Environnement et facteurs dégradant la santé

France Assos Santé - Alcool chez les jeunes : les revues Que choisir et 60 millions de consommateurs tirent la sonnette d’alarme

Juillet 2019, par Info santé sécu social

15 JUILLET 2019

Matraqués de publicités, ciblés par les stratégies marketing agressives et cyniques des alcooliers, les jeunes gens n’ont aucune difficulté à se procurer de l’alcool malgré l’interdiction de vente aux mineurs qui frappe la distribution. On ne s’étonnera donc pas que les niveaux de consommation d’alcool chez les jeunes restent élevés, ce qui n’est pas sans inquiéter les revues 60 millions de consommateurs et Que Choisir.

Dans leur numéro d’été, les deux revues 60 millions de consommateurs et Que Choisir se penchent sur la question de la consommation d’alcool chez les jeunes. La première s’est plus particulièrement intéressée au respect de la réglementation interdisant la vente d’alcool aux mineurs. La seconde a mené une enquête détaillée sur les stratégies dont usent les alcooliers pour promouvoir leurs produits auprès des jeunes gens.

60 millions épingle la grande distribution
De mars à avril, 60 millions de consommateurs a recruté 22 adolescents âgés de 14 à 16 ans afin de procéder à des achats d’alcool en magasin. De Paris à Lyon, de Marseille à Rennes en passant pas Strasbourg et Toulouse, les émissaires du mensuel édité par l’Institut national de la consommation (INC) sont parvenus à se procurer de l’alcool dans près de 60 % des cas (66 visites en magasin sur un total de 111).

« Le détail des témoignages renforce l’impression de laxisme des acteurs de la distribution, estime 60 millions de consommateurs. Les hôtes ou les hôtesses de caisse n’ont demandé la pièce d’identité que dans 43 cas sur les 111 visites effectuées. Pire : la vente a quand même été acceptée pour cinq de ces jeunes gens ».

Ces résultats n’étonneront pas les fins connaisseurs de ce dossier. Les études appuyant l’idée qu’il est très aisé de se procurer de l’alcool en dépit de l’interdiction de vente aux mineurs se suivent et se ressemblent en effet. La dernière en date publiée en juin par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) ne fait pas exception. Selon ses auteurs, « au cours du mois précédant l’enquête [qui a été réalisée en 2018], 40,6 % des lycéens ayant bu ont acheté des boissons alcoolisées dans un magasin et 18,6 % l’ont fait au moins trois fois ».

« C’est comme si j’avais acheté du pain »
Plus de 50 % des lycéens ayant acheté de l’alcool durant ce même mois déclarent n’avoir jamais eu à présenter leur carte d’identité en magasin et 38,1 % « rarement » ou « parfois ». Jules, un jeune breton ayant participé au testing de 60 millions de consommateurs résumait parfaitement la situation au micro de France Info dans la foulée de la publication de la revue : « C’est comme si j’avais acheté du pain ».

Si la grande distribution semble peu scrupuleuse quant au respect des règles encadrant la vente d’alcool aux mineurs, les fabricants ne le sont pas plus en matière de publicité, estime la revue Que Choisir, qui liste dans son enquête les différents canaux utilisés par les alcooliers pour se faire mousser auprès des jeunes, les réseaux sociaux en premier chef.

Exemple avec la bière Cubanisto commercialisée par AB InBev qui a recruté plus d’une dizaine de jeunes très populaires sur Instagram afin qu’ils publient des photos les mettant en scène dans des ambiances festives, bouteilles à la main. Une pratique « triplement répréhensible selon Que Choisir : mise en scène de jeunes, dont des mineurs, dans un contexte de séduction ou de fête, sans le bandeau sanitaire obligatoire “L’abus d’alcool est dangereux pour la santé” ».

