Assistance Publique des Hopitaux de Paris (AP-HP)

Libération - Hôpital Grand Paris Nord : pas encore construit, déjà déménagé ?

Mai 2018, par Info santé sécu social

Par Sibylle Vincendon — 17 mai 2018

Le campus hospitalo-universitaire de l’AP-HP doit être bâti à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Mais la complexité du terrain et les batailles de financement risquent de remettre en cause sa réalisation dans les délais.

Hôpital Grand Paris Nord : pas encore construit, déjà déménagé ?
Le projet ne date pas d’hier : depuis une dizaine d’années, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris veut remplacer les hôpitaux Bichat et Beaujon par un nouvel équipement, le Campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord. Il y a trois ans, le terrain de cet investissement de 900 millions d’euros était choisi à Saint-Ouen. Et, bien que ce ne soit pas le volet le plus facile d’un dossier, un protocole d’accord financier était signé en décembre 2016 entre les différents protagonistes de cette affaire, qui sont nombreux. Outre l’AP-HP (pour l’hôpital) et l’Etat (pour le côté universitaire), le projet implique plusieurs niveaux de collectivités locales et quelques gros acteurs publics et privés.

« Réfléchir à une éventuelle alternative »

Tout semblait rouler mais, voilà qu’en mars, le président du comité opérationnel, Alain Neveu, a tiré la sonnette d’alarme. Dans un rapport adressé au préfet de la région Ile-de-France, il souligne, en résumé, que le financement est loin d’être bouclé. Examinant les contributions – et les exigences – des parties prenantes, le rapporteur « propose une approche qui vise à permettre, par un effort de chacun, la réalisation du programme ». Il précise d’ailleurs ce qu’il faut entendre par « effort ». Les collectivités locales sont engagées à « se positionner, par un acte engageant avant la fin du mois de mai ». Car, que ce soit bien clair, « toute absence de réponse à cette échéance devra être considérée comme un refus remettant en cause la faisabilité du projet ». Quant à l’AP-HP, elle est invitée à « réfléchir, par prudence, à une éventuelle alternative ». En clair, à trouver un autre terrain.

Celui dont il est question pour le moment n’est en effet pas ce qu’on peut rêver de plus simple. Situé dans la zone d’aménagement concerté (ZAC) des Docks de Saint-Ouen, il est grevé d’un considérable paquet de contraintes. Pour construire le campus, il faut que la SNCF cède du foncier, qu’un pont routier soit construit au-dessus des voies ferrées, que RTE (Réseau de transport d’électricité) déplace un gros câble, que le Syndicat des eaux d’Ile-de-France dévoie une canalisation, que la sécurité de l’usine de chauffage urbain de la CPCU soit revue à la hausse et qu’enfin, la zone d’activité Valad, qui loge des entreprises, soit indemnisée pour les loyers de mètres carrés commercialisables qu’elle perdra au profit du campus. Ajoutons à cette liste le nécessaire équilibre financier de la société d’économie mixte Sequano, aménageur de la ZAC, et les bisbilles sans fin pour savoir qui paie la dépollution ou les voiries.

Un terrain de PSA
Directeur du groupe hospitalier des hôpitaux Paris Nord, François Crémieux résume : « Le terrain de la ZAC des Docks a été choisi il y a trois ans. Nous avions anticipé un coût foncier d’environ 50 millions d’euros, ce qui constituait une évaluation raisonnable. Mais progressivement, nous nous sommes rendu compte que le terrain était soumis à toute une série de contraintes. » Le rapport d’Alain Neveu a permis de chiffrer chacune d’entre elles mais est-ce le futur hôpital qui doit passer à la caisse pour en assumer la charge ? « Il n’y a aucune raison pour que l’AP-HP ou l’université assument l’ensemble des coûts de ré-urbanisation de cette ZAC », répond François Crémieux.

Dans le calendrier actuel, l’ouverture du nouvel équipement, est prévue pour 2025. Mais tel l’acheteur qui comprend un peu tard qu’il est en train d’acquérir un rossignol, l’AP-HP s’aperçoit maintenant qu’elle aurait intérêt à trouver d’urgence un plan B. Il existe. Il s’agit d’un terrain occupé par une usine du groupe PSA, sur la même commune de Saint-Ouen, à 300 mètres environ du premier. Sans doute moins pollué que celui des Docks, cet autre foncier « n’est pas inondable et plus proche des transports collectifs, explique François Crémieux. Nous n’avons pas encore chiffré cette hypothèse mais nous savons qu’un certain nombre de surcoûts présents sur le premier terrain n’existeraient plus avec le second ». Avantage supplémentaire : la négociation n’impliquerait alors qu’un seul interlocuteur, PSA.

Le constructeur automobile est-il vendeur ? La communication du groupe répond que « s’agissant d’un projet d’intérêt public », PSA est « prêt à étudier la question », tout en soulignant « la nécessité de ne pas interrompre la production ». Le site emploie 350 salariés et produit des pièces de carrosserie. Le maintien d’une production industrielle en milieu urbain ne va guère dans le sens de l’histoire et pour certains ouvriers interrogés par le Parisien, « c’est déjà plié ».

Mais quelle que soit l’issue de l’affaire, entre le premier terrain qui n’est pas vraiment une bonne pioche, et le second dont l’acquisition contribuerait à la désindustrialisation de la région parisienne, l’implantation du campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord est d’ores et déjà entrée dans les annales des loupés urbains.

Sibylle Vincendon