Industrie pharmaceutique

Le Lanceur - Cancer : faut-il imposer un 49-3 à l’industrie pharmaceutique ?

Avril 2017, par Info santé sécu social

Par Mathilde Régis

Face à l’augmentation continue du prix des médicaments innovants contre le cancer, le cancérologue Thierry Philip, président du conseil d’administration de l’institut Curie, s’inquiète du fait que la France “ne pourra plus continuer à donner à chaque malade le traitement dont il a besoin”. Soutien de Benoît Hamon pour la présidentielle et maire du 3e arrondissement de Lyon, il appelle l’industrie pharmaceutique à faire preuve d’une plus grande transparence pour éviter que l’État n’impose des licences “d’office” qui permettent d’outrepasser les brevets et de réduire les coûts. Entretien.

Le Lanceur : La santé est-elle devenue un marché comme un autre, sur lequel le cancer représenterait un business pour les laboratoires pharmaceutiques ?

Thierry Philip : D’une certaine façon, la santé et le cancer sont un business. Mais, selon moi, ce n’est pas un marché comme un autre parce que peu ou prou, en France, c’est la Sécurité sociale qui paye. Ce n’est pas un marché dans les règles habituelles du marché, puisque c’est un marché avec de l’argent public. Et, vu les prix proposés pour les médicaments innovants contre le cancer, la France ne pourra plus continuer, comme c’est le cas depuis 1945 avec la création de la Sécurité sociale par le Conseil national de la résistance, à donner à chaque malade le traitement dont il a besoin ! Nous n’y arriverons pas et il faut absolument trouver une solution. Ce n’est pas une guerre contre l’industrie pharmaceutique, car le corps médical a besoin de cette industrie. Mais ce que je dis dans mon article [à lire ci-dessous, NdlR], c’est qu’il est impossible de poursuivre ce système sans que tout le monde se casse la figure : les industriels, qui n’arriveront pas à vendre leurs médicaments ; nous, parce que nous ne pourrons pas les acheter ; et les malades, qui se retrouvent au milieu. Ma carrière est plutôt derrière moi et il ne m’est jamais arrivé de ne pas donner un médicament à un malade pour des questions d’argent. J’ai passé ma vie de médecin cancérologue à soigner dans l’innovation et ça ne m’est jamais arrivé : j’espère de tout cœur que ça n’arrivera pas à mes élèves.


Le chantage à l’emploi est une réalité”

Pourquoi n’a-t-on pas les moyens de limiter la hausse des prix des médicaments innovants contre le cancer ?

En France, un comité est chargé de discuter les prix avec les industriels après une évaluation par la Haute Autorité de santé du service rendu, donc les moyens pour limiter la hausse des prix des médicaments innovants existent. Mais, si j’ai donné dans mon article des hypothèses pour redonner la main au public, c’est parce qu’il y a aussi la réalité de la négociation. Dans l’état actuel, elle se fait de façon inégale, avec plusieurs points qui sont confus. D’abord, à propos de la recherche : quand cette dernière est faite par un organisme public sur un médicament ensuite produit par l’industrie, ce qui est de plus en plus le cas, le ministère de la Santé paye deux fois, puisque le prix donné par l’industrie pharmaceutique inclut les dépenses pour les recherches menées sans succès, c’est en tout cas ce qu’explique le LEEM, l’organisme qui regroupe les entreprises de l’industrie pharmaceutique. D’autre part, le chantage à l’emploi est une réalité dans ce bras de fer. Quand il s’agit de discuter le prix d’un médicament et que les industriels considèrent qu’il est trop bas, ils peuvent brandir la menace de supprimer des emplois dans le pays. Un autre point me semble assez basique et pourtant, de toute ma carrière, je n’ai jamais réussi à voir un progrès. Je prends l’exemple de médicaments pour traiter le mélanome, qui, heureusement si j’ose dire, n’est pas très fréquent et représente environ 10.000 cas par an en France. Certains de ces mêmes médicaments vont devenir ceux pour traiter le cancer du poumon : le plus fréquent chez l’homme et bientôt chez la femme. Les prix devraient baisser puisque le marché augmente. Or, ce n’est pas le cas !

Vous mentionnez dans votre article une menace brandie par plusieurs candidats à l’élection présidentielle (Benoît Hamon, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon) pour mettre au pas l’industrie pharmaceutique, celle de la licence “d’office” : un dispositif qui permet à un État de faire produire un médicament sans le consentement du titulaire du brevet et à un prix moindre. Quels seraient les risques et les bénéfices en cas d’application de cette licence d’office en France ?

