Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

Ouest France : Adeline Hazan : « Il faut une nouvelle loi sur la psychiatrie et la santé mentale »

Mars 2019, par infosecusanté

Adeline Hazan : « Il faut une nouvelle loi sur la psychiatrie et la santé mentale »
27/03/2019 à 17h44

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté pointe dans un rapport 2018 l’insuffisance des moyens dans le secteur de la psychiatrie. Avec des dérives dans des hôpitaux et un recours trop fréquent à l’isolement des patients.

Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté vient de publier son rapport annuel pour l’année 2018, qui a été remis au président de la République le 19 mars dernier. Surpopulation des prisons, moyens insuffisants dans le secteur de la psychiatrie, recul des droits des étrangers.. Le rapport dresse un constat sévère. Dans le domaine de la psychiatrie, Adeline Hazan pointe une insuffisance de moyens et demande une nouvelle loi.

Entretien avec Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

Vous pointez dans votre rapport annuel une insuffisance des moyens dans le secteur de la psychiatrie. Quelles sont les répercussions ?

Ce secteur traverse une période de crise grave. Il manque de personnels notamment. On trouve de moins en moins de psychiatres en France et cela se ressent dans les hôpitaux. Il manque aussi de la formation pour les infirmiers, depuis la suppression en 1992 d’un diplôme spécifique pour la psychiatrie. Ces derniers s’en plaignent beaucoup.

Par ailleurs, les conditions matérielles d’hébergement des patients ne sont pas toujours satisfaisantes, même parfois indignes, et elles ne permettent pas toujours des soins efficaces. Tout cela a des répercussions importantes. Les personnels travaillent tous à flux tendu, manquent de temps souvent pour apaiser des malades en crise. La seule solution qu’il leur reste, c’est alors le recours à l’isolement ou à des mesures de contention.

Des pratiques toujours trop importantes selon vous ?

Depuis 2016, la loi encadre les pratiques d’isolement et de contention, dans le but de les restreindre. Mais elle n’est pas appliquée partout : des établissements ont mené une véritable réflexion là-dessus, d’autres ne respectent toujours par la législation. Ils n’ont pas intégré que ces pratiques doivent absolument être des mesures de dernier recours. Il faut que le ministère de la Santé mette en place une politique volontariste de contrôle et de formation.

Vous ciblez d’autres dérives, comme des restrictions de liberté.

Elles sont décidées dans certains hôpitaux psychiatriques de façon systématique et pour tous les patients. C’est par exemple l’obligation de porter un pyjama durant les quinze premiers jours, l’interdiction de voir ou d’appeler la famille, etc. De telles mesures d’ordre général, quand elles n’ont pas une nécessité thérapeutique pour chaque personne, sont des atteintes aux droits fondamentaux.

Elles sont d’ailleurs souvent prises par manque de moyens ou facilité. Parfois, c’est même dans la culture d’un service : comme d’obliger des personnes hospitalisées sans consentement à rester en pyjama pour les identifier quand elles sortent dans le parc de l’établissement. Cette pratique est contraire à la dignité des patients, qui est un droit fondamental absolu.

Vous demandez une nouvelle loi ?

Je pense qu’il faut une nouvelle loi sur la psychiatrie et la santé mentale. Un texte qui englobe tout le système existant, en privilégiant les dispositifs en amont d’une hospitalisation, comme la prise en charge dans des centres médico-psychologiques. Je le proposerai en avril à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.