columbia). Début mars, Pfizer a annoncé son intention de développer une version de son vaccin plus adaptée aux nouveaux variants, qui pourrait être administrée aux patients qui auraient déjà été vaccinés.

Une partie des études étas-uniennes sur le vaccin Pfizer implique également une évaluation du vaccin à ARNm développé par Moderna. Selon ces sources (ainsi qu’une étude menée par Moderna), la neutralisation sur les mutations étudiées serait réduite d’un facteur 2,7 à 12,4.

Pour ces ordres de grandeur, les chercheurs – et les agences sanitaires – estiment que l’efficacité des vaccins, même amoindrie, resterait suffisamment « robuste » pour avoir des effets notables en population générale.

Vaccin Janssen : des résultats d’essais cliniques encourageants
Vaccin plus récent que ses concurrents, le produit développé par Janssen (Johnson & Johnson) a intégré la préoccupation des variants dans ses essais cliniques. Selon les résultats d’un essai impliquant plus de 43 500 volontaires dans huit pays, dont plus de 6 000 au Brésil et près de 5 000 en Afrique du Sud (alors que 95 % des infections étaient attribuées au variant régional), le taux de protection observé était de 72 % aux Etats-Unis, 68 % au Brésil et 64 % en Afrique du Sud, contre les formes symptomatiques légères à modérées. Il dépassait les 80 % dans tous les cas contre les formes graves. Toutefois, le faible nombre de cas recensés ne permet pas un comparatif statistique pertinent.

Vaccin d’AstraZeneca : des données de terrain préoccupantes

Concernant le vaccin Chadox1 d’AstraZeneca, les essais semblent confirmer qu’il offre peu, sinon pas de protection contre le variant sud-africain. Dans une étude publiée le 16 mars dans le New England Journal of Medecine, des chercheurs sud-africains ont suivi, durant plusieurs semaines, quelques centaines de personnes jeunes (âge médian de 30 ans), parmi lesquelles 750 vaccinées avec le Chadox1, et 717 avec un placebo. Avec respectivement 19 et 23 cas de Covid-19 symptomatique dans chaque groupe, aucune différence statistiquement significative n’a été observée par les chercheurs. Or plus de 9 cas sur 10 étaient liés au variant B.1.351. Si un effet protecteur existait contre ce variant – ce qui n’est pas tout à fait exclu – il serait suffisamment modeste pour ne pas être détectable sur une cohorte de cette taille.

Début février, le Conseil scientifique, se référant aux données préliminaires de cet essai, déplorait que celles-ci se focalisent sur « la maladie non grave chez des personnes jeunes ». Prenant comme référence des données expérimentales et épidémiologiques liées au vaccin Janssen (et au candidat vaccin Novavax), le Conseil s’attend à ce que « l’efficacité du vaccin AstraZeneca contre toute forme de Covid-19 chute de 50 % avec le variant sud-africain. Comme [ce vaccin] est seulement efficace à 60-65 % [en population générale], une efficacité de 30 % (toutes populations confondues) ne serait pas étonnante. Ce que l’étude ne dit pas, c’est si la protection contre la maladie sévère reste à des niveaux acceptables (comme c’est le cas pour Janssen et Novavax). »

Concernant le vaccin Novavax, selon les seules données diffusées par voie de communiqué par le laboratoire, les essais en Afrique du Sud observent une efficacité de l’ordre de 50 % contre les formes symptomatiques.

Protection conservée contre le variant britannique
En revanche, les vaccins autorisés dans l’Union européenne devraient offrir une protection contre le variant britannique B.1.1.7. Les taux de neutralisation observés avoisinent ceux obtenus pour les souches antérieures du Sars-Cov-2, tant pour les vaccins à ARNm de Moderna (selon des travaux menés à Atlanta ou à New York) ou de Pfizer (selon des études allemandes, françaises et étas-uniennes) que celui à adénovirus d’AstraZeneca (selon plusieurs études britanniques). Concernant le candidat-vaccin Novavax, des données communiquées par le laboratoire font état d’une efficacité observée de 86.3 % contre B.1.1.7, contre 96.4 % contre les souches historiques.

Concernant le vaccin de Pfizer, les données épidémiologiques en Israël – où la souche britannique domine à plus de 90 % – montre un taux d’efficacité analogue pour les souches historiques et ce variant.