La licence d’office, c’est le 49-3. Donc, selon moi, c’est une bonne menace, mais ça n’est jamais la bonne méthode. Comme le 49-3, la licence d’office est un élément de négociation qui doit permettre un accord, mais, si ce n’est pas le cas, chacun prend ses responsabilités. Pour certains médicaments, en particulier pour le cancer du poumon, qui est si fréquent, si nous n’arrivons pas à avoir un prix décent, il faudra bien mettre le 49-3. La licence d’office concernerait des médicaments spécifiques, car personne d’intelligent ne peut dire que nous sommes en guerre contre l’industrie. S’il n’y a pas d’industrie, il n’y aura pas de nouveaux médicaments, pas d’innovation et pas de progrès. Même dans les plus grands centres de recherche comme l’institut Curie, une fois que nous avons une start-up et que nous avons fait la preuve d’un concept, nous ne sommes pas capables de développer un médicament : c’est un métier. Si nous ne pouvons pas nous passer de l’industrie, il est nécessaire d’avoir plus de transparence. C’est pour cela que je cite le travail du Sénat américain, qui a montré que le prix de l’industrie pour traiter une hépatite C par le Solvadi était délirant par rapport aux réalités de la recherche et au prix de fabrication. Lorsque les prix sont délirants, il y a un moment où il faut dire que l’on se fâche.


Le modèle non lucratif de l’AFM Téléthon devrait secouer les esprits”

Pourquoi, selon vous, l’industrie pharmaceutique ne voit-elle pas l’intérêt d’une plus grande transparence sur les coûts de la recherche et de la fabrication des médicaments ?

Je pense que, petit à petit, l’industrie pharmaceutique voit l’intérêt de la transparence. Après avoir écrit cet article, des personnes de l’industrie m’ont d’ailleurs contacté et je leur ai expliqué que l’hypothèse de la transparence est la seule, de mon point de vue, sur laquelle toutes les parties peuvent se mettre d’accord. Un accord intelligent peut être trouvé si les différents acteurs se font confiance. Le blocage des industriels est toujours le même, c’est ce qu’ils appellent le secret industriel : si les prix de fabrication des médicaments sont connus, les marges le sont également et il y a la crainte que des groupes de malades se constituent pour faire la révolution. François Hollande avait tenté, pour l’instant sans succès extraordinaire, de mettre ces problématiques sur la table au niveau du G7, pour avoir plus de transparence sur les coûts de fabrication. Pour mener ce bras de fer, le problème est de savoir où sont les informations des deux côtés de la table.

Dans votre article, vous prenez également l’exemple de l’association à but non lucratif AFM Téléthon qui, “dans les myopathies, a découvert de nouvelles molécules dans ses propres laboratoires, puis les a fabriquées à prix coûtant pour les mettre à disposition des patients qui les attendaient”. Pensez-vous qu’un modèle non lucratif peut se généraliser ?

À titre personnel, je le pense. Mais nous en sommes très loin. Je pense que ce modèle de l’AFM Téléthon devrait secouer les esprits. Comme il s’agissait de maladies orphelines et que l’industrie n’a pas voulu y aller parce que ce n’était pas rentable, l’AFM Téléthon a trouvé un système où ils ne perdent pas d’argent, ils n’en gagnent pas et donnent les médicaments aux malades, tout cela dans les règles et sous le contrôle des autorités. Aujourd’hui, il faut se poser la question de ce qu’est le privé. Normalement, le privé est financé par des investisseurs, comme c’est le cas dans les cliniques, mais au final c’est la Sécurité sociale qui paye. Je me mets en position de professionnel de santé, de directeur d’hôpital, et quand j’ai un radiologue payé 7.000 euros chaque mois pour faire de très bonnes radios dans un centre anticancéreux, mais qui, pour faire le même travail dans une clinique privée, sera payé 20.000 euros par mois, in fine par la Sécurité sociale et par les mutuelles, quelque chose ne va pas. Donc personnellement le système non lucratif m’intéresse, mais il s’agit là d’un sujet politique.


Qu’est-ce que 17 milliards pour la première cause de mortalité ?”

Un sujet politique que vous considérez trop peu abordé ?

