Convergence Nationale des collectifs de défense et développement des services publics - PLFSS 2024

JIM - Examen du PLFSS à l’Assemblée nationale : des discours et un débat très politiques

Octobre 2019, par Info santé sécu social

Paris, le mercredi 23 octobre 2019

Pour, comme elle l’a rappelé, sa troisième présentation d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), Agnès Buzyn, ministre de la Santé a adopté une tonalité fortement politique. Elle a multiplié les références à l’importance historique de la Sécurité sociale et a martelé qu’elle se refusait aux incantations face à l’ampleur des enjeux. « Le PLFSS est un instrument précieux, qui place la sécurité sociale au cœur du débat démocratique » a-t-elle ainsi commencé avant de poursuivre : « Notre devoir, c’est de pérenniser un système universel et public offrant un haut niveau de protection, parce que ce haut niveau de protection est le résultat de choix historiques » a-t-elle poursuivi insistant encore plus tard : « L’Etat-providence du XXIème siècle, ça n’est pas un slogan, c’est une nécessité, parce que de nouvelles situations doivent engendrer de nouvelles protections ».

Un instrument politique
Ne se contentant pas de ces déclarations d’intention, le ministre de la Santé a cité quelques-unes de mesures phares du PLFSS : création d’un fonds d’indemnisation des victimes de produits phytosanitaires, instauration du congé proche aidant, versement en temps réel des crédits d’impôts et des aides sociales dans le cadre de l’emploi à domicile, automatisation du passage du RSA ou de l’Allocation adulte handicapé (AAH) vers les droits à la retraite ou encore mise en place d’un « nouveau droit pour les femmes enceintes habitant loin d’une maternité, incluant le transport et l’hébergement en amont du terme ». Dans cette énumération, elle n’a pas oublié la crise vécue par l’hôpital public et comme gage de sa conscience des difficultés qu’il traverse, elle a rappelé « ça n’est pas ailleurs que j’ai voulu travailler en devenant médecin et c’est à l’hôpital public que j’ai passé toute ma carrière avant de devenir ministre ». Face à cet hôpital en « grand difficulté », elle a insisté sur les efforts déjà réalisés, notamment « la campagne tarifaire de 2019, (…) la plus favorable depuis 10 ans, avec un ONDAM rehaussé à 2,5 % pour cette année-là » ou encore les multiples mesures annoncées dans le cadre des différents plans et enfin la promesse de donner une vision pluriannuelle aux établissements. Concluant ce discours, le ministre a achevé : « Le PLFSS n’est pas seulement un acte de responsabilité budgétaire. En faire une lecture strictement comptable, c’est passer à côté de ce qu’il est vraiment et il est avant tout un instrument politique ».

Insincérité
Aucun des élus présents n’auraient songé à la démentir, comme l’a illustré le lancement des débats, éminemment politiques et où certains ont même redouté de voir s’effriter la majorité. Les échanges les plus vifs ont notamment concerné l’article trois qui prévoit d’imputer à la Sécurité Sociale le coût des mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) décidées pour répondre à la crise des gilets jaunes. A l’extrême gauche comme chez les Républicains, beaucoup ont dénoncé ce poids sur l’équilibre déjà très précaire de la Sécurité sociale à l’heure où en outre l’hôpital nécessite une attention soutenue. Même du côté des élus de la majorité, les doutes s’exprimaient. Beaucoup soutenaient ainsi l’idée d’une compensation de l’État et un amendement dans ce sens porté par l’opposition a même été adopté en commission. Mais ce dernier a finalement été rejeté et l’article trois qui confirme que la Sécurité sociale supportera bien les trois milliards d’euros promis a été adopté à une heure tardive (fortement regrettée) par 89 voix pour et 42 contre. Après ce vote, l’amertume était forte. « Vous prenez dans la poche des moins aisés pour distribuer des miettes dans les poches des autres » a dénoncé Caroline Fiat (France Insoumise). D’autres ont estimé que le refus d’imposer à l’État la compensation des MUES témoignait en dépit des ardents discours du ministre de l’insincérité du gouvernement quant à sa volonté de sauver l’hôpital. Prenant des accents chiraquiens, Boris Vallaud (PS) a ainsi lancé « L’hôpital brûle et vous regardez ailleurs », déplorant un niveau de dépenses « irresponsable », tandis qu’en écho au discours du ministre se montrant si apparemment attaché à l’héritage de la Sécurité sociale, Jean-Pierre Door (LR) a assuré redouter : « La disparition de la Sécurité sociale comme nous l’avons connue » en raison de la remise en cause de son autonomie. Agnès Buzyn aura été entendue au-delà de ses espérances en présentant le débat autour du PLFSS comme un instrument politique.

Aurélie Haroche