Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - CheckNews : Où en est le « passeport vaccinal » ?

Avril 2021, par Info santé sécu social

La vaccination permettra-t-elle bientôt de s’affranchir des restrictions, d’accéder à certains lieux, voire de voyager ? Plusieurs projets et dispositifs sont sur la table en France comme en Europe. Ils ne se résument pas à la question de la vaccination.

Question posée le 13 avril 2021 par Catherine

Bonjour,

Votre question porte sur l’éventualité de mettre en place un passeport vaccinal ou sanitaire pour les citoyens français, et plus largement européens. En d’autres termes : les personnes ayant reçu leurs injections pourront-elles bientôt s’affranchir des restrictions sanitaires (limitation des rassemblements, distanciation physique, masques etc.), se déplacer librement, voire voyager ? La question se pose d’autant plus que dans l’imaginaire collectif, l’idée a pu s’installer que le fait d’être vacciné permettrait de reprendre rapidement une « vie normale » éventuellement grâce à un document permettant d’attester de son statut vaccinal.

Problème, les choses sont un peu plus complexes : comme l’expliquait CheckNews, le Conseil d’Etat a rejeté le 1er avril la demande d’un octogénaire francilien, Ahmed B., de suspendre les restrictions de déplacement prises par le gouvernement afin qu’elles ne s’appliquent plus aux personnes vaccinées. Le juge a en effet considéré que « les personnes vaccinées peuvent être porteuses du virus et contribuer à sa diffusion » et que « ces restrictions de déplacement, même pour les personnes vaccinées, n’apparaissent pas disproportionnées ».

Des arguments proches de ceux défendus par le ministre des Solidarités et de la Santé, qui s’était opposé à la requête. Dans un mémoire de défense transmis au Conseil d’Etat, le ministère estimait que si la vaccination est bien le moyen de sortir de la crise sanitaire, il n’est pas encore question de « libérer » les vaccinés sitôt l’injection faite. Et ce dans l’attente d’une immunité collective, atteinte lorsqu’une large majorité de la population est immunisée contre le virus (soit en l’ayant contracté soit en étant vaccinée), « qui seule pourra limiter significativement la circulation du virus ».

Pour autant, des dispositifs (ou projets) de passeports sanitaires existent bien. A noter qu’ils ne sont pas uniquement liés à la vaccination.

« Certificat vert numérique »
Concernant les citoyens français, le projet le plus avancé est au niveau européen : la commission européenne défend l’idée d’une sorte de certificat sanitaire, qui n’a pas seulement trait à la vaccination, appelé « certificat vert numérique ». Il s’agit d’un document (numérique ou imprimé) qui indiquerait grâce à un QR code si son titulaire a été vacciné contre le Covid-19, s’il a guéri de la maladie ou s’il a récemment été testé négativement. Son but : faciliter les contrôles et donc les déplacements au sein des pays de l’UE (et ceux de l’espace Schengen).

Comme l’expliquait Libération, ce sésame « pourrait permettre de rouvrir les frontières intérieures de l’Union européenne, mais il se veut provisoire, le temps d’en finir avec l’urgence sanitaire, et différent d’un passeport vaccinal qui impliquerait une obligation de vaccination ». Les Etats, souverains en matière de santé, restent toutefois libres d’exiger les restrictions qu’ils jugent nécessaires, en exigeant une quarantaine même aux personnes vaccinées ou en refusant l’entrée sur le territoire à toutes les personnes non vaccinées par exemple.

« Des études suggèrent une certaine protection au niveau de la transmission du virus, grâce à la vaccination, avance par ailleurs un porte-parole de la Commission, contacté par CheckNews. Qui pourrait être jugé suffisant pour justifier une plus grande circulation. C’est une proposition qui ne vient pas de nulle part, elle vient des Etats. »

Surtout, ce « certificat vert numérique » ne sera pas opérationnel avant cet été. D’ici là, la commission estime que l’Union européenne peut atteindre son objectif de 70 % des Européens vaccinés, et ainsi atteindre ou se rapprocher d’une immunité collective.

C’est la Grèce, dont l’économie dépend largement du tourisme, qui avait proposé la création d’un tel certificat sanitaire. Soutenue par les pays du Sud et les entreprises de transport, cette idée a d’abord été rejetée notamment par la France, qui l’avait jugée « prématurée ». Elle s’y est finalement ralliée avec l’ensemble de ses partenaires fin février.

Le Conseil européen, qui regroupe les chefs d’Etat ou de gouvernement des Vingt-Sept, a validé mercredi le principe de ce certificat vert, pour une durée d’un an. Ce projet doit encore être adopté par le Parlement européen (où elle est soutenue par une majorité des députés) lors d’un vote le 8 juin, après négociations avec le conseil et la commission.

Contactée par CheckNews, la Commission estime que le projet est en bonne voie « pour être prêt pour l’été » tant « sur le plan législatif que technique ». Un premier contrat de développement a ainsi déjà été signé, pour que l’application puisse être testée en mai, si le processus législatif aboutit.