Cette démarche mérite réflexion et, sans trop évoquer la campagne présidentielle, cela m’étonnerait que ce sujet avance avec François Fillon ou Emmanuel Macron. D’ailleurs, les dispositions de lutte contre le cancer ne sont ni de gauche ni de droite. Depuis le plan Chirac, il existe en France la “liste en sus” qui répertorie les médicaments pour le cancer qui sont remboursés à l’euro près. Mais cette liste commence déjà à bouger, puisqu’un médicament comme l’Avastin est sorti de cette liste l’année dernière. Avant, c’était 3 millions d’euros par an à l’institut Curie, donc forcément nous avons ralenti sur les prescriptions de l’Avastin, mais nous continuons à donner ce médicament à certains patients qui en ont besoin et nous perdons de l’argent à chaque fois sur notre budget d’hospitalisation. Le cancer, calculé au pire, représente 17 milliards d’euros sur les 159,2 milliards de prestations versées par la Sécurité sociale en 2015. Dans ces 17 milliards, le prix des médicaments représente 10% donc il faut aussi relativiser : qu’est-ce que 17 milliards pour la première cause de mortalité ? Si le prix des médicaments anticancéreux augmente de 10 à 15%, est-ce vrai que nous ne sommes pas capables de payer ? Car, s’il faut se défendre vis-à-vis de l’industrie, il faut aussi se poser des questions. Il y a des économies à faire mais, à mon avis, pas là-dessus. Les professionnels de santé sont tout à fait prêts à discuter d’économie, même si, dans les hôpitaux, les économies ont été faites. À l’institut Curie, dont je préside le conseil d’administration, il y a eu un plan social de 150 personnes, et en parallèle le coût des médicaments a été multiplié en dix ans. Faire des économies, d’accord, mais à un moment donné on ne sait plus faire. Il ne faut pas oublier que le cancer est la première cause de mortalité, que la moitié des cancers se déclarent après 70 ans et que la population vieillit. C’est un problème qui nous concernera encore pendant dix ou quinze ans et qui est inéluctable.

Prix des médicaments innovants contre le cancer : le système doit évoluer, ou périr

Le risque de voir s’installer des inégalités entre les patients touchés par le cancer en raison du prix des nouveaux médicaments n’a pas disparu, au contraire. Il y a plus d’un an, un groupe de cancérologues dont je faisais partie alertait déjà la ministre de la Santé à ce sujet. L’inflation continue, de sorte qu’arrivera forcément le moment où l’accès de tous les patients aux anticancéreux innovants ne sera plus possible.

Il est encore temps d’éviter une situation qui posera un grave problème éthique, à condition de repenser entièrement le système de régulation du prix des médicaments en France, mais aussi dans le monde. L’élection présidentielle dans notre pays fournit une occasion unique de s’emparer de ce sujet. La Ligue contre le cancer, principale association de patients, a d’ailleurs interpellé les candidats sur ce thème : “Vous engagez-vous à soutenir, en France et en Europe, une remise à plat du processus de fixation du prix du médicament, avec des objectifs de transparence et de pérennité de notre système de santé ?”

En France, les médicaments anticancéreux utilisés dans les chimiothérapies, l’hormonothérapie ou l’immunothérapie représentent une dépense d’un peu plus de 3 milliards d’euros pour une année. Ce qui constitue 2% des dépenses de l’assurance-maladie – ces médicaments étant pris en charge actuellement à 100%.

Chaque année, l’augmentation de leur prix représente un coût supplémentaire d’environ 200 millions d’euros. Ainsi, la part des dépenses de l’assurance-maladie allouée au cancer dans son ensemble (y compris chirurgie, radiothérapie, suivi des patients…) est de plus en plus importante au fil du temps. De 8% en 2010 (11,5 milliards d’euros), elle a atteint 10% (15 milliards d’euros, sur les 159,2 milliards de prestations versées en 2015, selon les chiffres clés de la Sécurité sociale).

80.000 euros par an et par patient pour le Keytruda

Prenons l’exemple de l’immunothérapie, discipline en plein essor consistant à utiliser notre propre système de défense pour combattre le cancer. Cette nouvelle voie porte en elle de grands espoirs, mais pose aussi, de façon aiguë, la question de l’inflation du coût des médicaments. Un seul exemple : le Keytruda, du laboratoire MSD, utilisé dans le traitement du mélanome (cancer de la peau) coûte plus de 100.000 euros par an et par patient aux États-Unis. En France, un arrêté au Journal officiel du 10 janvier en a fixé le prix, pour un montant estimé à environ 80.000 euros par an et par patient, selon l’évaluation du quotidien La Tribune.

