La Sécurité sociale

Reporterre - À gauche comme à droite, la « Sécurité sociale écologique fait consensus »

Avril 2022, par Info santé sécu social

Comment notre système de santé supportera-t-il les risques liés au chaos climatique ? Grâce à une Sécurité sociale écologique, estime une commission sénatoriale. Dans cet entretien, la rapporteuse Mélanie Vogel en détaille les contours.

Pollution de l’air, catastrophes dites naturelles, exposition à des produits toxiques... Notre système de santé sera-t-il dépassé face à la multiplication des risques liés au chaos climatique ? Créée à l’initiative du groupe écologiste, la mission d’information sénatoriale sur le thème « Protéger et accompagner les individus en construisant la Sécurité sociale écologique du XXIe siècle » a adopté son rapport d’information le mercredi 30 mars. Entretien avec la rapporteuse Mélanie Vogel, sénatrice Europe Écologie-Les Verts (EELV) et porte-parole du candidat à la présidentielle Yannick Jadot.

Reporterre – Pourquoi avoir lancé une mission d’information sur la « Sécurité sociale écologique » ?

Mélanie Vogel – En 1945, lorsque la Sécurité sociale a été créée, on avait compris cette idée formidable qu’il fallait une couverture universelle et solidaire des risques. Mais à cette époque on n’avait pas saisi que notre économie ne pouvait pas durer dans une planète finie. Cela a entraîné une crise climatique et environnementale majeure. Cela fait peser sur les personnes de nouveaux risques qui, à l’origine, n’étaient pas du tout pris en compte et qui ne seront pas assurables si on ne change pas de paradigme.

Quels sont ces risques ?

Il y a notamment l’explosion des maladies chroniques et des allergies, les risques liés à la pollution de l’air et au bruit ainsi que les catastrophes naturelles. On a souhaité repenser notre modèle social avec un double objectif : couvrir les nouveaux risques et participer à ne pas les aggraver, voire à les diminuer. Cela passe d’abord par la prévention. En France, 97 % des dépenses de santé sont dédiées à ce qu’on appelle le « curatif », c’est-à-dire guérir. Le reste, 3 %, est destiné à la prévention. [1] On ne va pas s’en sortir comme ça.

« Notre objectif : couvrir les nouveaux risques et participer à ne pas les aggraver, voire à les diminuer. » © Marius Matty / Reporterre

Quelles sont les autres conclusions de ce rapport ?

Il faut concevoir des politiques publiques plus ambitieuses et plus transversales en matière d’environnement. Les personnes auditionnées nous ont raconté que les services de l’État n’ont pas intégré que tous les sujets sont liés. Par exemple, les décisions prises par le ministère des Transports ont un impact direct sur le montant déboursé par la Sécurité sociale [du fait, par exemple, de la prise en charge par l’Assurance maladie des maladies respiratoires liées à la pollution aérienne]. J’ajoute que ce sont les plus défavorisés qui supportent la plus forte charge de morbidité liée à l’environnement.

Dans la deuxième partie de votre rapport, vous évoquez une « non-assistance à Sécurité sociale en danger financier ».

Nous nous sommes demandé comment couvrir les risques environnementaux. Au sein de la mission d’information, nous avons entre autres débattu de la création d’une sixième branche de la Sécurité sociale, la branche « écologie » [2]. Elle aurait vocation à prendre en charge toutes les dépenses, notamment préventives, liées aux risques environnementaux. J’ai soutenu cette proposition, mais elle n’a pas été retenue. Cependant, nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur le fait qu’il fallait travailler à une couverture sociale des risques environnementaux. Elle serait financée par une fiscalité environnementale juste. Ce n’est pas rien quand on sait que Guillaume Chevrollier, le président, fait partie du groupe Les Républicains. Il y a quand même eu un consensus politique sur l’idée d’une sécurité sociale écologique.

Une partie importante de votre travail est consacrée au « droit à une alimentation saine » pour une « application immédiate d’une sécurité sociale écologique ».

Tout à fait. On a souhaité ouvrir le débat sur la mise en place d’une allocation alimentaire universelle. Il faut certes discuter de son montant et du mode de conventionnement des produits. Mais, dans l’idée, cela permettrait d’avoir accès à une quantité donnée d’aliments issus de l’agriculture biologique et locale. Parce que l’on sait que cela est bon pour la santé.