Le handicap

Centre d’observation de la société - L’état du handicap en France

Février 2018, par Info santé sécu social

15 février 2018

Combien de personnes sont handicapées en France ? Il est impossible de donner un chiffre unique tant celui-ci dépend de la tranche d’âge considérée et de la gravité de l’incapacité.

Selon une étude menée par le ministère du Travail en 2015, 2,7 millions de personnes de 15 à 64 ans déclarent disposer d’une reconnaissance administrative de leur handicap et 5,7 millions indiquent souffrir d’une maladie ou d’un problème de santé chronique les limitant depuis au moins six mois 1. Soit respectivement 6,6 % et 15 % de la population. Malheureusement, on en sait pas beaucoup plus car la dernière enquête de l’Insee sur le handicap date de dix ans 2. Selon l’organisme européen Eurostat, 5,8 % des 15-64 ans (soit 2,3 millions de personnes) déclarent avoir une incapacité qui les limite physiquement de façon grave (données 2014). Parmi eux, 1,4 % avaient un problème de vue, 3,5 % d’audition et 1,6 % une difficulté pour marcher.

Les origines du handicap

Le handicap a différentes origines. Selon des données pour l’année 2011, environ la moitié de la population reconnue handicapée l’était de naissance ou suite à un accident : 430 000 personnes sont nées avec un handicap (22 % de l’ensemble), 360 000 ont été handicapées par un accident du travail (19 %) et 275 000 par un autre type d’accident (14 %) 3. Une autre moitié connait un problème de santé qui est accentué par l’âge ou l’activité professionnelle mais qui n’est ni lié à la naissance, ni à un accident. Pour 80 % d’entre elles, il s’agit de conditions de travail physiquement pénibles, 26 % de stress, 15 % une exposition à des produits toxiques.

Le corps s’use au fil du temps. Moins de 3 % des 25-34 ans déclarent une limitation fonctionnelle grave, mais c’est le cas de 18 % des 65-74 ans et 44,8 % des 75 ans ou plus (données Eurostat 2014). Cette usure est inégale selon le niveau d’éducation et donc selon les milieux sociaux. Si l’on considère les 45-64 ans, 4 % des diplômés de l’enseignement supérieur déclarent une limitation fonctionnelle grave, contre 13 % de ceux qui ont achevé leur parcours en fin de troisième (données Eurostat 2014). La pénibilité physique des métiers les moins qualifiés a des conséquences sur les organismes. Le niveau de ressources joue aussi sur la capacité à réduire l’impact du handicap, qu’il s’agisse d’équipements spécifiques ou de services divers. Les cadres supérieurs disposent beaucoup plus souvent des moyens financiers et matériels pour continuer à vivre à leur domicile que les ouvriers.

Handicap selon l’âge

Il est impossible de mesurer l’évolution du handicap, faute d’enquêtes comparables. Entre 1990 et 2015, le nombre de titulaires de l’allocation adulte handicapé (prestation sous conditions de ressources) a été multiplié par deux, de 520 000 à un million de personnes. Ce qui ne signifie pas que le nombre de handicapés a doublé mais que davantage de personnes sont reconnues comme telles ou que le niveau de vie des personnes handicapées s’est réduit 4.

Le culte de la performance

Le handicap est d’autant plus lourd à porter que les sociétés modernes vouent un culte à la performance physique, à la vitesse et à l’agilité de mouvement. Le handicap exclu de l’éducation, des loisirs, de la sociabilité, de l’emploi. Certains gestes simples (monter une marche, entendre distinctement, etc.) qui paraissent évidents pour la majorité, bloquent des millions d’autres. La France est par ailleurs un pays en retard dans l’adaptation des services publics (éducation, santé, etc.) au handicap et notamment pour l’accessibilité des transports en commun. Lors d’une visite en France menée en octobre 2017, Catalina Devandas-Aguilar, la rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées des Nations Unies, a constaté le retard de notre pays. Elle a souligné le fait qu’un grand nombre de personnes étaient contraintes de vivre en établissement et de l’existence de cas de traitement dégradants à l’égard des personnes handicapées.

Les personnes handicapées, oubliées de la statistique publique ?

Des chiffres qui datent de dix ans, une absence de données détaillées claires, l’impossibilité de mesurer une évolution... Le décalage est immense en France entre l’apparente compassion pour la population handicapée et sa connaissance statistique. On peut admettre que le sujet soit complexe tant le handicap dépend du degré d’incapacité, mais cela ne peut expliquer autant d’imprécisions. « Je constate un manque cruel de données et de statistiques sociodémographiques ventilées par handicap » s’inquiétait en octobre dernier Catalina Devandas-Aguilar, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées.Comment mettre en oeuvre en 2018 des politiques de soutien du handicap à partir de données de 2008 ? Mystère.

Notes :

Voir « Travailleurs handicapés : quel accès à l’emploi en 2015 », Dares analyses n°32, mai 2017. Ces données ne prennent pas en compte les personnes qui vivent en institution. ↩
Voir « Les personnes âgées et handicapées en France et les politiques publiques d’accompagnement », Delphine Roy, Revue française des affaires sociales 2016/4, 2006. ↩
Les totaux ne sont pas exactement égaux à 100 % car certains individus peuvent se déclarer dans plusieurs situations à la fois. ↩
La reconnaissance croissante du handicap peut être considérée comme un volet d’une politique de l’emploi : on sort ainsi du marché du travail une partie de la population qui auparavant était active.