Les industriels justifient des tarifs élevés par leurs dépenses de recherche et développement. Ainsi, en France, le LEEM, organisation qui regroupe les entreprises de l’industrie pharmaceutique, affirme que des dizaines de médicaments ne franchissant pas la barrière des essais cliniques, le prix doit inclure le coût du médicament vendu et aussi celui de la recherche sans succès qui a été conduite en parallèle.

Pourtant, dans une tout autre maladie, l’hépatite C, une commission d’enquête du Sénat américain a montré, dans un rapport publié fin 2015 au terme de dix-huit mois d’enquête, que le tarif de 40.000 euros pour un traitement par le Solvadi était totalement déconnecté de la réalité des sommes investies par son fabricant, Gilead.

La France préfère pour l’instant négocier plutôt que légiférer

Pis, ce tarif était en réalité fixé selon l’unique critère de la capacité de chaque État à l’assumer financièrement. Pour preuve, la France – qui préfère pour l’instant négocier plutôt que légiférer – vient d’obtenir au 1er avril une baisse du prix du Solvadi de 41.000 à 28.700 euros.

En France, certains professionnels de santé et des associations de patients comme la Ligue contre le cancer s’élèvent contre des tarifs injustifiés. Médecins du Monde a lancé, à l’été 2016, une campagne de communication sur ce thème qui a frappé les esprits : “Chaque année en France le cancer rapporte 2,4 milliards”, “Quel est l’un des marchés les plus rentables : la maladie ?”

La question est donc maintenant de savoir ce que l’on peut faire pour stopper cette inflation du prix des nouveaux médicaments.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de rendre public un rapport sur les “prix et accès aux traitements médicamenteux innovants”, toutes maladies confondues. Il réclame la “licence d’office”, un dispositif réglementaire permettant à un État d’autoriser l’exploitation d’un brevet par un tiers, sans le consentement du titulaire des droits et à un coût bien moindre.

La menace de la “licence d’office”

Le candidat de la gauche à l’élection présidentielle, Benoît Hamon, a d’ailleurs déclaré qu’il pourrait y recourir s’il était élu : “Si jamais certains laboratoires refusent d’entendre raison, je n’exclus pas de recourir à la licence d’office qui nous permet de faire produire certains médicaments en générique, beaucoup moins cher.” Marine Le Pen, pour le Front national, la cite également dans son programme : “Nous actionnerons le mécanisme de la licence d’office dans les cas des laboratoires récalcitrants.” Jean-Luc Mélenchon, pour La France Insoumise, a fait également référence explicitement à cette disposition lors d’un meeting à Châteauroux le 2 avril.

Pour ma part, puisque les citoyens aussi bien que les entreprises pharmaceutiques réclament de la transparence, je propose de répondre : “Chiche !”

Actuellement, les laboratoires pharmaceutiques externalisent les stades amont de leurs recherches dans la plupart des pays industrialisés. Ils travaillent avec des start-up – issues le plus souvent de la recherche publique – qui deviennent par la suite des sociétés de biotechnologies. Ils recourent aussi à des sous-traitants, au sens plus classique du terme. Comme les technologies sont rapidement obsolètes, les laboratoires préfèrent en effet pouvoir changer de partenaire et traiter avec les entreprises les plus en pointe, pour un coût d’investissement et de fonctionnement très inférieur.

Des fermetures de sites industriels

La transparence, chiche ! Qu’on donne les montants des économies réalisées par les laboratoires pharmaceutiques avec les fermetures de sites industriels, conséquence de cette sous-traitance. La cession du site de GSK aux Ulis, en région parisienne, combien d’euros d’économie ? La fermeture du site de Roche à Strasbourg, combien d’économie ? La fermeture du site de Sanofi à Toulouse, combien d’économie ? Idem pour la fermeture des sites d’Astra-Zeneca à Montréal (Canada) et de Roche aux États-Unis comme en Europe.

Novartis, Pfizer, Roche, Sanofi, Merck, Johnson & Johnson, GSK, Astra-Zeneca, expliquez-vous : vos installations délocalisées, combien d’économie ? Mettons les chiffres sur la table et examinons ensemble les coûts, en toute transparence.