Pass sanitaire français
Au niveau national, aucun projet n’est aussi avancé. Emmanuel Macron s’est ainsi dit opposé à l’idée d’un passeport vaccinal à proprement parler. Il a toutefois défendu l’idée d’un « pass sanitaire » numérique, en vue de la réouverture des lieux culturels et des restaurants. Là aussi, ce dispositif ne serait pas cantonné à la vaccination : il permettrait de s’enregistrer lors de l’accès à un lieu qui accueille du public (pour faciliter l’alerte de cas contacts ensuite), mais aussi de présenter un test négatif ou son statut vaccinal.

Si un rapport du sénat s’est par exemple prononcé en faveur de ce dispositif, l’exécutif communique peu sur le sujet depuis la prise de parole d’Emmanuel Macron, en février dernier. La tendance est même plutôt au freinage qu’à l’accélération sur ce dossier : « Ça pose des questions éthiques, scientifiques, juridiques, techniques importantes », a reconnu le ministre de la Santé au cours d’un débat à l’Assemblée nationale fin mars, évoquant des « travaux » en cours sans plus de détail, et préférant tabler sur une large couverture vaccinale plutôt que sur un pass sanitaire. « Je pense que le temps que ce débat-là soit monté, on aura une couverture vaccinale qui sera satisfaisante de la population. [D’ici là], je pense qu’on sera sorti de la vague et donc qu’on sera en capacité de rouvrir déjà un certain nombre de lieux. Je considère à titre personnel que le jour où l’on pourra rouvrir des lieux, ils doivent être rouverts pour tous », a-t-il ajouté.

Contacté par CheckNews pour en savoir plus sur les travaux en cours et la position du gouvernement, le ministère de la santé renvoie vers l’Elysée, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations.

« Coronapas »
D’autres pays au sein de l’union européenne, ont d’ores et déjà mis en place des certificats internes : c’est le cas du Danemark avec son « coronapas ». Ce certificat garantit que la personne est vaccinée, guérie ou négative. Il est exigé pour les personnes de plus de 15 ans dans les salons de coiffure, les salons de tatouage ou les auto-écoles depuis le 6 avril, date à laquelle ils ont rouvert. A partir du 21 avril, il sera également demandé pour les terrasses de cafés et restos qui rouvriront. Et à partir du 6 mai pour les restaurants en intérieur, bars, musées et cinéma.

Hors UE, le gouvernement du Royaume-Uni veut de son côté aussi tester un « certificat de statut Covid », qui serait demandé à l’entrée des théâtres, des mariages ou même de certains lieux de travail, selon le Telegraph. Là aussi, « les personnes devront montrer une preuve d’une vaccination, d’un test négatif récent ou de la présence d’anticorps pour pouvoir accéder aux lieux », écrit le quotidien.

Le dispositif pourrait être inclus dans l’application de la NHS (système de santé public) qui est déjà utilisée pour tracer les contacts dans certains établissements, comme les pubs et restaurants qui peuvent de nouveau accueillir des clients en extérieur. Il devrait par ailleurs être testé lors d’une douzaine d’événements publics de grande ampleur en avril et mai, comme la finale de la FA Cup (football). Soixante-dix parlementaires se sont opposés à l’initiative, majoritairement des conservateurs, estimant qu’elle pouvait être « clivante et discriminante en refusant à des individus l’accès à des services, des commerces ou des emplois ».

Application Ramzor
Dans le reste du monde, Israël est l’un des premiers pays qui pourrait s’approcher de l’immunité collective et à avoir mis en place un passeport vaccinal à proprement parler, avec l’application Ramzor (« feu de signalisation »). Lancée mi-février, celle-ci permet de demander un « Green pass » pour les personnes vaccinées ou qui ont guéri du Covid-19, selon le site du gouvernement israélien.

Certains établissements qui accueillent du public devront « scanner les certificats » et si la personne a obtenu un Green Pass, « un permis d’entrée s’affichera à l’écran ». Il s’agit par exemple des restaurants (en intérieur), des salles de gym ou des discothèques.

Pour ceux qui n’ont pas ce sésame, ces établissements peuvent organiser des tests rapides à l’entrée, permettant aux personnes négatives d’y accéder, détaille Haaretz. A noter qu’un test PCR négatif, même récent, n’est pas suffisant pour obtenir un « green pass » d’après le site du ministère de la Santé israélien.

D’autres établissements accueillant du public sont en revanche ouverts à tout le monde (y compris aux personnes non vaccinées ou n’ayant reçu qu’une dose) sous réserve de respect des gestes barrières : musées, lieux de culte ou restaurants en extérieur par exemple.

En plus de celles des Etats ou de l’UE, au moins une initiative privée est également dans les tuyaux : l’Association internationale du transport aérien (Iata) teste ainsi un « travel pass », une solution qui permet aux voyageurs internationaux à la fois de s’informer sur les obligations imposées par le pays où ils veulent se rendre, et de pouvoir ensuite « partager leurs résultats de tests et vaccination de façon fiable, sécurisée et dans le respect de la vie privée » avec les autorités si besoin.

Cordialement