Environnement et facteurs dégradant la santé

Le Monde.fr : Pauvreté : pour les plus démunis, l’accès aux soins s’est dégradé

Septembre 2018, par infosecusanté

Pauvreté : pour les plus démunis, l’accès aux soins s’est dégradé

Les dispositifs de prise en charge des frais de santé ne sont toujours pas utilisés à leur maximum.

LE MONDE

04.09.2018

Par François Béguin

A quelques jours de la présentation du « plan pauvreté » par Emmanuel Macron, les associations s’interrogent sur la place qu’y prendra la question de l’accès aux soins pour les plus démunis. « Cela devrait être une priorité du plan », estime Henriette Steinberg, secrétaire nationale du Secours populaire. Pour elle, cet accès « s’est dégradé ces derniers mois ». « Il n’y a pas de places pour recevoir ces gens en difficulté, il y a de moins en moins de médecins dans les quartiers en difficulté… Comment fait-on pour que ça s’améliore ? », demande-t-elle.

Le renoncement aux soins peut d’abord être lié à des raisons financières. Chez les personnes éligibles à l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) – un dispositif permettant d’accéder à une mutuelle – les consultations périodiques de suivi auprès de spécialistes (gynécologue, ophtalmologue…) « sont plus étalées dans le temps qu’évitées », relevait, par exemple, en mai 2017, une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc).

Dépenses différées

Parmi cette population, « hors maladie ou affection grave, la santé est un poste dont on peut différer les dépenses au profit d’autres postes jugés prioritaires », comme le logement ou l’alimentation, était-il également souligné.

Alors que la France dispose d’une batterie de dispositifs permettant la prise en charge des dépenses de santé, ceux-ci sont loin d’être utilisés à plein. Un tiers des personnes éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et deux tiers des personnes éligibles à l’ACS n’y recouraient pas en 2017. Soit, au total, près de 3 millions de personnes qui, pour diverses raisons – dont une méconnaissance des aides auxquelles elles peuvent prétendre –, ne faisaient pas valoir leurs droits.

Pour tenter d’y remédier, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) a annoncé en 2017 vouloir généraliser un dispositif visant à proposer un accompagnement « personnalisé » aux assurés n’ayant pas engagé des soins nécessaires par « méconnaissance des circuits administratifs et médicaux » et par crainte d’engager des démarches jugées « complexes ».

Autre raison susceptible de restreindre l’accès aux soins : les refus de prise en charge par des professionnels de santé. Même si l’ordre des médecins assure n’avoir été saisi que huit fois pour des refus de soins en 2015, un « testing » mené en 2009 par des associations de patients avait montré la réalité et l’étendue du phénomène. Sur 496 médecins libéraux spécialistes exerçant en secteur 2 (avec dépassements d’honoraires), dans 11 villes de France, 22 % refusaient de prendre en charge les bénéficiaires de la CMU et 5 % acceptaient sous conditions, c’est-à-dire à certains horaires ou dans des délais plus longs.

Près de dix ans plus tard, aucune nouvelle grande étude n’est venue mesurer plus précisément cette pratique discriminatoire, mais « les refus de CMU restent très fréquents », assure Claire Hédon, la présidente d’ATD Quart Monde. C’est pourquoi elle souhaiterait que cette question soit abordée dans la formation de médecins afin qu’ils « comprennent pourquoi ces patients prennent un rendez-vous et pourquoi il leur arrive de ne pas venir… »

Trop rares alertes

« Nous avions obtenu que les associations puissent ester à la place des patients discriminés, or c’est un rôle qu’on ne leur a pas vu jouer », regrette pour sa part André Deseur, le vice-président de l’ordre des médecins, qui déplore également que le Défenseur des droits « n’alerte que trop rarement l’ordre des médecins lorsqu’il a connaissance d’un cas suspecté de refus de soins ».

Fin septembre, la Commission nationale d’évaluation des pratiques de refus de soins, une instance créée en 2016 par la loi santé de Marisol Touraine et réunissant sous l’égide de l’ordre des médecins des représentants d’associations d’usagers et des syndicats de médecins, devrait rendre à la ministre de la santé un premier rapport avec des propositions de réponses pour mieux lutter contre ces discriminations.