Si ces chiffres ne devaient pas être mis sur la table, le futur gouvernement pourrait explorer une autre voie avant de dégainer la “licence d’office”, sorte d’équivalent dans la santé de l’article 49-3 dans la vie politique, qui mettrait fin brutalement à la discussion. À défaut de transparence, il pourrait réclamer la concurrence.

Un prix du médicament très réglementé

En France, comme dans la plupart des autres pays, les médicaments innovants ont aujourd’hui un prix très réglementé. Pour être commercialisé, un médicament doit être autorisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Son prix est ensuite déterminé par l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie et le Comité économique des produits de santé. Dans ce contexte, le marché ne joue aucun rôle.

Et si on laissait les hôpitaux et cliniques décider du prix qu’ils acceptent de payer pour un médicament donné ? Sachant que les établissements conserveraient, par ailleurs, un budget réglementé.

Il est probable que les prix baisseraient alors considérablement. On ne traiterait plus sur un pied d’égalité un médicament contre le cancer qui fait gagner – modestement – trois mois de survie, avec un produit d’immunothérapie qui révolutionne une maladie et guérit des malades jusque-là incurables. La concurrence amènerait à évaluer le service réellement rendu par un médicament et c’est, de mon point de vue, une évolution inéluctable.

Pour en revenir à l’oncologie, le coût de la recherche et développement a diminué dans cette branche de l’industrie pharmaceutique, contrairement à ce qu’affirment les fabricants. En effet, ces derniers se retirent progressivement de la recherche fondamentale. Les molécules innovantes sont aujourd’hui essentiellement le fruit de la recherche publique, payée par les citoyens avec leurs impôts. Par ailleurs, les médicaments innovants sont mis sur le marché de plus en plus vite, ce qui réduit les coûts et augmente d’autant la durée d’exploitation des licences avant que le brevet ne tombe dans le domaine public.

Un système de régulation qui ne régule plus

Notre système de régulation des prix ne régule plus. La conclusion est évidente : il faut en changer.

L’Alliance européenne de santé publique (EPHA) qui regroupe des organisations sans but lucratif, des ONG de santé publique, des groupes de patients ou des professionnels de la santé, demande la création d’un système de recherche et de développement orienté vers les besoins mondiaux de santé publique. Ce nouveau système doit réussir à fournir des médicaments de qualité, accessibles à tous, à des prix abordables.

De mon point de vue, il faut envisager de mobiliser le G7, le groupe de discussion des grandes puissances économiques, sur la mise au point d’un dispositif transparent à l’échelle mondiale, incluant les financements publics nécessaires pour soutenir la recherche et le développement pharmaceutique axé sur les besoins réels.

Il faudra ensuite dissocier les coûts de recherche et développement financés par le secteur public et ceux financés par les industriels. Ainsi, les citoyens n’auront plus à payer deux fois pour la même chose comme c’est le cas actuellement : une fois pour la recherche en amont du médicament, et une seconde fois pour se le procurer.

À quand un comparateur des prix du médicament ?

Il restera à fixer un tarif abordable à l’aide d’un observatoire international, en accès libre, qui comparerait en temps réel les prix d’un même médicament d’un pays à l’autre. Il pourrait être une sorte de “comparateur” à l’échelle mondiale.

Cette exigence de transparence est légitime. Il n’est pas normal qu’en Europe on ne puisse obtenir des informations auxquelles le Sénat américain, lui, accède.

Et si on regardait, aussi, du côté d’une association à but non lucratif comme l’AFM-Téléthon ? Dans les myopathies, l’AFM a découvert de nouvelles molécules dans ses propres laboratoires, puis les a fabriquées à prix coûtant pour les mettre à disposition des patients qui les attendaient. C’est un exemple dont on ne parle pas assez. Si le non-lucratif est un modèle efficace pour des maladies rares dans lesquelles les industriels ne veulent pas investir, pourquoi ne fonctionnerait-il pas aussi pour des maladies plus fréquentes ?

À l’heure d’un changement impératif de système, nous avons le choix entre trois solutions : la transparence, la concurrence et… la licence d’office. La menace d’imposer la licence d’office, brandie par des candidats à la présidentielle et par le CESE, a au moins un mérite : celui de rendre plus désirable, pour les industriels, la solution immédiatement applicable de la transparence. Laquelle est susceptible d’entraîner très vite, à elle seule, des prix abordables pour les médicaments innovants.