Industrie pharmaceutique

Le Monde.fr : Sanofi se lance dans la quête d’un vaccin contre le virus Zika

Mars 2016, par infosecusanté

Sanofi se lance dans la quête d’un vaccin contre le virus Zika

07.03.2016

Par Chloé Hecketsweiler

Sanofi compte bien être le premier laboratoire à lancer un vaccin contre le virus Zika. Fort de son expérience dans les maladies tropicales, le groupe tricolore a constitué une véritable « task force » pour développer un cocktail d’antigènes efficace contre cette infection. Une équipe de 80 scientifiques travaille sur son développement. Les essais précliniques sur l’animal pourraient démarrer dès le printemps et les essais cliniques chez l’homme dans un an. Mardi 8 mars, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) doit réunir un nouveau « comité d’urgence » à Genève pour évaluer les recommandations prises contre Zika.

Transmis par les moustiques Aedes, ce virus s’est répandu comme une traînée de poudre en Amérique latine et dans les Caraïbes. L’infection qu’il provoque est, la plupart du temps, bénigne, mais elle peut entraîner, chez un petit nombre de personnes, des atteintes neurologiques, comme le syndrome de Guillain-Barré – une maladie du système nerveux se manifestant, notamment, par des paralysies.

Elle est aussi liée à une importante augmentation du nombre de cas de microcéphalie (périmètre crânien inférieur aux normes avec des atteintes cérébrales) chez les nouveau-nés après ­infection de la mère au cours de la grossesse.

Plusieurs labos sur les rangs

« Nous avons à la fois l’expertise et les capacités de production, ce qui nous permet d’avancer très rapidement », explique Nicholas Jackson, directeur de la recherche de Sanofi Pasteur, la division vaccins du groupe. Le laboratoire a reçu, fin 2015, le feu vert de plusieurs pays, dont le Brésil, pour commercialiser Dengvaxia, le premier vaccin au monde contre la dengue, qui est transmise, comme Zika, par le moustique Aedes. « Ces deux virus partagent environ 60 % de leur patrimoine génétique et ils provoquent les mêmes symptômes », précise le scientifique. Ils ressemblent à ceux de la grippe – fièvre modérée, maux de tête, douleurs musculaires et articulaires – et disparaissent généralement dans un délai de deux à sept jours, selon l’OMS.

« Il nous a fallu vingt ans pour développer Dengvaxia. Cela nous a permis d’acquérir des connaissances précieuses sur cette famille de virus – les flavivirus – et nous pensons possible d’adapter à Zika le vaccin contre la dengue », ajoute M. Jackson. L’architecture de ce vaccin avait aussi été utilisée avec succès pour en produire un contre l’encéphalite japonaise. Plus de 1,7 million de doses ont déjà été injectées depuis son lancement, il y a trois ans. Pour mieux cerner Zika, le groupe compte sur son expérience dans la fièvre jaune, un autre virus proche, pour lequel le groupe a aussi lancé un vaccin. Plus de 415 millions de doses ont été injectées depuis son autorisation, en 1986.

Zika est dans la ligne de mire de Sanofi-Pasteur depuis plusieurs mois déjà. « Dans le cadre du développement de Dengvaxia, nous avons été amenés à le surveiller », souligne Nicholas Jackson. « Nous étudions ainsi en permanence différents virus, afin de repérer d’éventuelles opportunités. » Le groupe tricolore n’est pas seul sur les rangs : le groupe indien Bharat Biotech a déclaré en février qu’il commencerait de façon imminente ses essais précliniques sur des animaux. Aux Etats-Unis, un des National Institutes for Health travaille de son côté sur un vaccin à ADN, et annonce des premiers tests chez l’homme dès cette année.

Faire oublier une série de mauvaises nouvelles

Le 8 février, le président américain, Barack Obama, a promis de débloquer 1,8 milliard de dollars (1,64 milliard d’euros) pour la prévention et la recherche sur Zika, tandis que l’Agence européenne des médicaments va créer un comité d’experts pour accélérer l’étude du virus. « Nous comptons beaucoup sur la collaboration de l’Europe et des Etats-Unis », car des essais cliniques sur Zika « peuvent être très coûteux » en impliquant, nécessairement, plusieurs milliers de patients, expliquait Elias Zerhouni, le président de la recherche-développement du groupe Sanofi, lors de la présentation des résultats annuels de l’entreprise le 9 février. Dans l’immédiat, Sanofi-Pasteur va mettre « plusieurs millions d’euros » sur la table pour la phase de recherche préclinique sur Zika, avait-il précisé.

Le laboratoire français, qui tente de faire oublier une série de mauvaises nouvelles – la sous-performance de sa division diabète notamment –, compte en partie sur les vaccins pour redorer son blason. Les ventes de Sanofi-Pasteur sont au beau fixe – à 4,7 milliards d’euros en 2015, soit 7 % de plus qu’en 2014 – et les perspectives sont attrayantes. La montée en puissance des pays émergents y est pour beaucoup : les ventes de vaccins y ont bondi de près de 12 % en 2015 et représentent ­désormais près du tiers du chiffre d’affaires de Sanofi-Pasteur. En 2016, le groupe compte sur Dengvaxia pour transformer l’essai. Le vaccin est déjà autorisé au Mexique, au Brésil, au Salvador et aux Philippines.

Chloé Hecketsweiler
Journaliste au Monde