Politique santé sécu social de l’exécutif

Télérama - Crise sanitaire : il est un peu tard pour se soucier du sort des petits commerces

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Pour rétablir une équité vis-à-vis des librairies, le gouvernement a fini par annoncer vendredi la fermeture des rayons livres et culture des grandes surfaces.

Sébastien Rieussec / Hans Lucas
Télérama, 2 novembre 2020

L’HUMEUR DU JOUR – La situation catastrophique dans laquelle le reconfinement place les petits commerces et leurs employés, au-delà des librairies, est surtout la conséquence de choix politiques et économiques depuis longtemps favorables à la grande distribution.

En réponse aux nombreuses réactions qui ont suivi l’obligation pour les librairies de baisser le rideau durant ce nouveau confinement (sans parler des boutiques de disques, jouets, activités artistiques et manuelles…), le gouvernement a finalement décidé… de fermer les rayons culturels de la grande distribution. Plus de livres chez Leclerc ou de DVD à la Fnac.

Puis, face aux nombreuses réclamations d’autres commerçants soutenus par un certain nombre de maires, il a été demandé de fermer également tous les rayons dits « non-essentiels » de ces mêmes grandes surfaces. Aux produits culturels interdits s’ajoutent donc le textile, le maquillage, l’électroménager ou les fleurs…

Outre le débat sans fin sur ce que l’on peut considérer comme « essentiel » ou non, et qui dépend très largement de notre situation sociale et géographique, se pose la question du sens. Le raisonnement dans lequel s’enlise le gouvernement est intenable car il mène inévitablement à l’absurde ou à l’arbitraire : les pharmacies devront-elles cesser de vendre des crèmes hydradantes, par exemple ? Ces décisions n’ont pas non plus de logique économique : elles contraignent l’activité des ménages sans pour autant répondre aux besoins des commerces en difficulté.

20 milliards d’euros de crédits supplémentaires aux entreprises ont bien été annoncés par le Premier ministre, Jean Castex, mais que pèseront-ils pour ces milliers d’emplois qui sont parmi les premiers frappés par une crise économique qui sera durable et profonde ? Quel que soit le piètre pansement que pourrait choisir le gouvernement afin de palier le déséquilibre entre grande distribution et commerces indépendants, il désavantagera forcément les moins favorisés : fermer certains rayons des grandes surfaces handicapera les non-urbains qui n’ont depuis longtemps plus d’alternative à celles-ci. Inciter les consommateurs à ne pas acheter sur Amazon, immense gagnant de la crise actuelle, desservira ces mêmes non-urbains et les plus pauvres. Tandis que la réouverture des petits commerces exposera leurs employés à l’épidémie dans un moment où nous n’avons plus d’autre choix que de réduire les contacts physiques…

Comme ce fut le cas pour notre système de santé et pour notre système éducatif, l’incurie des pouvoirs publics dans la gestion de la crise sanitaire, à nouveau pointée dans un rapport commandé par le gouvernement lui-même, se heurte ici aux effets destructeurs du modèle néolibéral sur le tissu culturel et commercial de nos territoires. Acculés, gouvernements et élus locaux assurent s’émouvoir de la concurrence déloyale que constituent hypermarchés et géants de l’e-commerce. Ce sont pourtant bien eux qui, depuis quarante ans, ont favorisé leur implantation territoriale dans notre pays.

Romain Jeanticou