Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Le Covid recommence à déborder l’hôpital

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Par Nathalie Raulin — 24 septembre 2020

En Ile-de-France, la direction de l’AP-HP va devoir déprogrammer des opérations dès ce week-end pour faire face à la hausse des entrées en réanimation.

Empêcher les Français de « vivre » ou risquer un crash du système sanitaire. Ce dilemme, l’exécutif l’a tranché mercredi, sous la pression des indicateurs sanitaires. C’est que la poussée estivale des contaminations a commencé à refaire du grabuge : 5 913 patients hospitalisés mercredi sur l’ensemble du territoire et une dynamique inquiétante, avec près de 650 admissions quotidiennes et une centaine d’entrées en réanimation. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la cote d’alerte est atteinte, le nombre de personnes hospitalisées au 22 septembre excédant désormais celui de début juillet (649 contre 493). Plus préoccupant encore : même mieux prises en charge qu’au printemps, grâce à l’oxygénothérapie, aux corticoïdes et aux anticoagulants, les formes sévères de la maladie sont en progression constante. Car ce qui devait arriver arrive : véhiculé par des jeunes adultes souvent asymptomatiques, le Covid touche de nouveau les tranches d’âge vulnérables.

Le retour de bâton n’a pas tardé : « On avait 50 patients en réanimation le 1er septembre, 132 le 23 septembre, et on s’attend à plus de 200 à la fin du mois », égrène le directeur général adjoint de l’AP-HP, François Crémieux. Une marée montante qui absorbe 27 % de la capacité normale de réanimation de Paris et sa région, contre 18 % une semaine plus tôt…

On reste loin du cataclysme du printemps (2 600 patients en réanimation sur l’Ile-de-France). Mais l’hôpital se sait plus fragile faute de troupes, notamment en région parisienne. Rien qu’à l’AP-HP, près de 500 postes d’infirmières budgétés sont vacants. Ereintés par la surcharge de travail, traumatisés par le choc épidémique, médecins et paramédicaux sont à la peine. Et pour comble, l’épidémie étant désormais nationale, plus question de compter sur le renfort des professionnels de santé venus des régions…

Le premier groupe hospitalier francilien se prépare au pire : « A compter de ce week-end, l’AP-HP sera contrainte de commencer à déprogrammer des interventions pour pouvoir accueillir les patients Covid sévères », précise Crémieux. L’alarme est stridente, même s’il n’est question que d’un report des opérations les moins sensibles : l’enjeu de santé publique pourrait vite dépasser le Covid.

Jeudi, le ministre de la Santé, Olivier Véran, l’a rappelé à la commission d’enquête Covid du Sénat : « A chaque fois que vous armez un lit de réanimation, vous désarmez un lit en bloc opératoire, vous annulez des chirurgies de cancérologie, des greffes, […] toute cette activité réglée indispensable pour les citoyens qui n’ont pas le Covid. » Au printemps, le recours à la déprogrammation massive (80 % des interventions annulées à l’AP-HP) avait permis de redéployer des soignants en interne pour surmonter la vague. Quitte à laisser en souffrance toutes les autres pathologies, en chirurgie ou dans les services contraints de tourner au ralenti. Ce retard de soins, l’hôpital ne l’a toujours pas rattrapé. D’où la volonté de l’AP-HP de conserver a minima la moitié de sa capacité opératoire en octobre : « Recourir à la déprogrammation, c’est commencer à entrer dans la perte de chance pour beaucoup de malades, confirme un chef de service hospitalier marseillais. Mais en cas de regain épidémique, on pourrait ne pas avoir le choix. »