Politique santé sécu social de l’exécutif

Infirmiers.com - "On va vers la destruction du service public !"

Mai 2018, par Info santé sécu social

C’était la 3e journée de mobilisation des fonctionnaires depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Ce mardi 22 mai a été marqué par une journée de grève et de manifestations pour protester contre la réforme de la fonction publique annoncée par le gouvernement, à l’appel de l’ensemble des organisations syndicales, CFDT, CFE-CGC, CGT, FAFP, FO, FSU, UNSA et Solidaires. Et les soignants étaient une fois de plus au rendez-vous…

Manque de moyens matériels et humains, l’hôpital entier est en burn out. Ce 22 mai les soignants sont venus faire valoir leurs droits et les droits de tous les citoyens à avoir accès aux soins.

Infirmiers, aides-soignants, personnel hospitalier, nombre d’entre eux étaient place de la République en ordre de marche pour la mobilisation ce mardi 22 mai, comme l’ensemble de la Fonction publique et comme l’espérait la Coordination Nationale Infirmière (CNI). Dans un récent communiqué, elle appelait les soignants à se mobiliser en nombre pour exiger des rémunérations à hauteur de leurs compétences et responsabilités, la reconnaissance de leurs contraintes et pénibilité professionnelle ainsi que le maintien des CHSCT et au premier chef, l’attribution de moyens permettant une adéquation des compétences à la charge de travail. Même chose du côté du Syndicat National des Infirmier·ère·s de Bloc Opératoire (Snibo) qui appelait les Ibode à se mobiliser pour défendre leurs droits ou encore du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI).

On est là pour soigner les gens, pas pour détruire notre propre santé

"On n’en peut plus !"
Près de 150 manifestations étaient prévues partout en France ce 22 mai. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi défilé à Marseille, à Montpellier, à Caen, ou encore à Clermont-Ferrand, mais c’est à Paris que les fonctionnaires grévistes étaient les plus nombreux. Dans la capitale, le cortège est parti de la place la République un peu après 14h00 en direction de la place de la Nation. Parmi les manifestants se trouvait Virginie, infirmière à la Pitié-Salpêtrière qui exerce depuis 23 ans : on n’en peut plus, le mal-être devient quotidien. La santé, ça a un prix et là c’est l’usager qui paye Pour Sandrine, aide-soignante à l’hôpital Bichat, trop c’est trop : on doit toujours faire plus avec moins (de moyens comme d’effectifs). Il y a de plus en plus de souffrance. On sacrifie notre vie privée et familiale. Nicolas, médecin en neurologie dans un petit hôpital de banlieue a également fait le déplacement. Dans mon service on est 5 médecins sur 9 a s’être déclarés en grève mais je suis le seul a être sur place, les autres sont restés bosser.

On ne s’occupe pas de bétail ou de boîtes de conserves, c’est de l’humain que l’on traite

L’hôpital, "c’est la galère"
Au cœur des préoccupations toujours, la situation de l’hôpital public. C’est anormale qu’en 2018 on délivre autant de possibilités aux très riches de s’enrichir et que l’on mette à mal le service public, s’énerve Eric, IADE à l’hôpital Henri Mondor. Manque de moyens matériels et humains, budgets en baisse, les préoccupations des soignants sont les mêmes depuis plusieurs années. Or si le président Emmanuel Macron avait affirmé qu’il n’y aurait pas d’économie sur l’hôpital dans ce quinquennat, le 15 avril dernier, une circulaire du ministère de la Santé, signée par la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn et rendue publique par France Info, semblait indiquer tout le contraire : dans un paragraphe intitulé Economies, celle-ci faisait état de 960 millions d’euros qui pèseront directement sur les établissements de santé en 2018. Comment expliquer cela ? Le budget des hôpitaux augmente en 2018, mais moins que prévu. Alors qu’il devait progresser de 4% selon les prévisions de dépenses, ce sera finalement de 2% seulement, ainsi en a décidé le gouvernement. C’est cette différence qui explique notamment les 960 millions d’euros d’économies réclamés. Alors que l’on se souvient de l’échange houleux entre Emmanuel Macron et des personnels de santé, lors d’une visite du président au CHU de Rouen le 5 avril dernier, cette nouvelle n’est pas pour les rassurer... Pourtant, Agnès Buzyn l’a clamé haut et fort à l’Assemblée nationale : il n’y a pas de réduction des moyens puisque le budget que nous avons voté, notamment pour les hôpitaux publics, est le plus important depuis 4 ans, a-t-elle affirmé. Néanmoins, le personnel hospitalier reste perplexe. Et pour cause, ces discours divergents c’est agaçant pour les soignants. On fait des effets d’annonces et en même temps on voit toute la souffrance dans les services et en EHPAD, souligne Cathy Le Gac, co-secretaire générale Sud santé AP-HP. 800 postes vont être supprimés à l’AP-HP. De manière générale, ils ferment des services entiers, ce qui supprime des emplois y compris des postes de soignants ! C’est comme cela qu’ils procèdent, renchérit-elle. Par ailleurs, des collègues qui partent en retraite ne sont remplacés, informe Mirella, aide-soignante à l’AP-HP. De moins en moins de personnel, et ceux qui restent sont au bord de l’épuisement professionnel. De restructuration en restructuration, on n’a plus d’argent dans les hôpitaux. Des soignants se suicident parce qu’ils n’y arrivent plus. On a du mal à avoir des congés, on est rappelé sur nos RTT ou sur nos congés hebdomadaires, raconte Ktorza qui travaille à l’hôpital Paul Brousse.

Pour les professionnels, ce sont aussi les patients qui paye la casse. Les patients sont mal soignés. On a l’impression d’être maltraitant, argumente Ktorza. On va vers la destruction du sevice public. La population est impactée dans tout cela. Beaucoup de personnes ne peuvent pas se soigner correctement. Et ça va empirer..., ajoute Mirella. Pour Kathie Le Gac, les soignants n’ont tout simplement plus le temps de bien faire les choses. Quand on s’occupe d’un patient on prend aussi en charge sa famille. Les proches arrivent souvent angoissés à l’accueil. On n’a plus le temps de les rassurer, la prise en charge de la famille ne se tarife pas, souligne-t-elle.

Ainsi, les soignants sont venus nombreux aujourd’hui crier haut et fort que leur conditions de travail sont inadmissibles et plaider pour un accès à la santé pour tous. D’ordre général, les professionnels de santé gardent l’espoir d’être entendus par les puvoir publics. On espère toujours, même si les chances sont infimes. Au moins, j’aurais la conscience tranquille de m’être déplacée pour montrer que je n’étais pas d’accord, affirme Virginie. On espère toujours, on est la dernière roue du carosse. On ne parle jamais de nous car on est une profession très discrète, souligne Sandrine, aide-soignante.