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Le Monde.fr : Frédéric Valletoux, un ministre de la santé qui prend ses marques face à un secteur en crise

il y a 3 semaines, par infosecusanté

Le Monde.fr : Frédéric Valletoux, un ministre de la santé qui prend ses marques face à un secteur en crise

Le nouveau ministre délégué ne promet pas de grandes réformes mais espère avancer sur la voie réglementaire pour répondre à la crise que traversent les hôpitaux comme la médecine libérale. Il annonce deux rendez-vous, au mois de mai, sur la santé mentale et la pédiatrie.

Par Mattea Battaglia et Camille Stromboni

Publié le 16/03/2024

Un mois après avoir posé ses cartons avenue de Ségur, le nouveau ministre délégué à la santé, Frédéric Valletoux, ne s’est pas départi du ton qui le caractérisait à la tête de la Fédération hospitalière de France durant une décennie, tout comme il y a quelques mois encore, sur les bancs de l’Assemblée comme député de la majorité (Horizons, Seine-et-Marne). Un franc-parler, teinté d’une forme de décontraction, qu’il conserve même lorsqu’il s’agit d’évoquer les sujets les plus sensibles. Et qu’il assume : interrogé sur Franceinfo, le 8 mars, sur les perspectives d’économies sur les malades chroniques, ces 13 millions de Français souffrant d’une affection longue durée, il a défendu une « discussion » à « ouvrir de manière décontractée ».

L’expression a pu heurter, dans les rangs des patients comme des soignants. « Il n’est pas choquant qu’on réinterroge un dispositif figé depuis plus de quarante ans », maintient-il auprès du Monde, en précisant en même temps « qu’il n’est pas question, évidemment, de moins bien accompagner ces patients confrontés à des pathologies chroniques ».

Plusieurs fois pressenti pour le poste, Frédéric Valletoux – placé avec trois autres ministres délégués sous la tutelle de Catherine Vautrin, qui chapeaute santé, travail et solidarités – affiche d’entrée de jeu sa méthode, face à un secteur en crise, à l’hôpital comme en médecine de ville. Il ne promet pas de grandes réformes, pas plus qu’il ne s’engage sur un « plan Marshall » que lui réclament certains syndicats de soignants, ou sur un « grand soir législatif ». « On n’a plus le temps, on a besoin de transformations qui peuvent passer par d’autres voies, on a les outils », estime-t-il, en annonçant deux rendez-vous importants pour le mois de mai : un Conseil national de la refondation sur la santé mentale et l’organisation d’Assises de la pédiatrie, avec le lancement d’un « grand plan sur la santé de l’enfant » à cette même échéance. Des sujets sur lesquels le gouvernement s’est déjà engagé, à maintes reprises.

« Déclaration de guerre »
Son credo : avancer par la voie réglementaire. « Beaucoup de dispositifs restent encalminés dans les tiroirs du ministère, il faut arriver à accélérer en sortant les décrets d’application », martèle-t-il. Et de citer la réécriture en cours du texte généralisant la pratique de l’interruption volontaire de grossesse instrumentale par les sages-femmes, ou encore les décrets issus des lois Rist, sur la « délégation des tâches » entre médecins et paramédicaux. Un levier sur lequel le gouvernement s’appuie pour lutter contre les déserts médicaux.

Soutenue par le gouvernement, et promulguée en décembre 2023, la loi sur l’amélioration de l’accès aux soins, qu’il a portée lorsqu’il était député, nécessite, à elle seule, une trentaine de décrets. Sur les « conseils territoriaux de santé », sur les « infirmiers référents »… Sans surprise, aujourd’hui ministre, M. Valletoux en fait sa réponse aux difficultés d’accès aux soins au niveau territorial.

L’ancien journaliste a aussi ses formules. « Je suis le ministre des patients », répète-t-il dans les médias, tout en se défendant de tout « mépris » à l’encontre des professionnels de la santé. Le passif est fort avec la médecine libérale qu’il a régulièrement épinglée, lorsqu’il était le porte-voix du lobby de l’hôpital public, en défendant notamment le rétablissement de l’obligation de garde pour les médecins de ville, supprimée il y a vingt ans. La méfiance demeure, après que sa nomination a été dénoncée comme une « déclaration de guerre » par certains syndicats du secteur. Surmonter cette tension initiale ne sera pas chose aisée, alors que les négociations cruciales des professionnels avec l’Assurance-maladie, pour renouveler la convention médicale qui les lie, entrent dans leur dernière ligne.

« Tout n’est pas noir »
Pour mémoire, un premier round conventionnel avait échoué, il y a un an, butant sur la question des « contreparties » réclamées aux médecins en échange de revalorisations. Frédéric Valletoux ne reprend pas le terme à son compte et préfère, lui, parler d’« engagements réciproques ». Alors qu’une revalorisation de la consultation de base chez le généraliste à 30 euros (contre 26,50 euros actuellement) est mise sur la table, il attend des praticiens qu’ils « répondent collectivement » aux besoins de soins des Français. L’accord reste à trouver.

Concernant l’hôpital, dont plusieurs drames aux urgences ont rappelé, ces derniers mois, la crise qui traverse de nombreux établissements, « tout n’est pas noir », veut souligner Frédéric Valletoux, tout en reconnaissant une « situation très compliquée », des « difficultés » et des « tensions ». Un « en même temps » qui n’est pas sans rappeler celui de ses prédécesseurs, lors de leur installation dans ce ministère. « Il faut arrêter le misérabilisme, l’hôpital continue de remplir ses missions, il soigne, il guérit, il innove », dit-il, enjambant la question de la situation financière très dégradée des établissements de santé. « Il y aura un déficit hospitalier cette année, concède-t-il. Nous allons essayer d’arriver à le surmonter, il faut que l’activité reparte. »

Le dossier central de la fin de vie – et plus particulièrement la question de l’« aide à mourir » –, qui sera au cœur de l’actualité au printemps avec l’arrivée à l’Assemblée d’un projet de loi, est, lui, pris en main par Catherine Vautrin, et il n’y voit pas d’inconvénient. « La coordination se fait très bien », dit-il.

Mattea Battaglia et Camille Stromboni