La Sécurité sociale

Le Monde.fr : « Grande Sécu » : qui y gagnerait ?

Janvier 2022, par infosecusanté

Le Monde.fr : « Grande Sécu » : qui y gagnerait ?

Selon les travaux du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, l’extension de l’assurance-maladie, au détriment des complémentaires, favoriserait notamment les personnes âgées.

Par Bertrand Bissuel

Publié le 10/01/2022

Qui serait gagnant si la Sécurité sociale remboursait davantage de soins ? C’est l’une des questions explorée par le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie (HCAAM) dans un rapport qui doit être rendu public d’ici à quelques jours et que Le Monde a pu consulter dans sa version quasi définitive. Les réponses apportées par cette instance consultative sont prudentes et assorties de plusieurs bémols : elles suggèrent que l’impact pourrait être bénéfique, en particulier pour les retraités. Cependant, ce scénario d’une « grande Sécu », qui a resurgi depuis plusieurs mois dans le débat public, a peu de chances d’être repris en l’état, du fait de l’hostilité qu’il inspire à de nombreux acteurs du secteur.

Voilà maintenant plus d’un an que le HCAAM mène des travaux sur « l’articulation » entre l’assurance-maladie obligatoire et les organismes complémentaires (mutuelles, assurances, institutions de prévoyance). Sa réflexion a débouché sur une première série de pistes, qu’Olivier Véran lui a demandé d’approfondir, en juillet 2021. Le ministre de la santé a réclamé un supplément d’expertise, notamment sur le schéma d’une extension du périmètre de l’assurance-maladie, ce qui a été interprété comme un souhait de sa part de privilégier cette hypothèse – ce dont l’intéressé s’est défendu, en public.

A l’heure actuelle, la Sécurité sociale couvre près de 80 % des dépenses de santé. De leur côté, les mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance interviennent en complément, très souvent sur les mêmes prestations, en endossant par exemple les dépassements d’honoraires et les tickets modérateurs – cette fraction de frais qui incombe aux patients.

Cette organisation en deux étages est « trop complexe » et « inégalitaire », aux yeux du HCAAM. En outre, elle « ne garantit pas l’accessibilité financière pour tous à des soins essentiels », en dépit de son coût qui s’avère élevé. L’un des gros défauts du système tient à la lourdeur des « frais de gestion », la France se situant « au deuxième rang » des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, derrière les Etats-Unis.

Les réformes successives ont, certes, permis d’offrir une complémentaire à la quasi-totalité de la population (96 %) mais cette situation s’accompagne de fortes disparités. Les contrats collectifs, qui couvrent les salariés du privé, accordent des protections souvent meilleures et moins onéreuses que les assurances individuelles, très fréquemment contractées par des personnes âgées. Quant aux demandeurs d’emploi, ils sont moins bien traités que les autres, 13 % d’entre eux n’ayant pas de complémentaire santé.

Le HCAAM a donc examiné ce qui se passerait si la Sécurité sociale augmentait ses « taux de remboursement », celle-ci prenant à sa charge les tickets modérateurs et de nombreuses autres dépenses (forfaits journaliers hospitaliers par exemple). Elle se verrait ainsi transférer une facture de quelque 18,8 milliards d’euros. A cette somme s’ajouterait la perte de quelque 3,5 milliards d’euros, liée à la contraction des activités des complémentaires, qui les conduirait à payer moins de taxes et de prélèvements.

Pour faire face à ce besoin de financement, les assurés pourraient être mis à contribution, à travers un relèvement de la CSG, mais cet effort serait compensé par une baisse globale du volume des primes qu’ils acquittent pour avoir une assurance privée.

En outre, la mise en place de la « grande Sécu » se traduirait par une réduction substantielle des frais de gestion (− 5,4 milliards d’euros). L’économie ainsi réalisée pourrait être redistribuée au profit des personnes. Si elle l’était « de façon mécanique » entre toutes les franges de la population, le gain s’élèverait à 170 euros par an en moyenne pour les retraités et à 50 euros pour les autres catégories d’inactifs. Pour les personnes âgées d’au moins 80 ans, l’impact serait encore plus net : + 360 euros. Si l’on raisonne par niveaux de ressources, « les huit premiers dixièmes de niveau de vie seraient en moyenne bénéficiaires », tandis que « les 20 % les plus aisés [y] perdraient légèrement »