Politique santé sécu social de l’exécutif

Quand Jean Castex faisait la pédagogie de la T2A...(article du Monde de 2006)

Juillet 2020, par infosecusanté

Ci dessous un article du Monde de 2006 , ou Jean Castex, le nouveau premier ministre, voulait faire preuve de "pégagogie" pour faire accepter la T2A, combattue et rejetée par les hospitaliers.
Avec lui , pas de doute que le "jour d’après" pour sa santé soit celui d’avant en pire ...

infosecusante

La rentabilité imposée à l’hôpital

Les établissements de santé sont contraints d’appliquer de nouveaux critères de financement. Avec l’objectif de faire converger les tarifs du public et du privé.

Par Paul Benkimoun et Michel Delberghe

Publié le 22 février 2006

La restructuration du système hospitalier s’accélère. Depuis le 1er janvier, la réforme du financement des établissements publics est entrée dans une phase active. Dès cette année, 35 % des hôpitaux - 50 % en 2008 et 100 % en 2 012 - seront soumis aux nouvelles règles de la tarification à l’activité ("T2A"), fondées sur les recettes des actes pratiqués. Une échéance "qu’il n’y a pas lieu de retarder", considère le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie dans un avis qui devrait être examiné, jeudi 23 février.
Cette logique devrait se substituer à la dotation par enveloppe globale couvrant l’ensemble des dépenses des établissements. A terme, l’objectif est de parvenir à la "convergence" des tarifs entre les secteurs public et privé, dont la concurrence risque de s’exacerber. Ces changements en cours commencent à susciter l’inquiétude, alors que les dépenses de l’hôpital continuent de croître à un rythme très élevé, de l’ordre de 5 % par an.
Pour tenter de contenir cette dérive, les gouvernements successifs, depuis 2002, ont maintenu les objectifs du plan Hôpital 2007, que Xavier Bertrand, ministre de la santé, veut prolonger jusqu’en 2 012. Un plan qui, parallèlement à la réforme du financement, devrait poursuivre la réorganisation, sur l’ensemble du territoire, de la carte des activités hospitalières et de l’implantation des services, des spécialités et des matériels.
Pour les pouvoirs publics comme pour les dirigeants de l’assurance-maladie, cette restructuration doit intégrer les alternatives à l’hôpital, comme les soins à domicile ainsi que les nouvelles pratiques censées contribuer à la réduction des dépenses.
A priori, le principe de la réforme est simple. Il s’agit d’unifier la tarification des interventions et des prestations dans les deux secteurs hospitaliers, public et privé, selon une codification simple et "transparente". Selon la nature des actes, des écarts considérables étaient jusque-là enregistrés, dont une part, non négligeable, provient des charges de personnels, supérieure d’environ 10 % dans le public.
Parce qu’elle est technique et financière, la mise en oeuvre de cette réforme est, en revanche, plus complexe. Elle suppose, d’abord, que soient définis les bases et les critères de tarification des actes. Cette harmonisation nécessite aussi que soient revues et prises en compte les missions respectives des établissements, en fonction des services proposés, des publics accueillis et des charges inhérentes à certains établissements, qu’il s’agisse des secteurs de pointe ou du traitement des pathologies onéreuses, de la recherche et de la formation.

Inspirée de modèles européens, la tarification à l’activité n’est pas en soi contestée, même si, reconnaît Jean Castex, directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé, "ce système nécessite un gros travail de pédagogie. Il a le mérite, ajoute-t-il, d’obliger tous les établissements à se regarder avec lucidité. Tous les pays qui ont mis en oeuvre ce type de tarification ont dû attendre quatre ou cinq ans avant que le modèle se stabilise".

En revanche, sur le flou qui subsiste sur la convergence tarifaire entre les secteurs public et privé, les craintes et les oppositions se multiplient. Dans un rapport publié en janvier, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) admettait que "le texte législatif n’(en) précise pas les modalités". Il doit a priori s’entendre comme la volonté de tarifer de manière homogène des prestations semblables. D’où la "nécessité de vérifier (qu’elles) recouvrent des réalités similaires". Les études comparatives révèlent, certes, que les cliniques privées obtiennent de meilleurs résultats sur des interventions plutôt courantes, programmées à l’avance, et qui ne nécessitent que des séjours de courte durée. "L’hôpital assume des charges qu’il ne détermine pas et doit respecter des obligations qui n’incombent pas au privé", se défend Claude Evin, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui représente le secteur public.
Et l’ancien ministre de la santé de citer le statut des personnels, la permanence des soins et des blocs opératoires, l’intégration des honoraires des médecins et de toutes les prestations de biologie, ainsi que les examens techniques de radiographie... C’est au secteur public qu’incombent ces "missions d’intérêt général", tels l’organisation des urgences ou l’accueil des populations précaires, les consultations spécifiques (drogue, douleur, génétique, planning familial...), dont la charge est loin d’avoir été évaluée.
A prestation égale, l’alignement des tarifs nécessite, enfin, que soit déterminé le seuil de référence de chacune des prestations. Une norme que l’IGAS estime devoir être celle de la meilleure rentabilité ou du moindre coût. Bien que calquée sur le modèle de gestion de certaines cliniques, cette référence ne satisfait pas Ken Danis, le président de la Fédération hospitalière privée. Malgré les restructurations déjà intervenues dans ce secteur, l’application d’une telle règle aurait, estime-t-il, des conséquences dramatiques sur "25 % des établissements qui sont dans le rouge". Parmi ceux-là, un certain nombre de maternités privées menacées de fermeture.
Dans le public, les craintes sont réelles de voir des établissements privilégier des activités rentables, au détriment d’autres, tout aussi utiles. Mais c’est surtout l’emploi qui pourrait être menacé. "La fonction publique hospitalière connaîtra, d’ici à 2015, plus de 383 000 départs en retraite, soit 55 % de ses effectifs", note le conseil de l’hospitalisation dans son rapport de juillet 2005. Pour les uns, c’est là une chance d’accélérer la réforme. Pour d’autres, cette "gestion comptable" risque de nuire à la qualité du service public.
Paul Benkimoun et Michel Delberghe