Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Vaccins anti-Covid : après les huées, la ruée

Janvier 2021, par Info santé sécu social

Par Sarah Finger, (à Montpellier)

Retard à l’allumage, difficultés d’inscription… Lundi, au premier jour de la nouvelle phase de vaccination, désormais ouverte aux personnes de plus de 75 ans, les Français se pressent pour prendre un rendez-vous. L’organisation s’avère très compliquée.

« C’est la pagaille totale. » Huguette n’en revient pas. Dès 9 heures lundi, elle s’est rendue au centre de vaccination municipal du quartier Antigone, à Montpellier. Et là, la responsable du centre vient lui annoncer que les vaccinations ne débuteront que le lendemain, et sur rendez-vous. « Mais vous ne pouvez pas me donner rendez-vous maintenant ? » demande Huguette. « On ne peut pas, madame, s’agace la directrice. Prenez rendez-vous sur Internet ! » « Je n’ai pas Internet ! rétorque la vieille dame. Et par téléphone, c’est impossible de joindre quelqu’un. Je suis déjà restée des heures en ligne ! » Entre-temps, d’autres personnes âgées arrivent devant les portes closes. Elles aussi sont venues tenter leur chance, dans l’espoir d’être vaccinées ou d’au moins obtenir un rendez-vous. Dépitées, stressées, agacées, toutes témoignent de la même impossibilité de joindre qui que ce soit par téléphone. Certaines racontent qu’elles ont tenté d’appeler en vain les centres de vaccination de Montpellier et ses abords immédiats. « On nous dit de nous faire vacciner, et on n’a même pas la possibilité de prendre rendez-vous, vous vous rendez compte ! On est pleins de bonne volonté… »

« Il faut attendre »
Partout en France, depuis lundi, la vaccination est élargie aux 5 millions de personnes de plus de 75 ans ne vivant pas en Ehpad, ainsi qu’à près de 800 000 personnes présentant des pathologies à « très haut risque ». Mais bon nombre de seniors désireux de se faire vacciner peinent à avoir une date dans un des 833 centres ouverts et accessibles à la réservation. Sur le site Doctolib, on retrouve le même message, qu’on essaye de réserver un créneau à Paris, Rennes ou Marseille : « Tous les rendez-vous de vaccination ont déjà été réservés. De nouvelles disponibilités seront accessibles dans les prochains jours. »

En Bretagne, Hélène se dit « découragée » : « Plus d’une quarantaine d’appels et toujours rien ! » Depuis deux jours, elle tente d’obtenir un rendez-vous. Sans succès. Faute d’accès à Internet, l’octogénaire se débrouille tant bien que mal avec son téléphone portable, seule dans son appartement. Mais, pour l’instant, impossible de joindre le centre de vaccination de sa ville. Hélène s’inquiète : « J’ai peur de ne pas pouvoir être vaccinée alors que j’y tiens. Ça fait des mois que je ne mets presque plus les pieds dehors et que j’ai peur quand je fais les courses. »

A Montpellier, la responsable du centre de vaccination explique : « En termes de doses, nous avons une visibilité d’une semaine sur l’autre. On ne donne donc pas de rendez-vous qu’on ne pourrait pas honorer. C’est le démarrage, il faut attendre un peu que la logistique se mette en place. » A l’institut Bouisson-Bertrand, situé face à la faculté de médecine de la ville, les patients sont accueillis, uniquement sur rendez-vous, depuis 8 h 30. La salle d’attente est pleine, tout comme la salle de repos qui permet à l’équipe médicale de garder un œil pendant un quart d’heure sur les personnes qui viennent de recevoir leur injection et pourraient être victimes d’une réaction.

Un retournement de l’opinion, mais « rien n’est gagné »
A Paris lundi après-midi, on trouve bien un peu de monde dans le hall de mairie du XIIIe arrondissement… Mais pour un mariage, pas pour recevoir la sacro-sainte solution anti-Covid-19. Pourtant le bâtiment municipal a bien été transformé en centre de vaccination, l’un des 19 ouverts dans la capitale. Là aussi, la campagne a un peu de retard à l’allumage et, faute de doses livrées en quantité suffisante - 4 000 lundi, avant une deuxième fournée de 6 000 mercredi, selon l’adjointe en charge de la Santé, Anne Souyris -, elle ne pouvait démarrer qu’en milieu d’après-midi. Seules une vingtaine de personnes recevront leur injection, ce qui force la ville à contrer l’impatience à grand renfort de communication. « Pour l’instant, les doses ne sont pas encore là, souligne l’édile socialiste du XIIIe, Jérôme Coumet, avant d’entamer une visite à la presse. Mais l’on est prêt et l’on prévoit de vacciner 465 personnes dans la semaine. »

« Démarrage compliqué »
Au deuxième étage de la mairie, un espace d’attente aux box vides a été préparé en trois jours. Arrivée quarante minutes avant son rendez-vous, décroché par « miracle » vendredi, Marie-Paule, elle, est désolée par ces débuts poussifs. « Ça ne va pas assez vite, mais c’est une question d’approvisionnement. C’est lié à la pénurie de vaccins, observe l’octogénaire, retraitée du ministère de la Santé et donc bien informée. Elle en veut (un peu) au gouvernement. Beaucoup moins à la mairie. Leur autosatisfaction est énervante : ils naviguent à vue et ça ne suit pas, tandis que les mairies, comme ici, ont installé les infrastructures, et font ce qu’elles peuvent. »

Dans le hall, deux coordinatrices de la Direction de l’action, de l’enfance et de la santé (Dases) sont d’ailleurs venues prêter main-forte pour gentiment éconduire les seniors venus se présenter à la vaccination sans rendez-vous, à l’image de cette nonagénaire de l’arrondissement qui ne parvient pas à joindre le 3975, le numéro de la ville. « Les personnes âgées attendent ça depuis longtemps et le démarrage est compliqué, alors on est là pour les apaiser, souffle Evelyn, l’une d’entre elles. Ça va se détendre. » Ce que veut croire aussi le médecin généraliste Néji Azouz : « On va monter en puissance, c’est la première fois qu’on a ce type de vaccination : c’est juste une histoire de quelques jours.