Les retraites

Le Monde.fr : La future réforme des retraites entre dans sa phase décisive

Avril 2018, par infosecusanté

La future réforme des retraites entre dans sa phase décisive

Jean-Paul Delevoye, chargé du dossier, va entendre les partenaires sociaux. La CFDT étant la première organisation à être reçue, lundi.

LE MONDE
16.04.2018
Par Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel

La réforme des retraites entre dans une nouvelle étape. Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de ce chantier, doit rencontrer, au cours des deux prochaines semaines, les syndicats et le patronat pour en discuter – la CFDT étant la première organisation à être reçue, lundi 16 avril. Des face-à-face entre les partenaires sociaux et M. Delevoye avaient déjà eu lieu, dès l’automne 2017.

Mais à l’époque, il s’agissait d’échanges informels où les protagonistes n’avaient pas véritablement débattu des intentions de l’exécutif. Cette fois-ci, « je pense que l’on entre dans le vif du sujet », confie Philippe Louis, le président de la CFTC : à l’ordre du jour des discussions, détaille-t-il, il y a notamment le « système cible », c’est-à-dire l’architecture du futur dispositif et ses grands principes.

Promesse-phare d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, la réforme a pour ambition d’aboutir à un « système universel » où « chaque euro cotisé donnera les mêmes droits à tous ». Le chef de l’Etat l’a réaffirmé, dimanche soir, durant son interview par les journalistes Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel : il veut mettre fin à « l’injustice » induite par la prolifération de règles singulières, avec la « quarantaine » de caisses « qui cohabitent ». Son objectif est de construire « un système beaucoup plus transparent, équitable », dont les dispositions seront arrêtées après « concertation ». Il n’y aura « plus de régimes spéciaux », a-t-il confirmé, ceux-ci ayant « vocation à converger, à dix ans ».

Points cruciaux

Mais le président de la République a également laissé entendre que des aménagements étaient possibles pour tenir compte de spécificités professionnelles : la réflexion pilotée par M. Delevoye abordera « ce qu’apporte un trimestre cotisé et comment on peut le majorer », a expliqué M. Macron : « C’est-à-dire, si je m’engage par exemple comme pompier volontaire, est-ce que ça me donne des droits ? Tout ça est à discuter. » S’agissant du calendrier, le chef de l’Etat a formé le vœu « qu’entre la fin de l’année 2018 et l’année 2019 nous puissions poser les bases ». « Le but est [que la loi] soit votée en 2019 », a-t-il complété.

Pour préparer ses rencontres avec les partenaires sociaux, M. Delevoye leur a adressé un document d’une trentaine de pages, qui dresse les « principaux constats sur le système actuel » et esquisse les « enjeux du système cible ». Cette synthèse annonce quelques-uns des points les plus cruciaux qui devront être tranchés à l’issue de la concertation. Par exemple celui, ultra-délicat, de l’effort demandé aux assurés et aux employeurs : actuellement, les contributions réglées ne sont pas du même niveau suivant que l’on travaille dans le public, dans le privé ou en tant qu’indépendant.

Le document mentionne aussi, à titre de comparaison, les dispositifs « par capitalisation » qui sont à l’œuvre dans plusieurs pays étrangers – ce qui suggère que la France pourrait davantage s’ouvrir à ce type de système, dans lequel la personne met de l’argent de côté en vue de sa propre retraite. Un bémol, cependant : dimanche soir, M. Macron a rappelé son attachement au principe de répartition, qui prévaut aujourd’hui et dans lequel les cotisations versées servent à financer les pensions des retraités.

« Les conversations mondaines, c’est terminé ! »

Le fascicule d’une trentaine de pages transmis par M. Delevoye aux partenaires sociaux instille de la perplexité. « On a du mal à y lire quelque chose de décisif », déplore Frédéric Sève (CFDT) qui craint que les prochaines réunions soient « encore un tour de chauffe ». « Cela fait six mois qu’on se voit pour rien, enchaîne Claude Tendil (Medef). Les conversations mondaines, c’est terminé ! »

Plusieurs responsables syndicaux s’interrogent sur l’état d’esprit de l’exécutif, après les accrocs qui se sont produits sur la refonte de la formation professionnelle et de l’assurance-chômage – le gouvernement ayant pris beaucoup de distance avec les propositions des partenaires sociaux sur ces deux thématiques. Cela « n’augure pas d’une concertation fructueuse », appréhende Philippe Pihet (FO). « Le gouvernement fera ce qu’il voudra, mais il y a la personnalité du haut-commissaire, pondère-t-il. Pour moi, c’est quand même un gage. »

« S’il n’y a pas de sincérité, il n’y a pas de raison de s’engager dans un usinage de réforme, même si on est convaincus que c’est important, met en garde M. Sève. On ne va pas se mettre la corde au cou. »

Catherine Perret (CGT) redoute, elle, que le projet n’ouvre « la porte a la capitalisation » – donc à un système « plus injuste ».

Lors d’un colloque au Sénat qui se déroulera jeudi 19 avril, M. Delevoye devrait préciser la méthode et les différentes têtes de chapitre qui seront abordées lors de ces rendez-vous. Il s’agit d’« établir un “constat problématisé”, c’est-à-dire de faire un diagnostic partagé avec les partenaires sociaux, précise-t-on au haut-commissariat à la réforme des retraites. On rentrera ensuite dans la définition de l’architecture du nouveau système. » Une manière de signifier que le projet de loi n’est pas encore écrit.