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Lequotidiendumedecin.fr : Soins non programmés : les médecins libéraux se méfient du retour des gardes obligatoires

Mai 2018, par infosecusanté

Soins non programmés : les médecins libéraux se méfient du retour des gardes obligatoires

23.05.2018

Le rapport du Dr Thomas Mesnier sur les soins non programmés, rendu ce mardi au ministère de la Santé, a vivement fait réagir les syndicats de médecins libéraux, qui redoutent derrière certaines des 19 recommandations un retour sur le principe de volontariat des gardes médicales en ville.

Dans son rapport, le Dr Mesnier n’évoque jamais une quelconque obligation de la permanence des soins ambulatoire (PDSA), sujet qui ne rentrait pas dans sa mission. Mais, proposition originale, il suggère d’absorber la PDSA dans une perspective de régulation téléphonique plus large, au-delà des soins urgents, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, via un numéro unique de santé, a priori le 15.

Et c’est dans la mise en application de cette mesure que ça coince. Le rapporteur entend ainsi proposer, à ce même numéro unique, « non seulement une régulation et une orientation médicales, mais également un conseil médical, une organisation du parcours de soins, des consultations de télémédecine ». Cette mesure pourrait, selon ses dires, faire doubler le nombre d’appels de patients. Pour contenir le flux, le Dr Mesnier a calculé qu’un bataillon de 315 à 650 nouveaux médecins régulateurs généralistes sera nécessaire.

Autre recommandation du rapport qui fait couler de l’encre, le Dr Mesnier veut « faire de l’obligation de proposer des demi-journées de soins non programmés une clause obligatoire du cahier des charges des organisations de soins non programmés passant contrat avec les agences régionales de santé, avec transmission d’un planning de continuité du soin non programmé à la régulation téléphonique ».

Il suggère enfin de donner un cadre national « en inscrivant dans la loi le principe de responsabilité territoriale des professionnels de santé en matière de prise en charge des premiers soins ».

Contournement du médecin traitant

Première à dégainer, la CSMF a dénoncé « un retour à une obligation individuelle de garde » que les médecins libéraux « ne toléreront pas ». Premièrement, les médecins de ville assurent déjà « une grande partie des soins non programmés dans leurs cabinets [35 millions de consultations en 2004, NDLR], ainsi qu’au travers de la permanence des soins et de la régulation libérale » la nuit et les week-ends, note la centrale présidée par le Dr Jean-Paul Ortiz.

Ensuite, solliciter davantage la ville « va nécessiter un changement complet d’orientation dans l’attribution des moyens, à l’inverse de ce qui s’est fait depuis de nombreuses années ». Sur ce volet, le Dr Mesnier doit revoir sa copie, juge encore la CSMF. Opposée à l’idée d’un numéro unique en santé, la Conf’ réclame la mise en place d’un numéro unique 116-117 « pour recourir à la médecine de première ligne » et une valorisation financière des tarifs de garde et de soins non programmés effectués en cabinet de ville.

S’il apprécie la « place prépondérante » accordée par le Dr Mesnier au médecin généraliste dans la prise en charge des soins non programmés, MG France n’est « pas très heureux » que l’urgentiste préconise de modifier la loi pour permettre « aux médecins d’une organisation de soins non programmés labellisée d’être considéré comme le médecin traitant du patient ». « Il est nécessaire qu’à l’instar de ce qui existe au sein d’une maison de santé pluridisciplinaire, la consultation d’un médecin appartenant au réseau de premiers soins autre que le médecin traitant du patient puisse être remboursée sans pénalité liée au parcours de soins », argumente le Dr Mesnier dans son rapport. « Attention au contournement du médecin traitant », gronde le Dr Jacques Battistoni, joint par « le Quotidien ».

Pas en reste, l’UFML-S raille le principe de « responsabilité territoriale », qui fait craindre le retour à une obligation des gardes des libéraux. « Comment peut-on imaginer un seul instant rendre les médecins pénalement et ou civilement responsables d’un territoire alors que ce sont l’ARS et la préfecture qui définissent à la fois le nombre d’effecteurs et la surface des territoires ? », s’interroge faussement le jeune syndicat. Quant au principe de demi-journées de soins non programmés, il semble impossible à mettre en place si les médecins ne sont pas maîtres de leurs plannings. « Au-delà des mots et des annonces, l’urgence est à la relance de l’attractivité de la médecine générale libérale, pas à rechercher des demi-journées alors même que les médecins en exercice croulent sous les demandes », jette le syndicat du Dr Jérôme Marty.

Quatre syndicats (CSMF, FMF, MG France, SML) demandent à être reçus sur le sujet par la ministre de la Santé.