Les retraites

JIM - Urgences : A.Buzyn s’attaque à l’engorgement, mais néglige l’attractivité des carrières

Septembre 2019, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 3 septembre 2019

« Ce » ne serait pas un mythe : il existerait des services d’urgences où la situation sans être idyllique permet une prise en charge correcte des patients, sans que les personnels aient le sentiment d’atteindre constamment leurs limites d’épuisement physique et moral. C’est le cas à Poitiers où le CHU a su mettre en place des systèmes « pour lever un peu les tensions », selon l’expression du ministre de la Santé, Agnès Buzyn qui rencontrait hier les équipes de cet établissement. C’est en s’inspirant de ce type d’organisations et des recommandations émanant du professeur Pierre Carli (chef du Samu de Paris) et du médecin et député LREM Thomas Mesnier qui ont également recensé sur le terrain les organisations efficaces que le ministre de la Santé a présenté hier une première série de mesures destinées à améliorer le fonctionnement des urgences.

Biologie délocalisée et tiers payant en garde de ville
Ces dispositions se concentrent principalement sur l’engorgement des unités : on compte en effet aujourd’hui 23 millions de passages aux urgences par an, contre 12 millions en 2002 sans que les moyens d’accueil aient progressé en conséquence.

Il s’agirait tout d’abord de limiter le nombre de patients se rendant aux urgences. Beaucoup l’ont dit, l’enrichissement de l’offre de soins de ville est à cet égard indispensable mais difficile à réaliser alors qu’existent des problèmes de démographie médicale marqués dans certains territoires et tandis que les praticiens libéraux sont également souvent débordés. Le ministre avance trois pistes : d’abord, la possibilité pour les SAMU de transporter les patients vers un cabinet médical ou une maison de santé, soit la fin du « "tout urgences" auquel sont contraints actuellement les SAMU » détaille le communiqué de presse du ministère de la Santé. Par ailleurs, alors que beaucoup ont constaté que l’une des raisons du recours aux urgences était la certitude de pouvoir réaliser dans le même temps et le même espace différents examens complémentaires, le ministre souhaite que les cabinets médicaux et les maisons de santé puissent « pratiquer directement certains examens de biologie dite "délocalisée" ». Enfin, toujours dans l’optique d’améliorer l’attractivité de la médecine de ville (pour les patients), Agnès Buzyn préconise l’application obligatoire du tiers payant sur la part Assurance maladie pour « les actes réalisés dans le cadre de la garde des médecins de ville et des Maisons médicales de garde, pour abolir les freins d’accessibilité financière ».

Filières d’admission directes en médecine pour les résidents des EHPAD

Les limites de la médecine de ville ne sont pas l’unique source d’augmentation du nombre de recours aux urgences. Les équipes de ces unités sont également confrontées à la prise en charge des résidents des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Pour répondre à cette charge importante, le ministère de la Santé entend déployer des filières d’admission directe dans les services de médecine, filières dites « mieux traitantes ». Un supplément devrait être débloqué « dès la prochaine campagne budgétaire » pour favoriser la généralisation de ces filières. De la même manière, le gouvernement appuiera l’installation de la vidéo-assistance « de la régulation médicale de tous les SAMU, en priorisant les résidents des EHPAD ». Parallèlement à ces actions visant les recours aux urgences, des mesures visent à fluidifier les parcours. Il s’agit de généraliser les « cellules informatisées de gestion des lits dans tous les GHT, avec l’objectif de couvrir 50 % des groupements dès l’année prochaine ».

Déploiement des compétences des infirmiers
Le ministère n’oublie pas par ailleurs qu’une autre problématique des urgences est la pénurie de personnels paramédicaux et médicaux. Pour répondre à cet écueil, le ministère avance la carte du développement des compétences des infirmiers. Agnès Buzyn entend ainsi donner « un coup d’accélérateur aux protocoles de coopération » en permettant d’une part aux infirmiers de prescrire certains actes d’imagerie et d’autre part de réaliser des sutures de plaie ; des élargissements de compétence qui seront rémunérés grâce à la nouvelle prime de coopération. A plus long terme, des infirmiers de pratique avancée (IPA) dédiés aux urgences devraient commencer à être formés dès 2020. Ils seront habilités à poser des « diagnostics à l’aide d’un algorithme » et à réaliser différents « actes techniques en autonomie ».

Convergence entre les médecins et les paramédicaux
Ces mesures étaient présentées alors que parallèlement les responsables du mouvement de grève annonçaient un renforcement de la mobilisation. Ainsi, ce mardi, 239 services seraient aujourd’hui associés à la grève, tandis que les syndicats représentant les médecins hospitaliers ont une nouvelle fois apporté hier leur soutien aux actions menées et pourraient s’associer à la manifestation prévue le 10 septembre. Le président d’Action praticiens hôpital (APH), le docteur Jacques Trévidic signale cependant que ce « n’est pas un appel à la grève » mais la reconnaissance d’une « convergence » entre les différentes revendications et préoccupations.

Des questions en suspens
Il est peu probable que les annonces d’hier suffisent à dissuader le collectif de poursuivre son mouvement et convainquent les médecins d’atténuer leur soutien. En effet, elles font l’impasse sur une dimension majeure du mouvement : le manque d’attractivité des carrières paramédicales et médicales aux urgences qui explique en partie les difficultés de recrutement. Gardes trop faiblement rémunérées, exposition à la violence pas assez suffisamment pris en compte, impossibilité de s’investir dans des missions d’enseignement ou de recherche : les spécificités de l’exercice aux urgences sont des freins certains. Or, sur ce point, les réponses du ministère de la Santé ont été absentes ou parcellaires. Peut-être que ces questions seront à l’ordre du jour de la rencontre prévue le 9 septembre entre le ministère de la Santé et tous les acteurs hospitaliers et libéraux. Cette réunion pourrait également être l’occasion d’évoquer d’autres problématiques, telles une préoccupation souvent évoquée par le docteur Christophe Prudhomme de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) l’absence de prise en considération des conséquences délétères du tout ambulatoire.

Aurélie Haroche