Les complémentaires

Le point - Pour boire du vin, bientôt, très bientôt, il faudra songer à se déconnecter. Big Brother nous délivre les bons points.

Septembre 2016, par Info santé sécu social

Assurance sans risque

Par Jacques Dupont

Le Monde daté du mercredi 7 septembre titrait « Faut-il faire payer les assurés en fonction de leur mode de vie ? ». Plus loin, on apprenait que la compagnie Generali lançait « la première assurance comportementale dans la santé en France. L’idée ? Gratifier le client dont le style de vie répond aux canons de l’assureur ». Ça s’appelle Vitality. « À l’heure des objets connectés et du big data, les assureurs sont désormais capables de mesurer précisément les risques individuels pris par chaque consommateur. À partir de la masse de données collectées, ils lancent des offres dépendant du comportement des particuliers. Les clients jugés vertueux selon les canons de l’assurance obtiennent des ristournes sur leur prime lorsque les autres sont pénalisés. »

Petit à petit, l’oiseau normalisateur fait son nid. Ce n’est pas encore Soleil vert, mais on a déjà commencé à dépasser les prévisions de George Orwell. Un questionnaire envoyé aux assurés permettra de cerner leur mode de vie, à risque ou pas, s’ils font du sport, s’ils fument et ce n’est pas dit dans l’article mais il est fort à parier qu’on leur demandera aussi quelle est leur consommation d’alcool. Le tout vérifié et validé par big data. Quels critères détermineront bonus et malus, au-delà de quel seuil, par exemple, de consommation de vin un assuré se verra-t-il taxé homme ou femme à risque ? Selon ceux du professeur Khayat, le célèbre cancérologue qui recommande le plaisir plus que les restrictions, ou ceux des intégristes de l’Anpaa qui militent pour son bannissement. On sait que certaines études plaçaient dans la catégorie addicts ceux qui buvaient du vin tous les jours, même quand il s’agissait d’un verre par repas…

Nous avons vécu la période de « l’homofestivus », celle décrite par Philippe Muray, l’ère du tout culturel, de la « commemo » festive où l’on confond culture et folklore. Voici que l’on entre dans celle de « l’homomedicus », l’homme sous contrôle, la disparition de la liberté individuelle au profit du bien-être général, de la bonne moyenne, du « comportemental ». Le rêve parfait de l’hygiéniste enfin réalisé, du totalitaire « pour ton bien », du professeur Got maître à penser de la santé universelle. Amis du vin, méfiez-vous de Generali et bientôt de ses jumelles, car cet assureur ne fait que mettre en pratique en France ce que les grandes compagnies américaines ont déjà réalisé depuis longtemps : la mise au pas, mise aux normes, mise en statistique de l’ex-citoyen… Jacques Richier (toujours dans Le Monde), patron d’Allianz, est formel : « L’assurance vit une petite révolution qui ne dit pas son nom. Seront dépassés ceux qui resteront sur les méthodes anciennes d’analyse du risque et ne tireront pas suffisamment profit de ce que la technologie permet. » À bon entendeur…