Industrie pharmaceutique

L’Anticapitaliste hebdo : Dépakine : Qui doit payer ?

Novembre 2016, par infosecusanté

Dépakine : Qui doit payer ?

Le 15 novembre, les députés ont voté à l’unanimité la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de la Dépakine. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales parle d’au moins 450 cas de malformations congénitales et dénonce « un manque de réactivité des autorités sanitaires et du principal titulaire de l’autorisation de mise sur le marché », le groupe Sanofi-Aventis.

Depuis 1980, on sait que ce médicament essentiel contre l’épilepsie et les troubles bipolaires favorise les malformations congénitales chez les femmes enceintes. Depuis 2000, on sait aussi qu’il est responsable de retard de développement et de trouble du comportement chez les bébés... Mais rien n’est fait par Sanofi ou les responsables gouvernementaux afin d’informer des risques médecins et patientes. Plus de 14 000 femmes enceintes seront exposées au médicament ! Et encore une fois, c’est une association, l’Apesac, association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant, qui a lancé l’alerte.

Ce fonds d’indemnisation est doté de 10 millions d’euros la première année, un chiffre qui risque bien d’exploser. Les victimes saisiront l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’Oniam, et un comité d’experts sera chargé de statuer sur l’imputabilité des troubles à la Dépakine, transmettant le dossier au comité d’évaluation. Les responsables reconnus (Sanofi, État, établissements de santé…) auront alors un mois pour faire une offre de compensation. En cas de proposition insuffisante ou inexistante, l’Oniam indemnisera directement les victimes, puis se retournera contre les responsables.

À la fois juge et responsable ?

L’Apesac se félicite de la création de ce fonds d’indemnisation, mais ajoute que « l’indemnisation doit être versée en premier lieu par le laboratoire, qui reste le principal responsable ». Elle « s’inquiète aussi des conditions dans lesquelles les dossiers seront examinés », puisque le protocole national de diagnostic et de soin, qui servira de base de travail aux experts, n’est pas encore finalisé.

Une prudence justifiée aussi par les difficultés d’indemnisation des victimes du Mediator... En effet, les avocats de Servier, responsable du Mediator, contestaient systématiquement tous les dossiers. En 2013, les experts du fonds d’indemnisation des victimes du Mediator, géré par l’Oniam, rejetaient 86 % des dossiers ! Marisol Touraine avait même dû publier un décret obligeant Servier à préciser si ses offres d’indemnisations s’écartaient trop des propositions du fonds d’indemnisation.

De plus, peut-on être expert pour dire si autorités et laboratoires ont tardé à réagir sur la Dépakine, comme le Professeur Nathalie Brion, expert judiciaire dans de nombreux procès Dépakine… en étant soi-même au moment des faits membre de cette Agence du médicament accusée d’avoir fermé les yeux ? Et fin octobre 2016, Sanofi n’avait toujours pas provisionné de risque pour payer les indemnités des victimes !

Laboratoires qui cachent les données, complicité des autorités de santé, pharmacovigilance défaillante, experts liés à l’industrie pharmaceutique… Du Mediator à la Dépakine, au-delà du droit à l’indemnisation, à quand le procès des responsables ? Un procès dont la seule peine vraiment efficace contre les scandales mortels du capitalisme pharmaceutique serait la création d’un service public du médicament, contrôlé par la population.

Frank Cantaloup