Assistance Publique des Hopitaux de Paris (AP-HP)

Le Monde.fr : Martin Hirsch : « A l’hôpital, il y a un sentiment qui va de la lassitude à la souffrance »

Mars 2018, par infosecusanté

Martin Hirsch : « A l’hôpital, il y a un sentiment qui va de la lassitude à la souffrance »

Pour le directeur général de l’AP-HP, la contrainte budgétaire ne sera supportable qu’avec des transformations profondes de l’hôpital.

LE MONDE

17.03.2018

Propos recueillis par François Béguin

Quelques jours après avoir annoncé que le déficit de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) serait supérieur à 200 millions d’euros pour 2017, Martin Hirsch, son directeur général, répond aux inquiétudes des soignants et appelle à des « évolutions majeures » des modes de fonctionnement.

Que dites-vous aux médecins et aux personnels qui s’inquiètent d’une baisse des effectifs et d’une dégradation des conditions de travail ?

Après trois ans d’affilée de réduction du déficit, l’année 2017 a été atypique, avec une activité stable et des dépenses que nous n’avons pas ajustées à temps. Le plan que nous mettons en place repose d’abord sur des économies sur les médicaments auxquelles tous adhèrent, et un gel de 0,5 % de la masse salariale que tous redoutent. C’est dur à supporter, mais cela ne met pas en péril l’AP-HP ni la prise en charge des malades. Pour que cela ne pèse pas là où les besoins sont les plus forts, nous organisons, avec les présidents de communauté médicale, une revue des services que nous aurions dû réorganiser plus tôt, pour le faire vite.

Y a-t-il un malaise chez les soignants ?

Incontestablement, et nous en avons pleinement conscience. Il traduit ce que j’appelle la « mue douloureuse » de l’hôpital, avec un sentiment qui va de la lassitude à la souffrance, mais qui ne remet pas en cause l’attachement au service public. Quand nous avons rédigé collectivement les valeurs de l’AP-HP en 2017, c’est clairement ce qui ressortait : « Les valeurs, nous les avons, mais nous avons l’impression de ne pas pouvoir travailler en accord avec elles. »

Ce malaise est-il dû à la tarification à l’activité, qui pousse à faire plus d’actes pour maintenir l’équilibre financier ? L’hôpital est-il arrivé « au bout d’un système », comme le dit la ministre de la santé ?

La tarification concentre toutes les critiques et le gouvernement a raison de la réformer. Chez nous, elle freine le développement de l’activité ambulatoire qui nous permettrait de réduire le nombre de lits et de faire des économies. Mais je pense qu’on s’expose à de graves désillusions si l’on estime que tous les problèmes découlent du mode de financement. Il y a d’autres rigidités, historiques, qui ne protègent ni les personnels ni les patients et qui relèvent de notre responsabilité collective.

Vous avez fait part de votre souhait de voir émerger une nouvelle AP-HP…

La contrainte budgétaire ne sera supportable que si des transformations profondes se font. Le gouvernement a lancé des chantiers « pour en finir avec les rafistolages ». J’invite donc cette maison à dire le projet qu’elle veut porter. Un ensemble aussi grand doit-il continuer à être organisé comme les autres ? Ne peut-on pas garder les avantages de la taille sans ses lourdeurs ? De même que j’ai annoncé qu’on quittait le siège de l’AP-HP, je considère que nous ferions une erreur historique en ne proposant pas des évolutions majeures de nos organisations et en matière de ressources humaines.

En quoi cela répondrait-il au malaise des soignants ?

Il y a un malaise aussi quand on ferme à 15 heures certains appareils de radiothérapie, faute de manipulateurs radio pour l’après-midi. Quand les jeunes chefs de clinique me disent qu’ils ne veulent plus s’engager dans la même carrière que leurs aînés. Quand les infirmiers ne peuvent pas être reconnus en se voyant déléguer des tâches des médecins. Voilà les problèmes auxquels nous devons apporter des réponses nouvelles