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Annuaire Sécu - Budget de la Sécurité sociale pour 2020 : le retour à l’équilibre repoussé en 2023

Octobre 2019, par Info santé sécu social

04/10/19

Le Projet de loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 a été dévoilé lundi 30 septembre, à l’issue de la réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale.

Avec une conjoncture moins porteuse que prévu, une croissance et une masse salariale revues à la baisse qui pèsent sur les rentrées de cotisations, et surtout les mesures en faveur des « gilets jaunes » non compensées par l’Etat à la Sécu en application de la doctrine adoptée en 2018 - selon laquelle chaque caisse endosse désormais les baisses de recettes qui interviennent dans ses champs d’attribution -, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui verse les cotisations retraite des chômeurs et le minimum vieillesse, devrait atteindre 5,4 milliards d’euros en 2019 (contre 700 millions d’excédents prévus il y a un an). Après mesures correctrices, le PLFSS anticipe une réduction lente du déficit en 2020, avec un solde de - 5,1 Mds€, avant un retour à l’équilibre repoussé à 2023. La baisse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée de cotisations sociales versée par les employeurs à leurs salariés dans la limite de 1 000 € – reconduite en 2020 – ou encore la suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires avancée au 1er janvier pèsent fortement sur les comptes de la Sécu du fait de la non-compensation. Autrement dit, l’explosion du déficit de la sécurité sociale est le résultat d’un jeu d’écriture dans la comptabilité publique.

La branche vieillesse, qui est le plus fortement lésée par la captation non compensée de ses recettes, voit plonger ses comptes avec un déficit de 2,7 milliards d’euros en 2020, auquel il faut ajouter un redressement partiel du FSV (déficit ramené à 1,4 milliard). Les prestations vieillesse ont été "plus dynamiques qu’anticipé" en raison d’un effet démographique important, et ce, alors même que les mesures paramétriques sur l’âge et la durée de cotisation prises lors des précédentes réformes des retraites, produisent de moins en moins d’effet. L’Assurance maladie demeurera dans le rouge de 3 milliards malgré un plan de 4,2 milliards d’euros d’économies attendues dont 600 millions au titre de la maîtrise médicalisée. La branche famille restera positive de 700 millions d’euros et l’excédent de la branche Risques professionnels croîtra à 1,4 milliard d’euros.

Ces nouvelles prévisions financières, qui relancent le débat sur la nécessité de prendre des mesures de redressement sur les retraites avant de mettre en place le nouveau système de retraite par points en 2025, vont être intégrées par le Conseil d’orientation des retraites, mandaté par le gouvernement pour faire un état des lieux actualisé, et plus précis, des besoins de financement des régimes de retraite jusqu’en 2030.

En 2020, la Sécurité sociale ne rendra pas 1,5 milliard d’euros de TVA à l’Etat et ne transférera pas 1,6 milliard d’euros de CSG à la CADES : ces mouvements avaient été imaginés comme contrepartie au retour à meilleure fortune de la Sécurité sociale… qui n’aura finalement pas lieu. L’Acoss, qui gère sa trésorerie à court terme, ne transfèrera pas les nouveaux déficits à la CADES et les taux négatifs devraient lui permettre de maintenir son propre endettement sous contrôle.

Le PLFSS prévoit une sous-indexation d’une partie des prestations sociales (0,3 % en 2020). Le quasi-gel des prestations sociales pendant deux ans, qui avait été voté l’an dernier puis retoqué par le Conseil constitutionnel pour l’année 2020, va devoir être soumis à nouveau au vote des parlementaires. Il ne rapportera plus que 800 millions d’euros d’économies l’an prochain, dont 500 millions d’euros pour la Sécurité sociale. Le gouvernement a aussi décidé de réindexer sur l’inflation les pensions des retraités modestes (pension brute n’excédant pas 2000 euros mensuels) : 12 millions de retraités bénéficieront de cette revalorisation. Côté maîtrise, la présentation du PLFSS fait observer que l’Ondam "sera tenu [en 2019] pour la dixième année consécutive grâce à un effort de l’ensemble des acteurs". Pour 2020, le taux de progression de l’Ondam est fixé à 2,3 % avec plusieurs sous-objectifs. Alors que le taux est de 2,4 % pour les soins de ville, les établissements de santé bénéficient d’un taux sévère de 2,1 % dans le contexte actuel de crise des urgences hospitalières. Le secteur médico-social pourra, lui, aller jusqu’à + 2,8 % (+ 3,2 % en intégrant le prélèvement sur fonds propres de la CNSA).

Les quotidiens Les Echos et Liaisons sociales nous offrent un tour d’horizon des principales nouveautés du projet de loi : une simplification des prélèvements pour l’emploi à domicile ; un recouvrement social quasi-unifié au niveau des Urssaf d’ici à 2025 (à l’exception des salariés agricoles qui demeureront attachés à la MSA), une déclaration socio-fiscale unique pour les indépendants ; un congé indemnisé pour le proche aidant ; un service public de versement des pensions alimentaires, des crédits nouveaux pour les Ehpad (créations de postes, investissement...), en attendant la future loi sur le grand âge, l’amélioration des outils de lutte contre la fraude, la substitution automatique de la retraite au minima sociaux tels que l’AAH au moment de l’âge légal...

Dans un autre article intitulé "Assurance-vieillesse : le déficit va grimper à 6,6 milliards d’euros en 2023", le journal économique nous explique pourquoi Il ne lui semble pas que le gouvernement ait volontairement alourdi le fardeau de l’assurance vieillesse pour imposer des réformes plus vigoureuses. "Comme prévu l’année dernière, l’impact sur la branche vieillesse de la mesure d’exonération des heures supplémentaires en 2020 va être neutralisé par un transfert de 2 milliards d’euros en provenance de la branche famille. L’assurance vieillesse bénéficiera également de 100 millions de gain lié au coup de rabot sur certaines exonérations de charges patronales (« déduction forfaitaire spécifique »). Quant au fonds de solidarité vieillesse, lourdement déficitaire ces dernières années, il ne participera plus au financement du minimum de pension des salariés du privé dès l’année prochaine, en application d’une loi votée pendant le quinquennat précédent : pour le fonds de solidarité vieillesse, c’est un gain de 800 millions l’an prochain".

Le projet de loi à été soumis pour avis aux conseils d’administration des caisses nationales de sécurité sociale. Dans l’ensemble, les caisses ont émis un avis défavorable sur les orientations du projet de loi. Réuni le 3 octobre, le conseil d’administration de la CNAF a rejeté le texte avec une majorité de positions défavorables par 19 voix contre (3 CGT, 3 Fo, 3 CFDT, 2 CFTC, 2 CFE-CGC, 1 Personnalité qualifiée et 5 Unaf), 10 prises d’acte (le patronat) et 4 abstentions (1 Personnalité qualifiée, 3 U2P). Les administrateurs ont toutefois salué parmi les mesures concernant la branche Famille la création d’une prestation pour les aidants familiaux, l’automatisation du passage à la retraite des bénéficiaires du RSA et de l’AAH, ainsi que l’extension des missions de l’ARIPA, permettant de procéder à l’intermédiation financière des pensions alimentaires à partir de juin 2020. À la CNAM, la non-compensation des mesures « gilets jaunes » a entraîné là aussi une majorité de votes négatifs (19 votes négatifs, 10 prises d’acte et 5 abstentions).