Les réseaux sociaux dans le viseur des fabricants
Dans la dernière version de son Observatoire sur les pratiques des lobbies de l’alcool, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa) dénonce l’omniprésence sur les réseaux sociaux de publicités promouvant la consommation d’alcool auprès des jeunes : « Sur les réseaux sociaux, les industriels n’hésitent pas à contourner la loi pour faire de la publicité déguisée et inciter à la consommation, notamment en ayant recours à des influenceurs parfois mineurs. Car sur Internet, les infractions à la loi qui encadre la publicité pour l’alcool échappent complètement au contrôle des autorités sanitaires ».

La violation manifeste de la loi Evin par la société AB InBev a été attaquée en justice par l’Anpaa. L’audience a eu lieu le 22 mai, rapporte Que Choisir. Le jugement est à ce jour encore attendu. « La stratégie des fabricants est de promouvoir la consommation d’alcool de manière indirecte en l’introduisant très tôt dans l’univers des jeunes », explique Bernard Besset, médecin et vice-président de l’Anpaa, cité par le magazine de consommation.

« Depuis longtemps, les directeurs du marketing se préoccupent de la façon la plus efficace d’atteindre les jeunes consommateurs », confirment dans un article diffusé en 2018 des chercheurs rattachés à la Chaire vin et tourisme de l’Ecole de management de Strasbourg, nous apprend le quotidien Le Monde dans une enquête sur le lobby du vin à la conquête des jeunes publiée récemment.

L’imagination fertile des services marketing des alcooliers
Au-delà d’investir les espaces que fréquentent les jeunes, les réseaux sociaux en premier lieu, les fabricants ont mis au point des gammes spécifiquement dédiées à cette cible. « Rosé pamplemousse », « rouge sucette », « blanc pêche »… on trouve désormais dans les linéaires toute une série de vins aromatisés, bourrés de sucre pour atténuer le goût de l’alcool.

« Pas de châteaux austères aux appellations intimidantes sur [ces] bouteilles, explique Le Monde, mais des couleurs acidulées et des polices de caractère rondes ou girly. Leur prix, adapté au budget des cibles, invite à l’ébriété low cost : la bouteille coûte autour de 3,50 euros. Au supermarché, les cubis de 5 litres sont accessibles à moins de 15 euros ».

En novembre 2018, un amendement visant à étendre la taxe sur les boissons prémix (mélanges à base d’alcool et de boissons très sucrées) aux vins aromatisés déposés par les sénateurs dans le cadre des discussions du PLFSS 2019 était retoqué par les parlementaires suite à un avis défavorable du gouvernement.

Des risques pourtant clairement identifiés
« Retarder l’âge des expérimentations », c’est pourtant l’un des objectifs que se sont fixés les pouvoirs publics dans le cadre du Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 mis en musique par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (mildeca), rappelle 60 millions de consommateurs. Pourquoi ? Parce que l’alcool a un effet neurotoxique auquel les jeunes sont plus particulièrement vulnérables du fait de leur cerveau en cours de maturation.

« Une consommation régulière dès l’adolescence augmente le risque de maladie à l’âge adulte, explique au mensuel Amine Benyamina, président de la Fédération française d’alcoologie, chef du service d’addictologie à l’Hôpital Paul-Brousse. Les alcoolisations ponctuelles et massives (binge drinking) peuvent devenir une porte d’entrée vers une dépendance ultérieure ».

Sans compter les risques immédiats liés à l’abus d’alcool : accidents de la route, coma éthylique, rapports sexuels non consentis, etc. En France, l’intensification des comportements d’alcoolisation a lieu durant le lycée, selon l’OFDT. Les niveaux d’usages réguliers de boissons alcoolisées doublent entre la 2de et la terminale, passant de 10,9 % à 24,4 %. Il en va de même pour les alcoolisations ponctuelles et massives dont les niveaux progressent fortement au lycée (52,2 % des élèves de terminale contre 36,4 % des élèves de 2de). Qu’importe pour les fabricants, tant que les euros continuent de couler à flot…